Santé
Comment un médecin australien a séduit Washington avec un test Covid-19 sans ordonnance
Sean Parsons, un médecin australien qui a inventé un test Covid-19 en vente libre, dans son usine de Brisbane le 21 décembre 2020
Créer des dispositifs pour détecter les virus n'était au départ qu'un passe-temps pour Sean Parsons. Aujourd'hui, ce médecin australien supervise la production de masse de son invention phare: un test Covid-19 en vente libre, le premier à avoir eu le feu vert du régulateur américain.
Dans les ateliers de Brisbane, dans l'est de l'Australie, les ouvriers d'Ellume, la société qu'il a fondée, assemblent patiemment les pièces de ces kits gris, dont la taille et la forme rappellent un test de grossesse.
Le test d'Ellume permet de savoir en 15 minutes si on est porteur du coronavirus. Et il sera bientôt disponible sans ordonnance dans les pharmacies américaines.
"Nous fabriquons les premiers produits qui partiront aux Etats-Unis. C'est un moment très important", confiait récemment M. Parsons lors d'une visite de son usine.
L'Agence américaine des médicaments (FDA) venait alors de donner son feu vert à l'utilisation des kits d'Ellume en cas d'urgence, et l'usine en fabriquait alors 16.000 par jour.
Elle est désormais pleinement embarquée dans un défi titanesque: accélérer le rythme pour porter la production à 100.000 tests par jour d'ici la fin du mois, et à un million en milieu d'année.
"L'objectif est de diagnostiquer autant de personnes que possible, des millions de personnes, et ce afin de les encourager à réduire la transmission du virus", explique M. Parsons.
Une demande durable
Chaque kit comporte un écouvillon servant au prélèvement nasal qui s'appaire via Bluetooth à une application disponible sur smartphone capable de donner le résultat.
Bien que la vaccination ait débuté aux Etats-Unis, la route est encore longue avant d'atteindre l'immunité de masse, et M. Parsons est convaincu de ce qu'il y aura pour ses tests une demande pendant encore "de nombreuses années".
"Il y a les gens qui continueront de s'inquiéter quant au risque de contracter le coronavirus, et ceux qui refuseront la vaccination, pour quelque raison que ce soit", a-t-il dit.
"De notre point de vue, les campagnes de dépistage sont loin d'être terminées."
Pour comprendre l'origine de son invention, il faut remonter à 2010, en pleine épidémie de grippe A (H1N1), quand Sean Parsons travaillait dans un hôpital de Brisbane assailli de personnes cherchant à se faire tester.
A la fin d'une de ses vacations, le médecin s'est trouvé face à un adolescent qui s'avérera plus tard être positif.
"S'il avait obtenu un résultat plus vite, s'il n'avait pas passé quatre heures dans une salle d'attente à transmettre le virus à je ne sais combien de personnes, alors nous aurions pu être plus efficaces dans nos soins", raconte-t-il.
"La prochaine pandémie"
Il s'est alors mis sur son temps libre à réfléchir au moyen de produire un dispositif permettant de détecter rapidement les maladies de type grippal.
Au début, c'était "un peu comme un passe-temps", explique-t-il. Mais fin 2011, Ellume avait levé suffisamment de fonds pour que Sean Parsons se consacre à plein temps à son projet.
Quand le coronavirus a commencé à se propager, Ellume avait déjà développé un mécanisme de dépistage pour fabriquer un test contre la grippe à faire soi-même. L'entreprise avait même noué un partenariat pour des tests contre la tuberculose.
En février 2020, avant même que l'Australie ne ferme ses frontières pour se protéger du Covid-19, Sean Parsons et ses équipes consacraient tous leurs efforts pour adapter ces dispositifs au nouveau coronavirus.
Ellume obtient alors une aide de 31 millions de dollars d'agences gouvernementales américaines, ce qui fait que les Etats-Unis auront la primeur du nouveau test.
Un essai clinique a montré qu'il était à 96% aussi efficace qu'un test en laboratoire, en faisant un complément aux méthodes traditionnelles, ce qui a convaincu la FDA de lui accorder une autorisation en urgence.
Pour l'heure, les Etats-Unis sont la priorité d'Ellume, même si Sean Parsons ambitionne de se développer dans le monde entier. Il espère cette année un feu vert européen.
Il aura fallu huit ans pour mettre au point la technologie, huit mois pour l'adapter au Covid-19, mais Sean Parsons réfléchit déjà au coup d'après.
"Nous créons les capacités pour faire face à une prochaine pandémie", dit-il. "Elle est inévitable, et il faudra être prêt".