chroniques
Enfin un gouvernement de technocrates !
Sur 24 ministres, compte 17 technocrates pur jus dont 9 sans appartenance politique. Un casting qui fait que personne, et c’est tant mieux ainsi, n’a droit à l’échec.
Enfin un gouvernent de technocrates ! S’exclamer ainsi devant un fait qui devrait étonner sinon inquiéter, peut paraitre curieux, j’y reviendrai.
Notons auparavant que le Maroc a bien tenté l’expérience d’un « gouvernement de pôles » dans Filali III (août 1997 à mars 1998) avec 17 ministres dont deux délégués et 10 secrétaires d’Etat. Mais c’est la première fois de son histoire récente, que le Maroc dispose d’un gouvernement ramassé, resserré dans le cadre, nous dit-on, de la restructuration de l’institution (semi) exécutive, sachant que l’exécution dans son déploiement aussi bien que dans sa conception ne lui appartient qu’en partie. C’est une réalité dont il n’est pas nécessaire de détourner le regard.
Fini donc les cabinets pléthoriques dont la seule logique obéissait à la satisfaction des ambitions personnelles des membres des partis et la nécessité d’épargner aux « leaders » les représailles internes et les ruptures post-formation du gouvernement.
En tout 24 ministres et ministres délégués y compris le secrétaire général. Ils ont la lourde charge d’accompagner le tournant majeur que le Royaume entend prendre pour introduire plus d’équilibre dans ses structures sociales et plus d’équité entre les couches qui les composent. Ce gouvernement, il faut le dire ne joue pas seulement l’échéance électorale que ses composantes s’apprêtent à affronter en 2021, mais le bon départ, combien déterminant, de la nouvelle étape qu’entame le Maroc telle que déclinée par le dernier discours du Trône et complétée par le discours royal du 20 août.
Des départements ont été regroupés, d’autres ont disparu de l’organigramme, c’est le cas essentiellement du ministère de la communication que personne ne pleurera et qui n’avait plus de raison d’être autre que celle d’offrir un portefeuille pour caser tel ou tel notable d’un parti. De toutes ses prérogatives, seule l’attribution des subventions aux médias risque de poser quelque problème et à laquelle il faut trouver le mécanisme capable d’assurer la mission avec équité.
Pour le reste, il faut lui souhaiter bon vent pour mener à bien d’ici le terme électoral son accompagnement de la mise en place du nouveau modèle de développement. Il a en son sein les compétences technocratiques nécessaires. Une référence que les adhérents des partis prennent pour une déconsidération du politique, jugé « incompétent », politiquement « népotique et claniste».
Il n’en est rien. S’il est vrai que dans sa définition primaire le technocrate se pose en antinomique du politique générant un antagonisme spécialiste Vs généraliste, l’appréhension de la technocratie a toutefois beaucoup évolué. A l’échelle du Maroc, on a assisté, au fil des ans, à une atténuation de l’opposition et à une convergence entre les deux catégories dans ce sens où les technocrates ont cessé de voir dans les partis un milieu hostile où ils ne peuvent pas s’épanouir pendant que ceux-ci se sont déployés pour séduire la technostructure.
A l’exception du RNI qui porte la technocratie dans son ADN, l’exemple de deux partis formatés dans l’adversité à la technostructure qui se sont mis à adopter des technocrates « étrangers » au milieu naturel dans lequel ils évoluaient, montre cette évolution : L’USFP lorsque Mohamed Elyazghi avait organisé son opération « ouverture » sur les autres composantes de la société et l’Istiqlal quand, au corps défendant de ses militants, s’est résolu à faire porter son maillot à des technocrates extérieurs à ses structures partisanes.
Est-ce d’ailleurs un hasard que les deux ministres PJD qui ont résisté à la restauration du gouvernement, à des postes importants, soient assimilables à des technocrates :Aziz Rabbah, ministre de l'Energie, des mines et de l'environnement, et Abdelkader Aamara,ministre de l'Equipement, du transport, de la logistique et de l'eau. Même la voilée ministre déléguée chargée des MRE, Nezha El Ouafi, qui risque de déplaire à une bonne partie des Marocains du Monde, n’est pas étrangère à son domaine. On peut en dire autant des deux ministres MP, Saaid Amzazi (Education Nationale) et Nezha Bouchareb (Aménagement du territoire, de l'urbanisme, de l'habitat et de la politique de la ville.)
Si bien qu’en réalité on se retrouve avec un gouvernement qui, sur 24 ministres, compte 17 technocrates pur jus dont 9 sans appartenance politique. Un casting qui fait que personne, et c’est tant mieux ainsi, n’a droit à l’échec.