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Pour des roboticiens japonais, homme et machine se rejoindront
L'action du film culte des années 1980 "Blade Runner" de Ridley Scott, avec ses "répliquants" se mêlant aux humains, se situait en cette année 2019.
Toujours point de ces êtres génétiquement modifiés à l'apparence humaine qui peuplent cette oeuvre inspirée du roman "Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?" de Philipp K. Dick.
Mais le roboticien japonais Hiroshi Ishiguro, qui affectionne les robots humanoïdes très ressemblants, pense sans états d'âme que les scénarios les plus extravagants du cinéma ne sont pas si fous et que ce n'est qu'une question de temps.
"Je ne sais pas quand un avenir à la 'Blade Runner' va se produire, mais je pense qu'il viendra", dit-il sans sourciller dans son centre de recherche proche d'Osaka, dans l'ouest du Japon.
"Chaque année nous développons de nouvelles technologies", dit-il, évoquant notamment les méthodes d'apprentissage automatique. "A présent, nous nous concentrons sur l'intention et le désir et sur le fait de savoir si ceux-ci peuvent rendre des robots plus semblables à l'homme".
"Comprendre l'humain"
"Je pense que les robots vont devenir plus conscients et la conscience est l'élément clé pour les rendre plus humains", dit ce professeur de l'université d'Osaka.
Les robots ont une présence relativement importante au Japon, dans des lieux publics, pour préparer des nouilles ou en kinésithérapie.
Cyberdyne, une société japonaise de robotique qui porte le même nom que celle qui dans la série "Terminator" est à l'origine du destructeur réseau d'ordinateurs Skynet, agit dans le domaine des exosquelettes.
Présenté comme le premier robot "cyborg", le HAL (hybrid assistive limb) créé par Cyberdyne avec l'université japonaise de Tsukuba et truffé de capteurs, aide les personnes en chaise roulante à marcher.
"En tant que chercheur, j'espère développer des robots conscients comme ce que l'on voit dans +Blade Runner+ afin de m'aider à comprendre ce que c'est que d'être un humain. C'est cela ma motivation".
La culture populaire occidentale a joué sur les inquiétudes suscitées par cette idée de brouiller les lignes entre homme et machine.
Dans "Blade Runner", un policier joué par Harrison Ford repère et tue les répliquants qui se mêlent à la population de Los Angeles. La série "Terminator", avec dans le rôle principal Arnold Schwarzenegger, est centrée sur un réseau informatique conscient qui déclenche la destruction nucléaire et fait la guerre aux survivants.
"Risque contrôlable"
"Je ne peux pas comprendre pourquoi Hollywood veut détruire les robots", s'insurge M. Ishiguro, "regardez les dessins animés japonais: les robots sont des amis. Nous avons un environnement culturel complètement différent".
En 2017, une centaine de responsables d'entreprises de robotique ou spécialisées dans l'intelligence artificielle, dont le milliardaire Elon Musk, avaient écrit une lettre ouverte aux Nations unies pour mettre en garde contre les dangers des armes autonomes ou "robots tueurs".
M. Ishiguro, lui, ne voit pas de risque. "Nous n'avons pas de raison de craindre l'intelligence artificielle ou les robots, ce risque est contrôlable", soutient-il.
Son collègue Takashi Minato voit comme but ultime de leur faire "intégrer la société en tant que compagnons".
Mais nous ressembleront-ils? Dans les années 1970, le roboticien japonais Masahiro Mori avait estimé que plus les robots étaient semblables aux humains, plus nous les trouvions effrayants, un phénomène qu'il avait appelé "uncanny valley" (la vallée dérangeante).
La première tentative de M. Ishiguro lui-même de créer une copie de sa fille avait fait fondre cette dernière en larmes, sous le choc. Il avait ultérieurement amélioré le prototype en rendant ses mouvements moins saccadés.
"On peut espérer que les technologies de télécommande permettront à nos alter egos de vivre une vie normale", dit M. Minato au sujet des machines.
"La technologie est simplement un autre moyen d'évolution. Nous sommes en train de changer la définition de ce que c'est que d'être humain", dit son patron, Hiroshi Ishiguro.