Politique
LA POLITIQUE ? BOF ! ET POURTANT… - Par Mustapha SEHIMI
L’adage est connu « Si vous ne vous occupez pas de politique, la politique, elle, s’occupe de vous »
La politique, à quoi bon ? La distanciation des citoyens à cet égard – au Maroc et ailleurs – est devenue un fait social. L’abstentionnisme s’est en effet durablement installé ; dans le corps électoral c’est même le premier choix avec des taux de 40/50% voire plus, surclassant en termes chiffrés les scores des premiers de cordée.
Pas de quoi réhabiliter la politique aux yeux des citoyens. Mais enfin, peut-on se passer d’elle ? L’adage est connu « Si vous ne vous occupez pas de politique, la politique, elle, s’occupe de vous » - par de multiples scrutins, des élus locaux, régionaux et nationaux en charge précisément de la gestion des affaires de la cité et même au-delà.
Par qui ? Comment ? Et pourquoi ?
Mais qu’est-ce tout d’abord que la politique ? Qu’est-ce qui fait qu’un acte est « politique » ? L’on peut citer, pêle-mêle, ceci : des grèves, des manifestations, des mesures publiques, des réformes dans tous les domaines, etc. Pour ce qui est de la politique publique, que faut-il entendre ? Un ensemble d’intentions et d’actions imputables à une autorité publique ; celles-ci ont objet un problème d’allocation de biens ou de ressources (santé, éducation, pouvoir d’achat, etc.). C’est que tout groupe organisé doit à l’occasion prendre des décisions qui s’appliqueront à tous les membres, sans exception. Dans différents domaines – locaux ou nationaux – il est nécessaire d’établir des politiques publiques qui concernent la collectivité dans son ensemble, et de prendre des décisions qui toucheront tous les membres du groupe. L’élaboration de politiques publiques couvre un périmètre important de la politique. Ce qui renvoie au pouvoir décisionnel touchant ces choix. Autrement dit, la question suivante : par qui, comment et pourquoi ces politiques sont élaborées ?
Cela dit, la frontière entre le politique et le non-politique est parfois difficile à tracer – question de point de vue. Reste que les phénomènes politiques présentent une autre caractéristique : la politique suppose l’exercice du pouvoir par une personne ou un groupe. En politique, c’est connu depuis la nuit des temps : on trouve toujours en dernière instance une personne – ou un groupe – qui impose sa volonté aux autres, soit par la force, soit par la persuasion. C’est qu’en dernière instance, le pouvoir s’exerce par différents moyens, brutalement ou plus
Discrètement
Il est ainsi possible de distinguer trois types de pouvoir. Le premier d’entre eux est le pouvoir d’injonction – coercition qui force une personne ou un groupe à agir contre son gré. Cette forme de pouvoir repose sur l’alternative suivante : ou bien la personne assujettie s’incline devant la volonté ainsi imposée – et elle évite ainsi toute sanction ; ou bien elle refuse de s’incliner et s’oppose alors à une notion judiciaire. Ce pouvoir -injonction-coercition suppose la capacité de faire usage de la force publique, une mission régalienne confiée et assurée par l’Etat. Autre type : le pouvoir influence–incitation qui exclut, lui, l’utilisation de la force. Il se distingue par sa capacité à offrir une gratification en échange de l’adoption du comportement recherché (récompense pécuniaire, une information utile, une distinction, une promotion), etc. Enfin, le dernier type : celui qui arrive ou réussit à convaincre un individu – ou un groupe – d’accepter ce qui lui est proposé.
Ressources ou moyens
L'exercice du pouvoir implique l'utilisation - ou la mobilisation - de plusieurs ressources ou moyens afin d'amener une personne à faire ce que l'on veut. C'est ce que l'on appelle des ressources politiques : argent, force physique, statut juridique, possession d'information privilégiée, séduction voire charisme, existence de puissants alliés, détermination... De multiples moyens donc qu'un acteur politique mobilise en vue d'augmenter ses chances d'atteindre un objectif. L'exercice du pouvoir est complexe, mais il importe de retenir que les relations politiques impliquent toujours l'utilisation du pouvoir.
Par ailleurs, il n'est pas nécessaire que les interactions entre des individus ou des groupes soient observables pour qu'il y ait une relation de pouvoir. C'est pourquoi une distinction est à faire entre les relations de pouvoir manifeste et les relations de pouvoir implicite. La politique moderne regorge d'exemples de pouvoir implicite. En tout état de cause, la politique c'est un choix: il vise à déterminer des objectifs communs en faisant appel à diverses ressources politiques et à l'utilisation de divers types de pouvoir. La notion de politique se varie quelque peu dans l'usage courant.
Ici, l'on se préoccupe uniquement du mot "politique" se rapportant à des institutions de l'Etat. Comment appréhender alors ce terme ? Les approches empiriques décrivent la manière dont les phénomènes agissent; elles ont généralement un caractère explicatif, avec des énoncés. Les approches normatives relèvent, elles, d'un autre registre. Elles aident leurs tenants à se faire une opinion, à porter un jugement sur un phénomène, et non à en décrire les mécanismes. Ces deux approches portent sur des cas particuliers en les reliant à des principes généraux.
Une double équation
La politique ? Elle est cœur d’une double équation : celle de l’autorité et de la légitimité ; celle aussi de l’Etat et du citoyen. Le désintérêt pour la politique est contre-productif ; il produit des effets contraires par rapport aux justifications des partisans de cette position. La participation aux élections renforce la démocratie. Le souhaitable ? C’est aussi qu’un nombre important de citoyens soit politiquement actif, en s’engageant notamment dans des partis politiques et en prenant part aux campagnes électorales. Les citoyens ne sont pas appelés au « suivisme » mais à exercer leur esprit critique et le cas échéant leur opposition aux gouvernants. Mais dans le même temps, sur ces bases-là, les citoyens d’une démocratie doivent accorder leur appui au système politique et à ses institutions.
La politique ? Elle sera ce que les citoyens voudront bien qu’elle soit : un jeu de rôles pour certains ? Une responsabilisation de tous pour aider à élaborer et à mettre en œuvre des politiques publiques répondant aux besoins, aux attentes et aux aspirations de la communauté ? Les abstentionnistes ne gagnent rien à persister dans leur attitude : les décisions prises par les décideurs - et partant la politique- leur sont imposables. Eux aussi…