Le propre de l’homme - Par Naïm Kamal

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L’homme quand lui prend l’envie de donner libre cours à sa voracité à coup de canonnades, il ergotera sur la lutte du bien contre le mal, des experts écumeront les plateaux pour babiller sur les données géopolitiques du conflit, des officiers supérieurs à la retraite jacasseront sur les équilibres géostratégiques et les facteurs déclencheurs de la guerre, alors qu’un mot, un seul, résume l’ensemble de ces soliloques

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Le rire est le propre de l’homme. En voilà une idée ! Qui ne tient pas la route. Non seulement parce qu’il a été démontré qu’il y a des animaux qui, en plus d’être drôles, rigolent bien, mais aussi, par les temps qui courent, il n’y a pas de quoi rire. Entre la pandémie et la guerre d’Ukraine, sans compter toutes celles qui sont là depuis si longtemps qu’elles nous sont devenues familières, on se perd dans les champs de bataille. Déjà l’ukrainienne, sauf rebondissement toujours probable, est en train d’intégrer le registre de la routine, à peine un mois sur son déclenchement.

Saignante

En fouinant dans l’omniscient 2.0 à la recherche des animaux que l’on suppose rieurs, j’ai bien sûr trouvé les singes. Les gorilles aussi, les chiens, les rats que l’on croit sales et qui sont très propres sur eux, et évidemment les dauphins. Aucun de ces animaux n’est dans la catégorie des prédateurs. Ce qui est normal, la vie étant moins rigolote avec les prédateurs, sauf quand il s’agit de celui qui est au sommet dans la hiérarchie de la prédation. L’homme ! Avec lui on peut rire de tout (et de rien), mais pas avec n’importe qui, si l’on se conforme à la règle Desproges (Pierre). 

Et si le rire n’est ainsi plus le propre de l’homme, qu’est-ce qui différencierait désormais celui-ci des autres énergumènes de son espèce : les animaux sans loi ni toit sans fard ni rouge à lèvres ni costume cravate ni robe de mariée le soir des noces ? Essentiellement sa façon d’être et ses manières de manger. 

Ce n’est qu’un exemple : Lorsqu’il n’est pas végétarien, vegan ou cannibale, ce qui est fréquent, l’Homme ne mord pas directement dans la chair du bovin et évite généralement les viandes crues hormis si c’est du carpaccio de bœuf, du steak tartare ou d’autres spécialités rares que j’ignore.  Son entrecôte, il l’a préférera bleue, saignante ou à point. Bien cuite, c’est pour ceux qui n’ont aucun art de vivre.  

La prédation

A satiété, on peut égrener ce qui sépare l’animal homme de l’animal animal. D’abord ceci : Omnivore, il veut aussi le confort. Le bienêtre. Clim-chauffage, et tant pis si des SDF meurent congelés sur le bas de sa porte. Ça ne lui fait ni chaud ni froid.

Les œuvres de bienfaisance, ce n’est pas venir au secours de son prochain, mais jouir en toute bonne conscience. D’où cela : Un félin qui a faim, ne s’embarrasse pas de justifications, n’essaye pas de soutirer à un Conseil de sécurité des animaux une résolution où le roi de la jungle aurait un droit de veto qui lui permettrait de toujours avoir la part du lion. Il saute sur la tendre gazelle sans défense, et sans autre forme de procès, la dévore. Une fois repu, il en laisse un peu pour les charognards qui ont une mauvaise image mais remplissent une mission éminemment écologique sur terre.

A son opposé, l’Homme depuis qu’il s’est donné des dehors civilisés prônant le partage et le vivre ensemble, « naturellement bon » à en croire J-J Rousseau, se perd en circonlocutions avant d’attaquer. La colonisation ? Une geste civilisatrice qui sert de déodorant à ce qu’elle a de puant. L’invasion et la destruction de l’Irak ? Une ode à la démocratie qui parfume ce que l’odeur du pétrole a de nauséabond.

Par définition, il est humain, et quand il commet des bêtises, ce qui lui arrive souvent, on dira que c’est humain. Coluche l’a d’ailleurs bien compris et très bien exprimé : L’horreur est humaine. Sailli traduite quatre siècles auparavant par Thomas Hobbes par ‘’l’homme est un loup pour l’homme’’, cependant que le lion, lui, ne mangera pas du lion. 

L’homme quand lui prend l’envie de donner libre cours à sa voracité à coup de canonnades, il ergotera sur la lutte du bien contre le mal, des experts écumeront les plateaux pour babiller sur les données géopolitiques du conflit, des officiers supérieurs à la retraite jacasseront sur les équilibres géostratégiques et les facteurs déclencheur de la guerre, alors qu’un mot, un seul, résume l’ensemble de ces soliloques : La prédation. Elle est dans la nature des choses, où les prédateurs jouent un rôle vital dans les équilibres écologiques. A l’exception de l’homme dont l’action prédatrice provoque des morts par millions, cause le réchauffement climatique, produit les pénuries d’eau, répond ici abondance et opulence, et là famines et champs de mines. Et s’offre le luxe d’inventer à cette fin un concept, ‘’Le choc des civilisations’’ (dixit Samuel Huntington). 

Il n’y a plus guère pour lui résister que quelques microscopiques êtres (le temps d’une pandémie) et pour l’acculer, les séismes, les cyclones et les ouragans. Occasionnellement. 

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