Culture
Maroc-Émirats, patrimoine et territoires : le SIEL miroir des convergences culturelles et géostratégiques, le round up de Hassan Zakariaa

Mohamed Mbarki, directeur général de l’Agence de l’Oriental présentant la lagune Marchica Med comme un modèle de préservation environnementale et de développement durable.
Entre diplomatie culturelle, valorisation du patrimoine et développement des territoires, la journée de lundi 21 avril au 30e édition du Salon international de l’édition et du livre de Rabat a offert une vitrine riche et multidimensionnelle, illustrée par la présentation d’un ouvrage sur les relations maroco-émiraties, et une série de conférences engagées sur les grands enjeux du Maroc contemporain. Le round up de Hassan Zakariaa
Un ouvrage stratégique pour un partenariat d’exception
Au cœur du Salon international de l’édition et du livre (SIEL), l’Institut Royal des Études Stratégiques (IRES) a présenté un ouvrage inédit consacré aux relations maroco-émiraties, fruit d’une collaboration entre des chercheurs marocains et émiratis. Intitulé "Entre le Royaume du Maroc et les Émirats Arabes Unis : visions et modèles dans le domaine du développement et de l’édification institutionnelle", ce livre explore les dynamiques de coopération entre Rabat et Abou Dhabi, sous l’impulsion du Roi Mohammed VI et de Cheikh Mohammed ben Zayed Al-Nahyane.
Présidée par le directeur de l’IRES, Mohammed Tawfik Mouline, la conférence a rappelé que cette initiative a émergé dans la foulée de la visite royale aux Émirats en décembre 2023. L’ouvrage met en lumière les fondements d’un partenariat arabe exemplaire, reposant sur la convergence des visions de développement, la consolidation institutionnelle, et un dialogue stratégique soutenu.
Les contributions analysent les trajectoires parallèles du Maroc et des Émirats, notamment dans la construction d’un État moderne adossé à des identités fortes et des modèles de gouvernance soucieux de stabilité, de souveraineté et de coopération régionale. Un ouvrage à lire.
Préserver le patrimoine, nourrir la mémoire
Parallèlement à cette rencontre géostratégique, le SIEL a été le théâtre de réflexions sur la mémoire collective et le patrimoine culturel. Le pavillon du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) a accueilli une conférence sur "le patrimoine matériel et immatériel, de la préservation à la valorisation".
Ibrahim El Mazned, directeur artistique du Festival Timitar, a insisté sur la dimension identitaire du patrimoine marocain, enraciné dans une histoire millénaire et une diversité géographique unique. Il a souligné l’importance d’associer les communautés locales, artistes et société civile à la valorisation de ce patrimoine, notamment à travers les arts classés à l’UNESCO comme le Gnawa ou le Malhoun.
Abdeljalil Bouzouggar, directeur de l’Institut national de l’archéologie et du patrimoine (INSAP), a plaidé, lui, pour une éducation au patrimoine dès le plus jeune âge, à travers les programmes scolaires et les initiatives de terrain.
La conférence a également mis en lumière la loi 22.80, révisée pour inclure des concepts novateurs tels que le patrimoine immatériel, subaquatique et l’archéologie préventive, ouvrant la voie à une implication accrue du secteur privé et à la mobilisation citoyenne pour contrer le trafic illicite de biens culturels.
L’urbanisme, entre esthétique et gouvernance
La question de l’espace urbain a, elle aussi, trouvé une place centrale dans les débats du SIEL. Une conférence a exploré les interactions entre esthétisme urbain et gestion publique, appelant à repenser les politiques d’aménagement au service de la qualité de vie et de l’identité urbaine.
Mohamed Naciri, auteur de "Désirs de ville", a souligné que les villes marocaines doivent concilier logique fonctionnelle et esthétique afin de renforcer le sentiment d’appartenance. L’architecte Nabil Rahmouni, dans sa réflexion sur la médina de Salé, a rappelé que l’histoire urbaine marocaine repose sur des principes d’intimité et d’organisation centrée sur l’intérieur, aujourd’hui confrontés à de nouveaux enjeux de réhabilitation.
Le débat a souligné l’importance d’un urbanisme sensible à l’héritage architectural, mais aussi ouvert à l’innovation, comme en témoignent les initiatives citoyennes en matière de fresques murales et d’embellissement collectif.
Marchica, fer de lance du tourisme durable
Autre sujet majeur : le développement touristique dans la région de l’Oriental, abordé à travers une conférence consacrée à Marchica Med, projet emblématique porté par l’Agence de l’Oriental. Mohamed Mbarki, directeur général de l’Agence, a présenté cette lagune comme un modèle de préservation environnementale et de développement durable.
Les sept sites majeurs du complexe témoignent d’une stratégie fondée sur l’équilibre entre valorisation du territoire, inclusion locale et protection des écosystèmes. Pour l’expert géopolitique Taoufiq Boudchiche, Marchica incarne une vision royale d’aménagement de la façade méditerranéenne, dans la continuité des politiques de désenclavement et d’intégration régionale.
Imad Barrakad, directeur de la SMIT, a insisté sur le rôle du tourisme de nature et culturel pour redynamiser l’économie locale, tout en appelant à mieux intégrer les médinas dans les offres touristiques, avec un positionnement premium sur le plan international et populaire sur le plan national.
L’IRCAM : au service de la mémoire amazighe
Enfin, l’Institut royal de la culture amazighe (IRCAM) a pris part activement au SIEL à travers une table ronde dédiée à la valorisation des ressources patrimoniales amazighes. Les chercheurs du Centre des études historiques et environnementales ont présenté deux ouvrages majeurs, consacrés à la ville des Zayanes et à l’écotourisme culturel dans le nord du Royaume.
Ali Bentaleb, El Mahfoud Asmahri et Mbarek Ait Addi ont chacun souligné le rôle essentiel de la documentation du patrimoine dans les zones rurales et enclavées, notamment par le recueil de traditions orales, l’étude des gravures rupestres et la transmission des expertises locales.
L’IRCAM s’affirme ainsi comme un acteur de premier plan dans la préservation de l’identité amazighe, et plus largement dans la constitution d’une mémoire nationale inclusive et prospective.
Un salon à l’image d’un Royaume pluriel et tourné vers l’avenir
Avec plus de 756 exposants venus de 51 pays, le SIEL 2025 a célébré cette année la ville de Sharjah comme invitée d’honneur et mis à l’honneur les Marocains du monde, dans une édition placée sous le signe de l’universalité, du dialogue culturel et de la diplomatie du savoir.
À travers les multiples conférences organisées, les problématiques de développement, de patrimoine, de coopération internationale et de structuration territoriale ont trouvé un écho vibrant, confirmant le rôle du SIEL comme plateforme intellectuelle majeure du Maroc contemporain.