''Les Soupirs de Galatée'' de Soumya Qarfadi : un roman qui tatoue la mémoire collective et intime – Par Hassan El Ouzzane

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« Les Soupirs de Galatée » de Soumya Qarfadi : un roman qui tatoue la mémoire collective et intime – Par Hassan El Ouzzane

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Par Hassan El Ouazzane

Dans Les Soupirs de Galatée (آهات غالاتيا), Soumya Qarfadi signe un roman puissant et poétique, où le souffle du drame rencontre la légende. En tissant les destins de personnages déchirés, l’auteure marocaine construit une fresque sensible et tragique qui explore les blessures de l’exil intérieur, la violence sociale, l’oppression féminine et la résilience des cœurs broyés.

Une fresque lyrique et dramatique

Dans un style fluide et poétiquement musical, Soumya Qarfadi tisse une trame romanesque dense, portée par une langue riche et mélodieuse. Les Soupirs de Galatée est un récit où se croisent douleur et espérance, dans un va-et-vient constant entre la lumière et l’ombre.

Galatée, nymphe blessée par le réel, incarne l’innocence sacrifiée, broyée par l’abandon, les humiliations et les non-dits. Autour d’elle, le personnage de Fouad, surnommé "le dieu du fleuve", tente de capter l'éclat de son cœur meurtri, tandis qu'Abdelhay, l’"ennemi du soleil", symbolise l’effondrement de l’enfance et de la tendresse.

La narration est traversée par des questions poignantes : Galatée peut-elle encore rêver à l'école, à ses amies, à sa vie d’avant ? Le colonel Hassoun est-il l’éveil ou la perte ? Les personnages avancent sur un fil tendu entre rêves brisés et volonté farouche de survie.

Comment pourra-t-elle extirper de sa poitrine cette rage étouffante, nourrie par le torrent d’événements qui l’a assiégée et attisé les flammes de la perdition dans le calme de son être ? Est-elle devenue le symbole d’une jeune fille trahie et trompée par son entourage, versant sans fin les larmes de la douleur et de la nostalgie ?

Ce n’est là qu’un infime aperçu de ce que fait jaillir en nous le roman de Soumya Qarfadi, intitulé Les Soupirs de Galatée, publié dans une belle édition chez les Éditions Al-Nawras. La douleur ici s’exprime au pluriel – Soupirs – mais elle est portée par une seule âme. Les chagrins mortels s’infiltrent dans le corps et le cœur d’une jeune fille qui n’a pas encore éclos au printemps de la vie. Elle puise sa souffrance dans un environnement oppressant, dans des mains noircies de haine, dans des cœurs rouillés par la vengeance. Sa douleur explose en soupirs… en soupirs… alourdissant le fardeau de sa psyché fracturée, de son esprit et de son imagination encore en formation.

La ville de Salé comme théâtre de l’âme

Dans Les Soupirs de Galatée, la talentueuse Soumya Qarfadi a su façonner une voix narrative bien à elle. Son univers est pluriel, ses personnages vivent au bord de l’angoisse, son héroïne porte en elle des interrogations énigmatiques et une inquiétude insatiable. Le temps y est singulier. Nous sommes face à une œuvre littéraire remarquable de la romancière marocaine Soumya Qarfadi, un texte où se confondent le réel et l’imaginaire, le mythe et la légende.

Sa structure narrative, polyphonique, est guidée par une constellation de visions philosophiques, dans les espaces contrastés de la ville de Salé — ville de spiritualité et d’ascèse, ville de résistants et d’opprimés, ville des Sept Saints et des hommes pieux.

Le roman nous offre une odyssée tumultueuse, foisonnante d’événements, empreinte de loyauté dans la douleur, portée par les contradictions de la vie : amour et haine, résignation et victoire, euphorie et égarement. Le tout dans une trame humaine, sociale, romantique — et parfois oppressante par ses politiques, ses tendances destructrices et revanchardes. Un récit dramatique, écrit dans une langue poétique et envoûtante.

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