''Cinéma, mon amour !'' de Driss Chouika : DE L’HISTOIRE DU CINEMA MAROCAIN

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“La septième porte, une histoire du cinéma au Maroc de 1907 à 1986”: Le livre d’Ahmed Bouanani

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Cinéma, mon amour ! de Driss Chouika - QUEL STATUT POUR LA CINEMATHEQUE  NATIONALE ?

« Chaque pays a le cinéma qu’il mérite. Si c’est vrai, il apparaît alors plus que jamais que l’histoire du cinéma devrait se confondre avec celle de la société, que les écrans devraient être des miroirs où nous nous regardons, où sont projetés nos désirs, nos mises en question, nos actions ou notre passivité ». Alain Tanner (Réalisateur notamment du film “Les années lumière“ Grand prix du Fesstival de Cannes, 1981).

J’ai eu l’occasion de lire une étude de la chercheuse américaine Sandra Gayle Carter « Quel cinéma marocain ? Une étude historique et critique » (« What moroccan cinema ? A historical and critical study », parue en 2009 dans la série «Après l'Empire : Le monde francophone et la France postcoloniale»). La chercheuse introduit son étude ainsi : «Ma thèse sur le cinéma marocain commence par une question que j'ai entendue à plusieurs reprises au cours de mes recherches et qui, à mon avis, représente mon objectif général dans cette écriture et cette enquête. "Quel cinéma marocain ?". Cette question est la réponse habituelle à mon affirmation que "j'ai étudié le cinéma marocain". Au début, je pensais que la phrase indiquait simplement qu'un grand nombre de marocains n'avaient jamais vu un film marocain, ce qui s'est quelque peu confirmé à la fin. Cependant, la question s'est clarifiée avec le temps et à mesure de mon apprentissage de choses plus complexes :

- Une profonde ambiguïté chez les marocains sur le rôle que le cinéma devrait jouer au Maroc.

- Un conflit profond sur le type de cinéma que les marocains devraient promouvoir et produire.

- Une critique continue, et profondément ancrée, des films produits, malgré leur rareté.

- Des plaintes incessantes des réalisateurs à propos de la difficulté de diffuser les films marocains et permettre au public marocain de les regarder.

- Enfin, cela signifiait que les films réalisés par des marocains pendant des décennies n'étaient "marocains" qu'en vertu de la nationalité de leurs réalisateurs et ne sont nullement l'expression du contenu ou de l'orientation de ces films.

Ces nombreux points constituent une grande partie du livre, dans lequel sont décrites les confusions et les complexités qui gravitent autour et à travers un domaine que je pensais à première vue simple ».

Une fort intéressante étude qui répertorie et analyse la production cinématographique nationale de l’indépendance jusqu’au début des années 2000. Et cela m’a amené à me poser, ou reposer, la question ambarrassante : après près de huit décennies, sommes-nous arrivés à constituer une Histoire du Cinéma Natinal ? Dans le sens que lui donne Alain Tanner, une  « Histoire du cinéma (qui) devrait se confondre avec celle de la société, que les écrans devraient être des miroirs où nous nous regardons, où sont projetés nos désirs, nos mises en question, nos actions ou notre passivité ». Autrement, un cinéma qui a pu offrir un cadre d’étude, riche et diversifié, de la société marocaine sur tous les plans thématiques socio-culturels, à la fois historiques et actuels, avec ce que cela suppose comme infrastructures matérielles, techniques et humaines. Il va de soi que la réponse à cette question suppose un vaste chantier de travail et de réflexion pluridisciplinaires.

Néanmoims, il est possible de concevoir une ébauche de solution :

  • Revoir et réanalyser les habitudes de consommation des films ainsi que le système de distribution et d’exploitation des films à la lumière des changements de l‘environnement culturel et commercial de la circulation des films.

  • Redéploiement de l’identité nationale, dans toute sa diversité, sur des bases d’échange et d’interactivité entre toutes ses composantes ethniques et linguistiques, dans l’ensemble de la production cinématographique nationale.

  • Reconstruire le rapport du cinéma, et de la culture cinématographique en général, avec l’Etat. Il est nécessaire de faire en sorte à ce que le champ du cinéma puisse s’intégrer parfaitement à tous les domaines sociaux et culturels.

  • Faire en sorte à ce que les films marocains puissent correspondre et devenir, dans un premier temps, l’expression réelle du Maroc moderne. Cela dans la perspective de constituer la base d’une véritable Histoire du Cinéma National, reflet réel de l’Identité Nationale.

  • Faire en sorte que le cinéma, en tant qu’industrie et culture à la fois, puisse répondre aux exigences professionnelles et accompagner les évolutions et changements sociaux du pays.

Ce sont là quelques idées de base pour espérer, à plus ou moins long terme, dépasser cette sempiternelle interrogation : pouvons-nous avoir un réel cinéma national, avec une véritable Histoire du cinéma, ou sommes-nous condamnés à n’avoir qu’un ensemble disparate de films, sans aucune base solide en termes d’infrastructures matérielles, techniques, homaines et professionnelles, de marché, de public et de culture cinématographique ?

DRISS CHOUIKA

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