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Benkirane démis : Dans les coulisses d’une fin annoncée
« L’expérience doit se poursuivre. Les islamistes du PJD ne sont pas en rupture de ban. Ils ont choisi les institutions. Il faut sauver ces dix années de construction qui ont permis la mue du PJD ». C’est à peu près le discours qui a été tenu à Benkirane par ses proches, 24 heures avant sa destitution
Sur la route de Casablanca où il avait été appelé en cette fin d’après midi de mercredi 15 mars, Abdalilah Benkirane avait compris. Sa carrière de chef de gouvernement désigné allait prendre fin, au plus tard dans quelques heures. Il n’a pas réussi à former un gouvernement. Cinq mois de négociations qui se sont transformées en tergiversations puis en pourrissement ont eu raison de sa capacité à conduire un Exécutif. L’USFP l’a-t-il « tuer » ? Comme se le demande non sans ironie un ténor de la majorité sortante.
Sur le chemin du retour, alors que la berline gouvernementale roulait sur l’autoroute en direction de Rabat, le chef de gouvernement désormais démis de ses fonctions par le Roi -il l’apprendra par un conseiller du Souverain- garde sa sérénité. C’est en tout cas ce que croit déceler un de ses proches qui l’a au téléphone. « Il semblait comme soulagé, comme s’il était débarrassé d’un fardeau », nous confie notre interlocuteur.
Depuis lundi 13 mars, le carré de proches de M. Benkirane savait que la fin était imminente. 48 heures durant, et jusqu’à mardi, ils ont fait le pressing et multiplié les rencontres au domicile du secrétaire général du PJD pour lui faire changer d’avis et, en clair, lui faire accepter l’idée d’une USFP au sein du gouvernement. « On se heurtait à un mur. Le chef de gouvernement a fini par admettre que psychologiquement cela lui était impossible. Et là, on a compris que c’en était fini, qu’il n’attendait plus que sa destitution, » témoigne l’une de ces personnalités faisant partie de ceux qui voulaient le convaincre d’accepter les ittihadis pour débloquer la situation.
Très vite, le plan B a été évoqué, avant même qu’’Abdelilah Benkirane ne soit officiellement informée que le Roi « a décidé de charger une autre personnalité du même parti afin de former le prochain gouvernement » et ce « en vertu des prérogatives qui lui sont attribuées par la Constitution ». « L’expérience doit se poursuivre. Les islamistes du PJD ne sont pas en rupture de ban. Ils ont choisi les institutions. Il faut sauver ces dix années de construction qui ont permis la mue du PJD ». C’est à peu près le discours qui a été tenu à Benkirane par ses proches, 24 heures avant sa destitution. En d’autres termes, Abdelilah Benkirane démis se devait d’adouber son successeur qui serait chargé de former un nouveau gouvernement. « Il devrait s’adresser à ses pairs du secrétariat national et leur dire que la solution énoncée dans le communiqué du cabinet royal est la solution qu’il souhaite. Cela calmerait les troupes », explique ce fidèle parmi les fidèles de Si Abdelilah.
Ce jeudi 16 mars, et à l’heure où ces lignes sont écrites, l’instance exécutive du PJD est toujours en réunion au siège du parti dans le quartier des Orangers.
Journalistes, cameramen et photographes sont postés devant la porte du parti dans l’attente du verdict. Le PJD acceptera-t-il de poursuivre en acceptant que l’un des leurs forme le prochain gouvernement en lieu et place de leur zaïm ? En tout cas, les pressentis -en l’occurrence Saadeddine El Otmani et Mostafa Ramid- se tiennent prêts, y compris à gouverner avec les ittihadis, ceux-là même qui ont fait tomber Abdelilah Benkirane.