Culture
''Cinéma, mon amour !'' de Driss Chouika - MOHAMED BASTAOUI, LES GRANDS COMEDIENS NE MEURENT JAMAIS
j’ai eu également le plaisir de revoir sa belle manière d’allumer, de tirer la dernière bouffée et de souffler la cendre de son sebsi, dans son rôle d’ancien combattant dans le film « Le maître cavalier » ; et là je peux assurer à mon ami Zinoun que c’est un vrai régal de couleurs et de senteurs, entre l’orange flamboyant de la flamme du foyer du sebsi et le bleu mirifique de la fumée dégagée (Driss Chouika)
« Chez un comédien, l’homme extérieur doit etre passionné et l’homme intérieur, maitre de lui ». Charlie Chaplin.
En feuilletant mes documents, je suis tombé sur un petit texte noté le jour du décès de Mohamed Bastaoui, le 17 décembre 2014. En le parcourant, il m’a inspiré cette chronique en souvenir de cet homme pas comme les autres, d’une incroyabe noblesse d’esprit et d’une profonde humanité. Il est exactement comme avait dit Charlie Chaplin : “Chez un comédien, l’homme extérieur doit être passionné et l’homme intérieur, maître de lui“.
LES GRANDS MEURENT AUSSI
« Les grands meurent aussi », se plaisait-il à répéter. Nous savons tous que c’est une vérité de La Palice. Mais, il y’en a certains qui nous laissent orphelins quand ils sont très proches de nos cœurs et nos esprits, et nous leur y ménageons une place pour le restant de notre vie.
Ainsi, et ceci est une position personnelle prise après mûre réflexion, je refuse de parler des êtres qui me sont humainement et intellectuellement proches, comme Mohamed Bastaoui, en termes de condoléances attristées et de douleur, mais plutôt en termes de plaisirs et de souvenirs vivifiants et revigorants.
Il est vrai que je ne suis arrivé que très difficilement à arrêter l'envie de pleurer, quoique je sache fort bien, comme il aurait dit lui-même, "maa lmaout ma yanfaa la bka la setta hommas" (avec la mort, il ne sert à rien de pleurer !), comme une réplique d'un personnage attachant, comme il savait si bien les interpréter et qui l'ont immortalisé! Alors, Mohamed Bastaoui est-il réellement mort ? J’en doute. Physiquement oui, on ne peut certes plus le toucher, ni sentir la fumée bleutée de son sebsi, qu’il manipulait avec dextérité et qui a continué à me fasciner même après avoir arrêté de fumer ; mes excuses à Lahcen Zinoun qui tient en horreur tous les tabacs du monde même quand elles engendrent de belles fumées colorées !..
DE LA DISCUSSION JAILLIT LA LUMIERE
« De la discussion jaillit la lumière », dit le proverbe qui plaisait beaucoup à Bastaoui. Et justement, j’ai tellement échangé avec lui que des éclairs de ces échanges me reviennent souvent à l’esprit.
Si nous ne pouvons plus aujourd’hui toucher Mohamed Bastaoui, nous avons la chance de garder l’immense privilège de le revoir quand nous voulons. Et justement, ces derniers jours, j’ai eu le rare plaisir de le revoir, de revivre les longues et lumineuses discussions avec lui, dans un merveilleux Riad de Marrakech, à propos de sa magnifique interprétation du rôle de Abdellah dans le film «Atoyour ala achkaliha takaa » (le seul titre de mes films que je n’ai jamais pu traduire). Et j’ai eu également le plaisir de revoir sa belle manière d’allumer, de tirer la dernière bouffée et de souffler la cendre de son sebsi, dans son rôle d’ancien combattant dans le film « Le maître cavalier » ; et là je peux assurer à mon ami Zinoun que c’est un vrai régal de couleurs et de senteurs, entre l’orange flamboyant de la flamme du foyer du sebsi et le bleu mirifique de la fumée dégagée, et dans les magnifiques décors du village de Tinmel ! Un vrai plaisir. Il s’agit certes d’un tout petit rôle dans ce film, mais son rôle dans son tournage a été primordial. Il a été conseiller artistique et coach des comédiens, responsabilité qu’il avait assumée avec professionnalisme, compétence et abnégation, et je regrette le fait que je sois resté le seul à avoir profité de ses grandes compétences dans ce domaine. C’est l’un des multiples talents restés cachés de Mohamed Bastaoui. Je n’ai pas arrêté d’essayer d’en profiter, mais les agendas de nos tournages et nos engagements respectifs ne l’ont plus jamais permis. Et c’est bien dommage !..
Heureusement que les possibilités de revivre des moments de plaisir en compagnie de Mohamed Bastatoui sont interminables : les beaux rôles qu’il a magistralement interprétés dans les films, les téléfilms, les séries tv et les pièces de théâtres. Et j’aime bien la citation de Oscar Wilde « J’adore être comédien. C’est tellement plus réel que la vie ». Là, je risque de laisser entendre que je regrette de ne pas avoir choisi d’être comédien, et ce n’est peut-être pas totalement faux ! En tout cas, Oscar Wilde a bien raison d’adorer être comédien, car les grands comédiens ne meurent jamais.
Voilà pourquoi je considère que Mohamed Bastaoui ne nous a pas vraiment quittés. La preuve, il suffit de quelques clics pour le revoir et d’un petit effort de mémoire pour ressusciter un agréable moment de discussion et d’échange avec lui.
FILMOGRAPHIE (partielle)
Cinéma :
« Adieu Forain » de Daoud Aoulad-Syad (1998) - « Taïf Nizar » de Kamal Kamal (2001) - « Mille mois » de Faouzi Bensaidi ()2003) - « WWW.What A Wonderfful World » de Faouzi Bensaidi (2006) - « En attendant Pasolini » de Daoud Aoulad Syad (2007) - « Taza » de Daniel Gervais (2009) - « Envoyés très spéciaux“ de Frédéric Auburtin (2009) - « Les mains rudes » de Mohamed Asli (2010) - « Paris à tout prix » de ReemKherici (2012) - « Agadir Express » de Youssef Fadel (2014) - « L’enfant Cheikh » de Hamid Benani (2014) - « L’orchestre des aveugles » de Mohamed Mouftakir (2015).
Télévision :
Téléfilms :
« Madhu » de Driss Chouika (2001) - « Atoyour ala achkaliha takae » de Driss Chouika (2003) - « Demande d’emploi » de Saad Chraibi (2005) - « Le maître cavalier » de Driss Chouika (2005) - « La forêt » de Kamal Kamal (2005) - « Le mouton » de Naoufal Berraoui (2007) - « La commission » de Youssef Fadil (2008) - « Ragraguia » de Kamal Kamal (2009) - « Salha » de Kamal Kamal (2009) - « Le fiancé » de Youssef Fadel (2014)…
Séries et feuilletons :
« Oulad ennas » de Farida Bourkia (1999) - « Dwaer zman » de Farida Bourkia (2000) - « Jnane lkarma » de Farida Bourkia (2001) - « Oujaa trab » de Chafik Shimi (2006) - « Almajdoub » de Farida Bourkia (2009) - « Kenza f’daouar » de Hicham Lasri (2014) - « Yak hna jirane » de (2014)…