Article 49 - Par Naïm Kamal

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L’article 49 ? Un vrai casse-tête qui n’a rien de chinois, laissé souvent à la discrétion du juge et à la performance des avocats

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Il semblerait que les féministes (générique qui n’englobe pas que les femmes) remettent ça ! La Moudawana, code du statut familial marocain, élaborée en 1958, revisitée en 1993, et sérieusement réformée en 2004, ne ferait plus l’affaire à moins de deux encablures de sa 20ème bougie.

Ceux qui sont en âge de se rappeler se souviennent de la fracture qui a traversé la société marocaine lorsqu’il a été question du plan d’intégration de la femme dans le développement.

Deux grandes marches ont marqué cette époque : Les islamo-conservateurs à Casablanca, austères et rustiques, les hommes devant et les femmes derrière - en grand nombre, il faut le dire. Les progressistes et autres modernistes, le même jour à Rabat, hommes et femmes pêle-mêle, chamarrés, sorti(e)s manifester comme on part à une randonnée dominicale, La Fleur aux dents, à peine si elles et ils ne chantaient pas C’est bon l’amour de Joe Dassin.

L’accouchement de la Moudawana s’était fait dans la douleur et n’eut été la péridurale royale, on aurait probablement perdu le bébé, et peut-être la mère aussi, sur la table d’opération. Ou bien avant, dans la salle des expectantes.

Le partage ? Connais pas !

Je suis toujours perplexe devant la crispation qui s’empare de la société dès qu’il est question des droits de la femme et de l’égalité mâles-femelles, et il est difficile de prévoir la tournure que prendront les débats qui s’annoncent sur la Madouwana dans un Maroc qui n’est pas encore sorti de la pandémie, qui entre dans une sécheresse de plus en plus endémique et doit faire face à une lointaine et si proche guerre d’Ukraine.

Dans les deux camps, on fourbit les armes. La fébrilité monte et se focalise sur un article de la Moudawana, l’article 49.

C’est un article alambiqué comme le sont toujours les textes de loi quand on est contraint de faire dans la demi-mesure. Dans le cas qui nous intéresse, satisfaire le chou islamiste sans mécontenter la chèvre moderniste.

L’article 49 porte sur le partage des biens communs produits ou acquis par le couple avant que la mésentente s’installe entre les tourtereaux d’hier qui en sont à vivre en mode va-je-ne-te-hais point.

La Moudawana, animée par le sens d’équité prévoit le partage. Si et seulement si les futurs mariés avaient conclu avant de convoler en justes noces un additif à coté de l’acte de mariage, spécifiant expressément le partage.

Dans le cas contraire, il faudrait apporter la preuve, la femme surtout, qu’elle a contribué à la fructification du patrimoine familiale. Le plus drôle dans l’histoire, un drôle pas très amusant, consiste à savoir si le ménage et ce qui s’ensuit dans la cuisine et ailleurs sont quantifiables comme un apport à la richesse familiale et à quelle hauteur. Que ce soit pour la femme au foyer ou pour la femme qui travaille et s’occupe en même temps de son intérieur comme c’est souvent le cas, c’est du kif au pareil.

Un vrai casse-tête qui n’a rien de chinois, laissé souvent à la discrétion du juge et à la performance des avocats.

Ces chiffres qu’on torture

L’autre feuille de ce millefeuille juridique, fait donc de cet additif une convenance optionnelle. Libre de toute contrainte. Les féministes (générique qui n’englobe pas que les femmes) veulent désormais l’inscrire dans le marbre de l’acte de mariage comme une obligation juridique sans faux-fuyants. Ce qui n’est pas, vous l’aurez compris, du goût des non-féministes (générique qui n’englobe pas que les hommes).

On en est là et le débat n’en est qu’à son premier tour d’échauffement. Et il n’aurait pas été cocasse s’il n’y avait l’objet statistique sur lequel les deux camps se crêpent le chignon.

Il n’y a aucune statistique officielle, mais les modernistes avancent le chiffre de 0,5% de futurs mariés qui auraient eu recours à l’additif prévu par l’article 49 depuis la promulgation de la Moudawana. Un chiffre miraculeux qui a l’heur de faire le bonheur des deux camps.

Ceux qui veulent modifier l’article 49 pour en faire une contrainte y voient la preuve du rendement très peu probant dudit article.

Les autres le perçoivent comme la démonstration de son inadéquation avec les choix sociétaux des Marocains et de son inadaptation à la profonde tendance conservatrice de la société marocaine. Et dans leur infinie miséricorde pour la femme, ils affirment que la modification de l’article 49 ne ferait qu’augmenter la désaffection des hommes pour le mariage et intensifier le phénomène du célibat chez les filles.

Qu’en déduire sinon que la route est longue et que les chiffres, en paraphrasant le mathématicien Didier Hallépée, sont comme les gens, si on les torture assez, on peut leur faire dire [tout et] n’importe quoi.