Aux sources du rayonnement marocain au Mondial - Par Bilal TALIDI

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Une des révélations majeures de cette grand-messe mondiale se rapporte à l’immense capital de valeurs propres aux Marocains, à leur identité, leur patrimoine et leur vécu

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Nul ne contestera que l’équipe nationale a réalisé au Mondial Qatar 2022 un exploit exceptionnel. Elle s’est imposée aux TV et aux journaux les plus prestigieux du monde. Dans la foulée, le Maroc a bénéficié en si peu de temps, d’un rayonnement qu’aucune stratégie gouvernementale organisée n’a réussi à accomplir en vue de cet objectif.

Le prestige exceptionnel qui entoure l’image du Royaume, interpelle sur les sources de cette attractivité et de cette force qui ne laisse personne indifférent, au point que le monde entier semble sous le charme d’un phénomène appelé «Morocco».

Les explications

Les spécialistes de sport se sont intéressés au style de jeu de l’équipe marocaine et ont été en chercher les raisons dans la vision de longue haleine et patiemment bâtie par l’Académie Mohammed VI de football, ses prémices étant désormais cette pléiade de talents que compte le Onze national.

Certains d’entre eux, plutôt portés sur les talents formés à l’étranger, préfèrent parler d’une équipe marocaine avec un style de jeu européen et que représentent des joueurs évoluant dans les clubs de football du Vieux continent.

Au-delà de la divergence des approches, les deux points de vue en présence- le premier célébrant le rôle de la formation endogène, l’autre la formation exogène- s’accordent sur un dénominateur commun : la sélection marocaine doit son attractivité aux talents indiscutables de ses joueurs.

D’autres experts, soutenus par des intellectuels, ont préféré se focaliser sur la personnalité du coach Walid Regragui, son charisme et le mental qu’il a, à la faveur de son expérience, insufflé à ses protégés qui ont fini par croire que le rêve est permis et que l’impossible n’est pas marocain, ce qui a incité les joueurs à adhérer à son projet et à croire en la possibilité de le concrétiser.

Pour important qu’il soit, ce facteur ne fournit de réponse qu’à la question relative au mental des joueurs qui, longtemps inhibés, ont intériorisé le complexe d’infériorité, ou la poisse des dernières minutes du match ou encore l’incapacité de dépasser les limites des huitièmes de finales. 

En réalité, il existe un entrelacs de données que l’on ne peut aborder que dans le contexte culturel ou se meut l’identité marocaine, celle-ci étant entendue comme un nucléus de valeurs et de sentiments. A fortiori lorsque l’on inclut le déterminant du public dans l’équation et que l’on tente d’évaluer son impact, la culture qui l’anime et la nature des symboles et des messages qu’il envoie au monde.

Bien plus qu’un match

Entendons-nous d’abord que toute tentative d’interprétation doit partir de ce postulat de base : la sélection marocaine a livré bien plus qu’un match de football et son attractivité ne tient pas uniquement à son schéma tactique, sa grinta ou à son style de jeu.

Bien que ces paramètres aient pesé de tout leur poids, que les joueurs ont assumé avec l’art et la manière, ils ne peuvent à eux seuls expliquer tout le halo qui entoure l’équipe nationale et, partant, l’image du Maroc. D’autres éléments et pas des moindres se sont greffés au sport et ont été exprimés dans l’enceinte sportive avec aisance et fluidité, sans provoquer la moindre réaction épidermique d’ordre civilisationnel ou politique. 

Il n’est pas question ici de la combativité des joueurs ou de leur engagement tactique, quand bien même ces deux paramètres ont créé un changement culturel, les coéquipiers privilégiant désormais le jeu collectif aux prouesses individuelles habituelles. L’intérêt se rapporte davantage aux différentes expressions culturelles liées aux valeurs des Marocains, au rapport à leurs institutions et aux modes qui commandent ce rapport.

L’encouragement collectif, la convergence rapide sur les symboles et les slogans forts, l’entente dans le jeu à l’intérieur comme à l’extérieur du terrain, la bonne intelligence entre la sélection et le public, la sublimation des motivations et des finalités, la transcendance des considérations sportives basées sur la logique du gain et de la victoire, la célébration prononcée des valeurs culturelles marocaines (satisfaire les parents et la famille, rendre heureux ses compatriotes, magnifier les symboles de la Patrie...)

Sans rien enlever au mérite et au talent du Onze national, il n’est pas l’artisan exclusif de ce rayonnement. Il y a derrière un public qui a répondu présent, vibré au même rythme, avec des valeurs communes, des symboles unis, des messages forts, des signes religieux, familiaux et culturels exprimés par-dessus tout dans une langue marocaine authentique, avec toute la charge symbolique et sémantique lourde dont cette langue a le secret.

Un peuple et des valeurs

Une des révélations majeures de cette grand-messe mondiale se rapporte à l’immense capital de valeurs propres aux Marocains, à leur identité, leur patrimoine et leur vécu, ainsi qu’à leur potentiel créatif, leur imaginaire, leurs aptitudes rhétoriques et expressives et leurs talents de classe mondiale. Ce capital immatériel a remué les peuples arabes qui ont fini par adhérer volontiers à ses charmes, et impressionné les étrangers qui se sont retrouvés, comme par enchantement, entrainé oar l’ambiance festive de la culture marocaine.

La leçon du rayonnement marocain a démontré que la voie est claire et n’a pas besoin de trop de joutes idéologiques ou de débats oiseux. La source du rayonnement se trouve à l’intérieur du Maroc, dans l’Être marocain, avec tout ce que vocable comporte de legs culturel amazigh et arabo-islamique. Elle révèle également que les données liées à la culture de l’Autre n’ont jamais été une source d’inspiration ni d’attractivité pour ceux-là mêmes qui ont su magistralement placer «Morocco» dans l’orbite de la presse internationale.

Certains, plutôt enclins à escamoter cette leçon, n’ont d’yeux que pour la dimension européenne dans la formation des joueurs, en termes de langue, d’enseignement, de performance sportive et de mentalité. Il s’agit, en effet, de données objectives qui, même invoquées pour la commodité de l’analyse, n’apportent pas de réponse convaincante. La preuve en est que la sélection marocaine a été composée, au cours des trois dernières décennies au moins, de générations de joueurs portant des nationalités européennes, mais qui n’ont jamais réalisé le rayonnement signé par la génération actuelle, quoiqu’ils partagent les mêmes données précitées. La différence éloquente entre les deux cas tiendrait peut-être à la représentation que se font, les uns et les autres, de la place de l’Être marocain et de l’attachement au Maroc et à la culture marocaine.

Il y en a qui appellent, aujourd’hui, à saisir l’opportunité et de capitaliser les exploits réalisés par ces jeunes pour permettre au Maroc de garnir son escarcelle sportive par une nouvelle Coupe d’Afrique et d’autres titres. Mais ce serait placer la barre de l’optimisme et de l’ambition bien trop bas si la réflexion se limitait au domaine sportif. 

Le travail sur l’image

La Coupe du monde a en effet administré la preuve que le Maroc peut porter très haut et plus loin son rayonnement civilisationnel, au vu surtout de son énorme capital identitaire et culturel. C’est précisément cette richesse, avec ses valeurs et ses symboles, qui permettent aux Marocains de se projeter efficacement dans l’avenir et au Maroc d’être une source d’attraction mondiale, pourvu que l’on sache traduire dans les faits toute la charge des valeurs que le pays est capable de véhiculer au monde. Il s’agit, en bref, d’un travail de «branding» où la langue, la culture, les symboles, les formes d’expressions, la créativité et l’imaginaire collectif concourent à réhabiliter les valeurs de la solidarité, de l’entraide, de la famille et de la place centrale de la mère en son sein, de la cohésion sociale, et de l’amour du Roi, perçu comme le Père qui regroupe sous son giron tous les Marocains.

Le propos peut paraitre exagéré, mais ce rayonnement pourrait contribuer à dénouer bien des crises de politique étrangère ou du moins en aplanir les difficultés. Le travail sur l’image du Maroc a constitué, au cours des dernières décennies, une des failles de la politique étrangère que les adversaires du Maroc ont constamment exploité à dessein. 

Par sa présence au Qatar 2022, le Maroc, sélection et public, a administré la preuve que le travail sur l’image et sa correction au besoin, en vue de transformer le pays en un centre mondial d’attractivité, n’est pas nécessairement une responsabilité des gouvernements, mais aussi et surtout la responsabilité d’un peuple qui, pourvu qu’on l’associe à l’effort collectif, est capable, de par ses valeurs et son potentiel culturel propres, d’assumer la mission à la perfection.

 

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