Rabat Pedro Sanchez, chef du gouvernement espagnol reçu à Rabat par le Roi Mohammed VI le 19 novembre 2018.
La farce de l’hospitalisation de Brahim Ghali — le président putatif d’une république saharienne chimérique — est emblématique à plusieurs titres.
Un président égaré, affublé du sobriquet ridicule de Mohamed Ben Batouche, aux ordres de généraux algériens moribonds, en manque d’imagination, rejetés par la population, et qui s’accrochent à un pouvoir illégitime. Le tableau est pitoyable.
Quand l’avion sanitaire transportant l’homme des généraux atterrit en Espagne, c’est le climax de cette commedia dell’arte. Le gouvernement espagnol valide la farce. Il accepte le faux passeport. Échafaude la théorie de l’accueil pour raisons humanitaires d’un criminel de guerre. Torpille la relation maroco-espagnole. Jette à l’eau, au moins, deux décennies de normalisation politique, économique et sécuritaire.
Rarement, on a vu un gouvernement espagnol aussi incompétent : en un seul mouvement, il réduit en cendres des dizaines de dossiers, laborieusement et patiemment, traités par des diplomates, des deux côtés, inspirés et motivés par un vrai partenariat stratégique. Quel talent? Nous savons tous que les rapports entre États sont objectivement gouvernés par les intérêts et les rapports de force. Nous ne sommes pas, manifestement, dans le monde des Bisounours.
Alors que gagne le gouvernement de Pedro Sanchez le bien nommé ? Rien. Le spoil system est en marche à Alger, irrémédiablement. Poussé par un Hirak impérieux. Le poids du gaz dans la relation bilatérale est miné par la baisse des prix, l’augmentation de l’offre mondiale, la gabegie institutionnelle, l’extinction progressive des réserves algériennes, et la transition énergétique.
Le seul point saillant de cette conjuration des aigris est la volonté, des deux pays, de maintenir le Maroc dans un état de guerre, de lester son budget par un effort militaire indu, de rogner son territoire historique légitime et de disputer sa souveraineté nationale sur l’ensemble de son territoire. Là il y a, on le constate, — et c’est ce qui a rendu cette opération Ben Batouche complètement folle — une convergence réelle entre l’Algérie et l’Espagne qui peut être élargie, parfois, à quelques pays européens dont récemment l’Allemagne.
Plus spécifiquement, dans l’affaire Ben Batouche, le gain pour l’Espagne est notablement faible. Le mouvement ridicule. Il met à mal la justice du pays. La crédibilité du pouvoir. Il exacerbe la conscience malheureuse coloniale espagnole. Il enterre les valeurs européennes de l’universalité des droits de l’Homme. Et, au final, il ruine durablement la politique de voisinage.
Jouer la carte obsolète du Sahara, une survivance de la guerre froide, à l’heure où les cartes mondiales sont en train d’être rebattues sous le coup des ratés de la mondialisation, des conséquences mondiales de la crise sanitaire du Covid, de l’entrée institutionnelle d’Israël dans le jeu régional, et l’intérêt croissant et structuré des USA pour l’Afrique — un domaine réservé européen perdu au profit des Chinois — est proprement une approche de très courte vue. Une cécité géopolitique.
Entre temps, la construction volontariste et l’édification économique du Sahara marocain continue avec des partenaires solides et fiables, dans la durée et dans la profondeur stratégique. Où sont nos partenaires traditionnels ? Plongés dans les affres de l’affaire Ben Batouche ou noyés dans les calculs sordides et stériles du monde d’avant. Dommage!w