société
Un semestre de vacuité pédagogique
Le département de l’Education était censé aussi avoir équipé les établissements scolaires des outils informatiques et numériques permettant un enseignement simultané par groupe, en présentiel et en distantiel…
L’année scolaire vient d’achever son premier semestre. Une période suffisante pour procéder à une évaluation d’étape des choix pédagogiques adoptés par le ministère dans le cadre de la gestion « pandémique » de l’éducation.
L’objectif n’est pas d’inclure dans cette évaluation la moitié de l’année précédente où a prévalu l’enseignement distanciel tant celui-ci n’a été qu’une opération confuse à laquelle personne n’était préparé. L’épidémie avait imposé l’arrêt des études et contraint à des mesures d’exception qui ont induit à leur tour de nombreuses questions sur la qualité de cet enseignement, l’égalité des chances et les critères de l’appréciation pédagogique.
Nous allons donc nous consacrer à l’année en cours pour laquelle le ministère disposait du temps et du recule nécessaires pour penser les choix pédagogiques, explorer les expériences internationales, affecter judicieusement les moyens disponibles et mobiliser les ressources appropriées pour relever ce défi pédagogique.
Le département de l’Education, de par ce qui a déjà été vécu, était supposé s’être inspiré des expériences internationales les plus efficientes pour concilier le distanciel et le présentiel en articulant son action pédagogique autour du principe de l’alternance par groupe. Il était censé aussi avoir équipé les établissements scolaires des outils informatiques et numériques permettant un enseignement simultané des groupes de manière à garantir la qualité et l’égalité des chances ainsi que les conditions propices à une évaluation juste et correcte des apprenants.
Mais ce qui s’est passé n’a rien à voir avec ce qui précède. Le ministère de tutelle, après avoir engagé les familles dans le choix difficile entre le présentiel et le distanciel, a fini par adopter le présentiel par groupes, se dispensant ainsi totalement de tout effort de mobilisation des ressources informatiques et audiovisuelles pour assurer l’autre moitié de son engagement de fournir un enseignement à distance.
Du coup et dès que les experts du département ont présenté un concept nouveau qui le dispense de tout effort pour réussir l’année scolaire et offrir à tous le temps nécessaire à la formation, les décideurs du département, reniflant la « l’aubaine », se sont rués dessus.
Le concept de « l’autoformation », c’est de lui qu’il s’agit, s’est ainsi révélé la solution magique qui, par un coup de baguette, a mis fin au problème : nul besoin donc d’adapter le programme et les manuels aux contraintes de la pandémie. Dans la foulée, l’impératif d’équiper les écoles de connexion Internet et des outils audiovisuels et de transmission n’était plus considéré comme indispensable. Dès lors, nul besoin aussi de modifier quoi que ce soit dans les programmes du moment que « l’autoformation » signifie que l’apprenant doit voler de ses propres ailes et ne compter que sur ses propres moyens.
La situation qui en a résulté est telle que l’évaluation de l’année scolaire appelle aujourd’hui une grande franchise. La mise ne œuvre de « l’autoformation » suppose que l’apprenant doit avoir des séances de cours toutes les deux semaines, sachant que celle-ci peut coïncider avec une période de vacances qui grève ainsi sérieusement le temps imparti au présentiel. Tout ceci a été mis en route sans que rien ne change dans le programme scolaire et sans aucune adaptation du système d’évaluation aux nouvelles contraintes. Il en a résulté un nombre d’examens qui approche le nombre des cours dispensés.
Des cadres du contrôle pédagogique ont fait travailler quelque peu leurs méninges et conseillé aux enseignants d’intégrer les cours entre eux ou de se limiter à leurs principaux axes tout en dispensant si possible deux cours en une seule séquence de l’emploi du temps, notamment pour les classes d’examens régionaux ou nationaux.
Cette solution a permis le respect du programme scolaire et le dépassement du problème de l’évaluation pédagogiques sans aucune considération toutefois pour la qualité des acquisitions scolaires.
Dans ce cafouillage caractérisé, personne ne s’est soucié ou encore ne se préoccupe de la manière dont s’est déroulée et se déroulera l’évaluation pédagogique. Les cadres pédagogiques ont été ainsi réduits à une course contre la montre pour exécuter les recommandations du ministère, ne quittant une classe, à peine les examens terminés, que pour en intégrer une autre, parfois sans avoir achever le programme. Certains enseignants ont dû assurer un « service » de huit heures par jour, soit deux heures de plus que ce qu’ils ne devraient.
Ce qui n’empêchera pas le ministre de venir par la suite présenter les chiffres de l’évaluation pédagogique et les taux de réussite au baccalauréat. Ni de vanter en conclusion la pertinence des choix pédagogiques de son département si bien que ce qui a été décrit plus haut se résumera a l’expression de l’amertume de quelques aigris qui ne portent pas dans leurs cœurs un ministre qui a été élu par « Rue20 » homme de l’année.
Mais les faits sont têtus. L’évaluation objective d’un semestre de vacuité pédagogique débouche sur plusieurs constats. L’un d’eux est que le plus grand échec dont pâtira le système scolaire cette année est son incapacité à relever trois défis :
Le défi de la numérisation : en ayant pas été capable de mobiliser les outils informatiques pour, d’une part, permettre aux apprenants de suivre l’enseignement à distance sur une période suffisante au lieu de dédier la moitié de l’année et des vacances ; et d’autre part, pour rendre effective l’égalité des chances de l’enseignement public avec le privé, ou avec les classes dont le nombre ne dépasse pas les vingt élèves.
Le défi méthodologique : en ayant pas réussi à adapter les programmes aux contraintes de la pandémie, ou à élaborer un programme spécifique à la conjoncture.
Le défi de la juste évaluation : en ayant pas pu réduire les devoirs pour les mettre en adéquation avec le programme réellement effectué et la qualité des acquisitions.