Rayane, une porte du paradis – Par Naïm Kamal

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‘’Annonce aux endurants qui, atteints d’un malheur, disent : à Dieu nous sommes et à Lui nous retournons’’ (Coran)

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J’y ai cru ! Même lorsque, le temps passant, j’étais conscient que les chances de le repêcher vivant s’amenuisaient, j’y ai cru. J’aurais pu alors écrire : Un miracle qu’il ait survécu ! J’ai cherché le sens de son nom en arabe, j’ai trouvé l’abreuvé, ou l’hydraté, ou l’irrigué. Pour un enfant qui est passé dans l’au-delà par un puits sec, l’explication ne pouvait que paraitre de par trop cynique. Un hadith du prophète m’a incité à la livrer. Il dit (en substance) : ‘’Au paradis une entrée porte ce nom, rayane. Elle est réservée exclusivement aux jeûneurs’’. Et certainement, dans Sa grâce divine, aux petits enfants, foncièrement immaculés.  

J’avais en tête un tout autre article. Dire la gratitude de tous, sans la procuration de personne, au Roi qui a mobilisé les secours et mis en demeure les autorités de tout mettre en œuvre pour sortir le petit Rayane de là, suivant, comme il le dira dans son message de condoléances, heure par heure l’évolution des opérations. Exprimer mon admiration à tous ceux, professionnels et volontaires, qui ont volé au secours du petit coincé 32 mètres par-dessous la terre dans le noir d’un trou de quelques centimètres. 

Samedi, ce jour-là antinomique d’un happy end, j’avais décidé de me détacher du brouhaha qui a explosé le Metaverse, très mauvais pour l’indicateur systolique de ma tension. Dans la mi-journée, je suis allé à la plage, j’ai marché, pris du soleil et du sel. L’eau était un peu fraiche mais bonne. Sans arriver à calmer ma colère contre Nabila Mounib qui comme à son habitude a perdu une occasion de se taire. Ne sait-elle pas que la Torah comme la Bible comme le Coran disent qu’il y a un temps pour chaque chose : un temps pour pleurer et un temps pour danser, un temps pour démolir et un temps pour construire, un temps pour jeter les pierres et un temps pour en ramasser… Mais peut-être que baignée dans une culture agnostique, elle ne se rendait pas compte qu’une fois encore elle braillait. 

Si au moins, pour une fois, se vérifiait le pseudo adage qui veut que chanter faux faisait tomber la pluie. Par cette sécheresse qui court, on pardonnerait.

Karim Douichi de Maghreb Intelligence me rapporte qu’un improvisé intervieweur d’une web Tv a demandé au père de Rayane si Rayane lui était cher. Pourquoi ce n’est pas ce journaliste autoproclamé qui est tombé dans le puits ? Chada TV a fait découvrir aux Marocains l’émotion en continu et le concept de « la priorité au direct », tenant son public en haleine quarante heures durant avec un seul présentateur. Il y a à redire, mais la performance est là. L’audience également, sans doute. Sur les réseaux sociaux, des Marocains et des Algériens qui d’habitude s’étripent, fraternisent. Quelques-uns y voient déjà qu’entre les deux peuples rien n’est totalement ni définitivement perdu. Au sommet de l’Union Africaine qui se tenait ce weekend à Addis-Abeba, les choses se passaient différemment.

Le saisissement qui s’est emparé des gens aux quatre coins du monde, ne réussit pas à m’empêcher d’être interpelé par toute cette humanité alors qu’aux mêmes quatre coins du monde une multitude de Rayane, en Palestine, au Sahel, en Irak, en Syrie, en Afghanistan … subissent au quotidien les pires atrocités dans l’indifférence générale. En dépit de mon degré élevé, 7 sur l’échelle de la blasétude qui en compte 9, je m’interroge : la récurrence des drames ? La collectivité des souffrances ? La banalisation du groupe ? L’anonymat du nombre ? L’exceptionnalité de Rayane de Chaouen ?   

L’onde de l’émotion portée par l’émoi a traversé la terre de bout en bout. Elle a parlé toutes les langues, prié les dieux de toutes les croyances. Le mur bleu du Metaverse avait les nuances des larmes et la couleur de l’espoir. La plus belle image m’est venue d’une école coranique de Nouakchott, des enfants de la génération de Rayane priant pour Rayane. 

Mais pour Rayane, Dieu avait vraisemblablement un autre dessein. 

Cette nuit-là, j’ai rêvé d’un mort.  Ce n’était pas Rayane. Mais un homme mort de vieillesse et de maladies de vieillesse. Je me suis réveillé au milieu de la nuit sans savoir exactement qui il était ni pourquoi lui. Tout juste me semblait-il proche. Pour ne pas laisser les ombres qui tournoyaient dans ma tête s’emparer de mon esprit je me suis mis à écrire mes pensées. Pour aboutir à une seule conclusion, la seule qui soit vraie et durable.  Une fois que le tumulte sera retombé, que tous et chacun reprendront leur traintrain, que la vie recouvrera ses droits, mes pensées iront, vont, aux parents de Rayane, seuls dans leur chaumière déjà mal éclairée, où une petite et vierge lumière s’est éteinte. Je ne sais pas s’ils ont d’autres enfants, mais leur solitude sera un esseulement à deux, sans les turbulences truculentes du petit diablotin, les jeux nécessairement parfois agaçants de Rayane, ses bêtises inévitablement énervantes, ses questions forcément espiègles, ses envies que l’on peut des fois et que l’on ne peut pas souvent, et sa curiosité…

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