Levée des brevets sur les vaccins: Washington manœuvre, l'UE tergiverse

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Les dirigeants européens réunis en sommet à Porto les 7 et 8 mai 2021

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L'Union européenne a renvoyé samedi la balle aux Etats-Unis sur la levée des brevets de vaccins anti-Covid, appelant Washington à faire "des propositions concrètes" et à mettre fin à son interdiction d'exportation des sérums et de leurs composants.

L'annonce surprise du soutien de l'administration de Joe Biden à la levée des brevets sur les vaccins contre le Covid-19 afin d'en accélérer la production et la distribution aux pays pauvres - à laquelle a fait écho celle du pape samedi- a bousculé l'agenda des Européens, réunis en sommet pendant deux jours à Porto.

Les Vingt-Sept se sont très majoritairement montrés sceptiques sur cette proposition, y voyant un coup médiatique de la nouvelle administration américaine. Ils ont en riposte revendiqué haut et fort la politique la plus généreuse en matière d'exportations de vaccins et appelé Washington à les imiter.

"On doit être prêt à débattre de ce sujet (de la levée des brevets, NDLR) dès lors que des propositions concrètes seraient mises sur la table", a réagi Charles Michel, le président du Conseil, qui représente les Etats membres.

"Nous ne pensons pas que, à court terme, cela puisse être une solution magique", a-t-il toutefois averti.

"Des vaccins maintenant"

"Ce n'est pas quelque chose qui va amener des vaccins dans les mois qui viennent, ni peut-être même dans l'année qui vient. Or il faut des vaccins maintenant", a renchéri la présidente de la Commission Ursula von der Leyen.

Les Européens estiment que la production et l'exportation de vaccins à partir des usines existantes est le meilleur moyen pour répondre rapidement à la demande mondiale.

Ils soulignent que l'UE est la "seule région démocratique" à exporter autant de vaccins, tandis que Britanniques et Américains ont fait le choix de réserver leur production à leur propre population.

Sur 400 millions de doses déjà produites dans l'Union européenne, environ 50%, soit 200 millions, sont parties vers 90 pays, a souligné la cheffe de l'exécutif européen, qui a par ailleurs annoncé samedi la conclusion d'un nouveau contrat avec Pfizer-BioNTech pour garantir à l'UE jusqu'à 1,8 milliard de doses, soit bien plus que ses besoins propres.

Mme von der Leyen a expliqué que les vaccins excédentaires pourraient être donnés ou revendus à des pays tiers.

Le président français Emmanuel Macron a appelé "les Etats-Unis à mettre fin aux interdictions à l'export non seulement de vaccins mais de composants de ces vaccins qui empêchent la production".

Les Etats-Unis ont mis en place sous la présidence de Donald Trump, un décret nommé "Defense Production Act", qui exige que les Américains aient la priorité sur les vaccins fabriqués dans leur pays, restreignant de facto les exportations de doses fabriquées aux États-Unis, mais aussi de composants.

Les Européens partagés

"La clé pour produire plus vite des vaccins pour les pays pauvres et les pays intermédiaires, c'est de produire plus: lever les interdictions à l'export", a insisté Emmanuel Macron lors d'une conférence de presse à Porto.

Même appel du côté de l'Allemagne, pays qui a dès l'annonce américaine clairement fait part de son hostilité. "Je souhaite que maintenant qu'une grande partie de la population américaine a été vaccinée, nous puissions avoir un libre échange de composants et aussi une ouverture du marché des vaccins", a réagi la chancelière Angela Merkel, qui a participé au sommet par visioconférence. 

Les Européens sont partagés entre ceux qui, comme l'Allemagne, s'opposent à la proposition, et ceux qui veulent faire preuve d'ouverture sur la question, souligne une source européenne.

L'Espagne estime par exemple que "la propriété intellectuelle ne peut pas être un obstacle pour mettre fin au Covid-19 et s'assurer de l'accès équitable et universel aux vaccins". Elle a appelé à trouver "un consensus de façon urgente" pour une levée des brevets au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Le pape a ajouté sa voix au débat samedi, en soutenant l'idée d'une "suspension temporaire" de ces droits de propriété intellectuelle et en critiquant "le nationalisme étroit" qui empêche l'accès universel à ces produits. L'Inde et l'Afrique du Sud militent aussi pour une telle mesure auprès de l'OMC, à laquelle les laboratoires pharmaceutiques sont farouchement opposés.

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