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Vaccins : L’autre face hideuse du multilatéralisme tronqué
Derrière l’ostracisme européen basé sur la propagation du doute sur certains vaccins, se cachaient insidieusement des enjeux sans rapports avec la qualité des produits.
L’Agence européenne des médicaments (Union européenne) a banni de sa liste des vaccins donnant accès à l’espace de l’Union, le sérum AstraZeneca fabriqué en Inde. L’agence européenne feint de craindre que le produit made in India soit différent de l’original produit au Royaume Uni et en Europe. Ce bannissement vient rejoindre l’ostracisme qui a déjà frappé les vaccins chinois, dont celui de Sinopharm, largement utilisé au Maroc avec l’AstraZeneca indien.
Bien que jusqu’à preuve irréfutable du contraire le doute raisonnable est permis, et que tous les vaccins soient dans une phase d’expérimentation grandeur nature pour un usage d’urgence, la décision de l’Agence européenne, principalement motivée par des considérations géopolitiques et géostratégiques, n’est en définitive que l’autre face hideuse d’une guerre qui avance de plus en plus à visage découvert.
A coups de communiqués, les laboratoires se livrent à une bataille sans merci pour promouvoir chacun son produit et vanter son efficacité contre le variant Delta en passe de devenir le virus dominant. Si la Chine conquérante poursuit sa promenade de bonne santé avec ses propres vaccins et ses mesures drastiques, sans se soucier des gesticulations européennes, pour se présenter aujourd’hui comme le pays où la présence du coronavirus Sars-Cov 2 ne circule que très faiblement, les producteurs occidentaux – Pfizer, Moderna, AstraZeneca et Johnson & Johnson - dont les mères patries sont toujours sous la menace pandémique, s’échinent à démontrer, à l’aide de pourcentages qui restent à vérifier, l’efficacité de leurs vaccins.
De bonne guerre pourrait-on dire si derrière l’ostracisme basé sur la propagation du doute et du soupçon, ne se cachaient insidieusement des enjeux sans rapports avec la qualité des vaccins.
Le « maillon faible »
Il en est ainsi de Sinopharm et surtout, actualité oblige, d’’AstraZeneca. Une étude prépubliée et menée du 12 avril au 4 juin par les autorités sanitaires britanniques, indique que le vaccin d’AstraZeneca est plus efficace contre le variant Delta (92%), en matière de risque d’hospitalisation, contre 86% pour la souche britannique Alpha. Et sans que pour l’instant rien ne démontre que les Britanniques mènent une campagne mensongère sur leur produit, l’Union Européenne ne se prive pas de semer le doute. Avec des prudences pernicieuses cette fois-ci.
De peur de tomber dans les travers et les effets contreproductifs de sa première attaque contre le vaccin britannique provoquant la défiance de ses propres populations à son égard, l’UE a changé de fusil d’épaule pour attaquer ce qu’elle considère comme le maillon faible de la chaine : La production indienne. Elle escompte de cette décision un double gain : Pénaliser l’économie émergente de l’Inde, pourtant géant de la production pharmaceutique pour le compte des occidentaux, et réduire le softpower du Royaume Uni sur les pays en développement tributaires, à côté de la Chine, de la production indienne d’AstraZeneca qui constitue par ailleurs l’essentiel de l’approvisionnement du mécanisme Covax mis en place pour assurer autant que faire se peut l’égalité d’accès aux vaccins anticovid.
Covax qui a bien lu la manœuvre européenne, ne s’y est pas trompé et a vivement réagi à la décision de l’agence européenne dans laquelle elle a vu un moyen de » miner un peu plus la confiance déjà fragile dans la vaccination, notamment avec les doses d'AstraZeneca. » Pour les partenaires de ce programme, souligne-t-il dans un communiqué, « toute mesure qui autorise seulement les gens protégés par une partie des vaccins homologués par l'OMS à profiter du retour des voyages créerait un système à deux vitesses, qui accroîtrait encore le fossé vaccinal et exacerberait les inégalités que nous avons déjà constatées dans la distribution des vaccins anti-Covid" (Cf. encadré).
Une guerre plus chaude que froide
Pour l’économie marocaine, la décision de l’UE n’est pas tout-à-fait une mauvaise nouvelle. C’est une mesure de nature à compliquer les voyages touristiques en Europe, qui représentent une saignée importante de devises. Il n’en reste pas moins que la décision européenne poursuit une injuste guerre contre les vaccins des brixiteurs britanniques entamée dès le lancement de ce vaccin et qui s’est prolongée par la mise à l’index des vaccins russes et chinois.
Au-delà de leurs aspects sanitaires, ces décisions éclairent sous son véritable jour le slogan du « retour au multipartisme » dont s’est gargarisé le Sommet du G7 qui a réuni à Carbis Bay USA, Canada, Japon, Royaume Uni, Italie, France et Allemagne. Il se réduit à ce qu’il a toujours été, un multilatéralisme tronqué, limité à la traditionnelle alliance occidentale tendant à exclure de la gestion des affaires mondiales non seulement les pays du bien nommé Tiers Monde, mais des puissances de premier plan comme la Chine et la Russie.
Dans ce jeu sournois et pipé tout devient bon pour contrer non seulement la Chine, désormais hors portée, mais tout prétendant à l’émergence. Faut-il dès lors s’étonner que les théories taxées de conspirationnistes trouvent preneurs pouvant se prévaloir de ces comportements pour affirmer que c’est la démographie des « pays inutiles » qui est la cible de ce virus conçu dans les officines de la triade qui gouverne le monde ?
Cet état des lieux, dont la guerre des vaccins n’est qu’un effet collatéral, a de grandes parentés avec la guerre froide que l’on croyait terminée avec l’implosion de l’Union Soviétique. A grands cris, il annonce le retour à la confrontation frontale qui n’augure rien de bon pour les lendemains de nos pays. Au sommet du G7, puis, dans sa foulée, à la réunion de l’OTAN, le président américain Joe Biden a surtout laissé l’impression de sonner le rassemblement des troupes, se déployant à vaincre les pourtant molles réticences européennes, notamment françaises et allemandes, à suivre les Etats Unis dans leur croisade contre Pékin. Même sa rencontre avec le Russe Vladimir Poutine avait des airs de tentative de neutralisation de la Grande Russie face à la Chine. Au point que l’on est en droit de se demander si le monde n’est pas, certes dans une configuration géostratégique différente et avec des puissances protagonistes autres, dans les mêmes dispositions belligènes parce que belliqueuses, où il se trouvait avant la première guerre mondiale suivie de la deuxième.