L'intrication quantique: une physique ''effrayante'' remporte le Nobel

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Eva Olsson, du comité Nobel de physique, et Hans Ellegren, secrétaire général de l'Académie royale des sciences de Suède pendant l'annonce des lauréats du Nobel de physique le 4 octobre. L'Académie royale des sciences de Suède a décerné le Nobel de physique 2022 à 3 physiciens pour des découvertes dans le domaine de la mécanique quantique ouvrant la voie aux ordinateurs, réseaux et communications cryptées sécurisés quantiques. (Photo de Jonathan NACKSTRAND / AFP)

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Les lauréats du Nobel de physique 2022 ont été récompensés pour leur travail sur "l'intrication quantique": un phénomène tellement étrange et peu probable que même Albert Einstein n'y croyait pas. Et qu'il qualifiait d'"effrayant".

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Les lauréats du Nobel de physique 2022 (en haut, de gauche à droite), le physicien expérimental français Alain Aspect, le physicien théorique et expérimental américain John Francis Clauser et le physicien quantique autrichien Anton Zeilinger, présentés lors de l'annonce des membres du comité Nobel de physique,. (Photo de Jonathan NACKSTRAND / AFP)

Aujourd'hui encore, bon nombre de diplômés de physique ne comprennent toujours pas le phénomène d'intrication, appelé aussi "enchevêtrement", indique Chris Phillips, physicien à l'Imperial College de Londres.

Il prend l'exemple d'un photon, une particule de lumière. En le faisant passer à travers un cristal spécial, il en sort deux photons. "Ils n'ont pas la même couleur que celui de départ, mais comme ils sont issus d'un même photon, ils sont enchevêtrés", explique-t-il.

La mesure des propriétés que l'on effectue sur l'un, en l'examinant, affecte instantanément l'autre, quelle que soit la distance qui les sépare. Les deux particules enchevêtrées se comportent de manière identique, comme reliées par un fil invisible.

Chris Phillips a constaté cette "chose extrêmement étrange" dans son laboratoire, qui abrite deux faisceaux de photons enchevêtrés. "Je peux mettre ma main dans un des faisceaux et quelque chose se passe instantanément dans le deuxième faisceau qui se trouve de l'autre côté de la pièce, comme en témoigne un instrument" sur ce 2e faisceau, dit-il.

Et c'est bien cette idée d'instantanéité qui embêtait Einstein, parce que rien, qu'il s'agisse d'une chose ou d'une information, n'est censé pouvoir aller plus vite que la vitesse de la lumière.

"Complètement fou" 

En 1935, le fondateur de la théorie de la relativité questionne un élément clé de l'intrication quantique, la non-localité, qu'il qualifie d'"effet effrayant à distance". Car il viole selon lui le principe de localité, c'est à dire le fait qu'un objet ne peut subir d'influence que dans son environnement immédiat.

Pour expliquer l'effet d'intrication, il postule alors l'existence de "variables cachées", c'est-à-dire de forces à l'œuvre mais encore inconnues.

En 1964, le physicien nord-irlandais John Stewart Bell trouve le moyen de vérifier la chose avec un théorème des inégalités qui porte son nom. Mais encore faut-il le mettre à l'épreuve de l'expérience scientifique.

C'est ce qu'accomplit le physicien français Alain Aspect deux décennies plus tard dans son laboratoire. Il prouve que deux particules de lumière enchevêtrées sont intriquées de telle façon que la mesure des propriétés de l'une affecte celle de l'autre de façon instantanée.

En testant ses limites, lui et son équipe ont prouvé que "la mécanique quantique résiste à toutes les attaques possibles", a dit Alain Aspect dans une interview que la fondation Nobel a publiée mardi, après lui avoir décerné son prix.

Cette récompense donne définitivement tort à Einstein, mais le physicien français ne lui en est pas moins immensément reconnaissant.

"J'aime à dire qu'un grand mérite revient à Einstein d'avoir soulevé la question" de la non-localité, un des fondements de l'intrication, souligne Alain Aspect.

Lui-même avoue la difficulté d'accepter l'idée de non-localité "comme image mentale, quelque chose qui est complètement fou".

"Rester humbles" 

Ses co-lauréats du Nobel de physique, l'Autrichien Anton Zeilinger et l'Américain John Clauser, ont eux aussi testé le théorème de Bell et exclu toute autre explication à celle de la non-localité. Leurs travaux ont ouvert la voie à ce qu'on appelle la "deuxième révolution quantique".

Les découvertes de Zeilinger, qualifié de "pape du quantique", ont montré le potentiel applicatif de l'intrication dans les communications chiffrées, la téléportation quantique et ainsi de suite.

Les entreprises de haute technologie investissent des fonds importants dans le développement d'ordinateurs quantiques qui promettent des capacités de calcul inégalées.

Chris Phillips, pour sa part, a développé un instrument, de la taille d'une chaîne haute-fidélité, qui utilise l'intrication quantique pour diagnostiquer des cancers du sein.

Mais le plus grand mystère de l'intrication quantique reste entier, près d'un siècle après avoir intrigué Albert Einstein: comment se produit-il ?

"Nous devons rester humbles face à la physique", dit Chris Phillips. "Il existe, simplement". (AFP)

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