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Limogeage de Benkirane : les jours d’après
Nabila Benkiarane : « Mon mari part la tête haute. Il a mis en échec toutes les tentatives qui visaient à le mettre à genoux ». On sent l’épouse qui console, la compagne qui essuie les larmes, la douce moitié qui soutient un mari congédié
Derrière la haie de micros tendus, Abdalilah Benkirane a le sourire crispé. Les traits tirés. Il essaie bien de faire une boutade devant les journalistes qui l’attendent depuis de longues heures ce jeudi 16 mars –« pourquoi êtes-vous aussi nombreux ? Que se passe-t-il donc? ». En vain. Le chef de gouvernement démis de ces fonctions accuse le coup.
A ses proches il a bien confié dès mercredi soir, à la publication du communiqué du cabinet royal mettant fin à sa mission de chef de gouvernement, se sentir soulagé et allégé d’un fardeau qu’il avait de plus en plus de difficultés à assumer au regard de tractations extrêmement laborieuses. La déclaration de Nabila Benkirane, son épouse, au quotidien le plus proche du PJD, « Akhbar Al Yaoum » fait plus office de placebo que de petite phrase politique. « Mon mari part la tête haute. Il a mis en échec toutes les tentatives qui visaient à le mettre à genoux ». On sent l’épouse qui console, la compagne qui essuie les larmes, la douce moitié qui soutient un mari congédié par les plus hautes autorités de l’Etat.
Sa déclaration devant les journalistes au sortir de la réunion du secrétariat national de son parti est sobre. Presque lapidaire. Le PJD a décidé de réagir positivement avec le communiqué du cabinet royal. Une session extraordinaire du conseil national sera convoquée samedi matin 18 mars. Abdalilah Benkirane ne répondra qu’à une seule question, celle de savoir s’il a été reçu par le Roi avant le communiqué annonçant sa destitution et son remplacement par une autre personnalité du parti de la Lampe. « Non, il n’y a pas eu d’audience royale », tiendra-t-il à préciser. Faut-il y voir une sorte de dépit, une amertume qui ne dit pas son nom ?
La veille, à l’agence de presse britannique, M. Benkirane prend l’opinion publique à témoin : ce n’est pas lui qui a présenté sa démission. «C’est notre Roi et sa décision s’inscrit dans le cadre de la Constitution que je respecte et que je considère comme un référentiel».
Sur le site officiel du PJD, le communiqué du cabinet royal relatif au limogeage de M. Benkirane est évoqué en creux, presque de manière incidente. Impossible d’y trouver la moindre trace. Il n’a tout simplement pas été mis en ligne par les islamistes (encore) au pouvoir. La web TV du parti repasse en boucle l’information de la réunion extraordinaire du secrétariat national du PJD tenu jeudi aux toutes premières heures de l’après-midi. La nécessaire cohésion interne du parti « pour faire face aux adversaires » est évoquée dans un sujet aux accents très militants.
Le communiqué du secrétariat national, réponse au communiqué de destitution, a par contre été publié sur le site pjd.ma. La direction islamiste s’y explique et ne lâche pas son chef même si son départ est à l’évidence accepté et validé. Au-delà du déni de la responsabilité de blocage de la formation du gouvernement sur le mode de l’enfer, c’est les autres, la page Benkirane sera-t-elle tournée au sein de sa propre famille politico-religieuse? Comment son successeur se débarrassera-t-il d’une tutelle paternaliste et populiste devenue encombrante ? Et, surtout, comment existera-t-il avec une nouvelle façon de faire ? L’après-Benkirane promet bien des rebondissements au sein du PJD où certaines dents longues rayent déjà le parquet…