chroniques
Visite de Haniyeh, coup de boule ou coup de génie ?
Ismaël Haniyeh, chef du Bureau politique du Hamas
Poursuivre la mission de bons offices, c’est signifier aux détracteurs du Maroc que nous ne sommes guère impactés par leurs agissements hostiles. Notre présence morale dans tout processus au Moyen-Orient, terrain réservé aux grands de ce monde, va davantage enrager l’Algérie et l’Espagne. Mais ce n’est pas ça qui nous importe, analyse Abdelahad Idrissi Kaitouni qui se demande si c’est un coup de boule ou un coup de génie.
Qui l’eut cru ? Ismaël Haniyeh est au Maroc ! L’inconditionnel de l’Iran, l’ennemi des USA et d’Israël, qui sont des alliés du Maroc, se trouve à Rabat ! Surtout ne me dites pas que sa visite répond à l’invitation du PJD. La proximité idéologique entre nos islamistes et le Hamas est le prétexte et non la raison de la venue du chef de gouvernement de Gaza.
L’événement est d’importance, mais surtout d’une extrême sensibilité pour imaginer un instant que le PJD ait pu en prendre l’initiative. Outre le fait qu’ils savent que la politique extérieure relève du domaine réservé au Roi, Othmani et consorts ne se risqueraient jamais à rentrer avec la monarchie dans une forme de sédition. Ils ne l’ont pas fait lors de la normalisation avec Israël, pourquoi le ferait-il cette fois alors que l’enjeu est de moindre importance ?
Il est évident, à mon avis, que le PJD est totalement étranger à l’invitation, mais il est parfait dans le jeu de rôle qui lui été dévolu. Mais alors, à qui revient l’initiative de la rencontre ? Apparemment ce serait le Hamas qui l’aurait formulée. Pour répondre à la demande pressante de la partie palestinienne, l’autorisation ne pouvait venir que du Roi qui a fait jouer la proximité idéologique entre le PJD et le groupe palestinien pour habiller très subtilement l’opération.
Cependant la question d’importance est de savoir pourquoi le Hamas, dont le ressentiment à notre l’égard est notoire, cherche-t-il conseil ou appui au Maroc ? Apparemment le Hamas aurait enfin compris que seul le Maroc peut l’aider à sortir de l’impasse vu les relations privilégiées que nous avons avec Israël et les États Unis. La carte égyptienne a trop servi et répond rarement aux soucis des Palestiniens car L’Égypte exploite chaque médiation pour solutionner d’abord ses propres problèmes avec Israël. Le Maroc ne peut être qu’un honnête courtier du fait qu’il n’a pas et n’aura jamais de conflit d’intérêts. Ce n’est pas le cas pour d’autres pays de la région qui sûrement prendraient ombrage du retour du Maroc sur la scène. Ils ont tous montré leur incurie et la vacuité de leur offre politique sur la question
Le positionnement du Maroc n’est pas nouveau. Déjà sous Hassan II, le Monarque a été présent systématiquement dans toutes les tractations relatives au Moyen Orient. Nombre de rencontres entre protagonistes n’auraient jamais eu lieu sans l’entremise, souvent décisive de Hassan II.
L’avènement de Mohamed VI est malheureusement tombé avec la féroce répression de la dernière Intifada, ce qui a précipité le processus d’Oslo dans l’agonie. Le Maroc n’a jamais été un acteur direct dans le conflit moyen-oriental et ne saurait donc être tenu pour responsable des lamentables échecs de processus jamais aboutis. Aujourd’hui le Maroc retrouve son positionnement initial. Son offre d’intercession est plus crédible, même ou parce qu’il n’a pas de pouvoirs sur les protagonistes. Son pouvoir, il le tire de l’influence que lui confère son recul historique passé et récent. Normal que beaucoup de monde veuille que le Maroc reprenne un peu la main pour aider à sortir de l’imbroglio. Les appels du pied envers le Maroc se multiplient, d’où l’explication plus que probable de la présence de Ismaël Haniyeh dans nos murs.
Devons-nous et pouvons-nous nous permettre de répondre favorablement à ces appels au moment où notre pays est en butte à de graves crises avec nos voisins ? Renoncer à une sorte de vocation de Monsieur Bons Offices qui est la notre, revient à donner l’impression de céder quelque chose à nos détracteurs. Par contre poursuivre cette mission, c’est signifier à ces détracteurs que nous ne sommes guère impactés par leurs agissements hostiles. Notre présence morale dans tout processus au Moyen-Orient, terrain réservé aux grands de ce monde, va davantage enrager l’Algérie et l’Espagne. Mais ce n’est pas ça qui nous importe.
Après tout, ce qui doit nous importer c’est l’attente des intéressés que sont les Palestiniens et les Israéliens. Répondre à leur attente ne peut en aucun cas être préjudiciable au Maroc malgré les problèmes où il est empêtré par ailleurs.