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Je renonce à comprendre
Je préfère m’intéresser à des phénomènes plus consistants, à la vie tout simplement, à tout ce que l’on peut raisonnablement entendre. Benkirane versus « Tahakkoum » c’est un scénario décousu, un jeu d’acteurs dérisoire, un vrai navet. C’est donc sans intérêt
« le blocage continue » titre les quotidiens. Driss Lachgar se découvre un nouvel allié stratégique. En deux mois il est passé du PAM, à l’Istiqlal, pour déclarer sa flamme au RNI samedi dernier. Sa quête d’une locomotive pour accéder aux affaires a quelque chose de tragique quand on sait qu’il est à la tête de l’Ittihad, principal fournisseur des victimes des années de plomb. RNI et PJD sont en guerre ouverte, on n’entend plus parler du Mouvement Populaire, alors que numériquement il pourrait régler les problèmes de Benkirane. Difficile à commenter, tellement tout cela est absurde.
Qui a peur de Benkirane ? En principe personne. Il n’est en rien une menace pour les institutions, à l’heure actuelle. Les sorties verbales nous instruisent plus sur son niveau cognitif, font rire certains de nos compatriotes, mais ne représentent pas un projet subversif. Il est prêt à lâcher les ministères techniques, parce qu’il n’a pas les pointures qu’il faut à ses côtés, les ministères dits de souveraineté, l’Education, le commerce, quels leviers lui restent il ?
L’o sait depuis 2002 que le mode de scrutin est pensé pour empêcher l’émergence d’un parti majoritaire. On n’en est plus très sûr. Puisque dans plusieurs circonscriptions, une même liste a remporté trois sièges. C’est arrivé pour le PAM, mais surtout pour le PJD.
Cependant les effets de ce mode de scrutin restent. Le parti arrivé en premier, n’arrive pas à constituer une majorité. Pourtant il ne lui manque qu’une vingtaine de sièges. USFP, Haraka, UC et bien sur RNI, chacun de ces partis peut faire l’affaire. Le chef du gouvernement a insisté pour avoir le RNI à ses côtés, renforçant ses capacités de blocage, Pourquoi ?
Il est ubuesque de voir s’engluer dans les masses de tous les pièges qu’on lui pose. Parce qu’il est clair que dans ce jeu tout n’est pas dit et qu’il y a une part sombre dans le jeu des acteurs. Une nouvelle fois ceux-ci piègent la démocratie et on voit fleurir des discours inquiétants.
Abdelmounaim Dilami est professeur universitaire, il propose dans un éditorial la nomination d’un technocrate à la place de Benkirane pour sortir du blocage. C’est totalement inconstitutionnel, mais il n’en a cure. Ce n’est pas une position marginale dans l’opinion publique. Les simagrées de la classe politique renforcent l’envie d’un autoritarisme éclairé. Il ne faut pas sous-estimer cette tendance. A l’inverse, empêcher Benkirane de manière aussi peu subtile de constituer sa majorité, ou l’obliger à former un gouvernement fissuré dès le départ est très dangereux pour l’avenir, parce que cela sape l’adhésion aux institutions. Cette adhésion est le socle de toute stabilité et le Maroc doit affronter des défis stratégiques dont les difficultés de l’Algérie et de la Mauritanie ne sont pas les moindres.
Je renonce à tenter de comprendre un jeu où aucun des acteurs ne gagne quelque chose et, au contraire, les pertes sont certaines. Je préfère m’intéresser à des phénomènes plus consistants, à la vie tout simplement, à tout ce que l’on peut raisonnablement entendre. Benkirane versus « Tahakkoum » c’est un scénario décousu, un jeu d’acteurs dérisoire, un vrai navet. C’est donc sans intérêt.