chroniques
L’esclavage et les Etats Unis – Par Gabriel Banon
Le projet d’accorder des compensations, envisagé par les Démocrates, est une fausse-bonne-idée impossible à mettre en place.
Pour corriger des décennies de racisme institutionnel aux États-Unis, le gouvernement américain propose des réparations financières de l’esclavage. Est-ce la meilleure solution pour mettre fin aux réclamations des descendants d’esclaves ?
Il est vrai que les « wokes » passent leur temps à se flageller pour faire oublier leur « blanchité ».
Ces derniers proposent que le gouvernement, c’est-à-dire les contribuables, accorde une compensation financière aux descendants d’esclaves pour le sort inhumain subi par leurs ancêtres. Inattendu, l’administration Biden a pris en considération ouvertement la proposition.
Il y a quelques mois un comité de la Chambre des représentants américaine a approuvé la création d'une commission d'experts chargée d'étudier les possibilités d'indemnisation des descendants d'esclaves noirs américains. Une revendication très ancienne, relancée par le mouvement Black Lives Matter.
Il est vrai, pour ceux qui veulent bien le voir, le racisme institutionnel américain est toujours présent.
C’est cent ans après les lois Jim Crow, qui faisaient des Noirs des citoyens de seconde classe, que ces derniers obtiennent la jouissance de leurs droits, grâce à la loi sur les droits civiques, interdisant la discrimination raciale. Mais cinquante ans plus tard, l’égalité de facto n’a toujours pas rejoint l’égalité de Jure.
La guerre à la drogue a été un prétexte à s’attaquer aux noirs et aux latinos. Ces groupent sont plus durement sanctionnés que les Blancs. Malheureusement, les manifestations contre les brutalités policières sont souvent ternies par des émeutes.
Le projet d’accorder des compensations, envisagé par les Démocrates, est une fausse-bonne-idée impossible à mettre en place.
S’il reste des enfants d’esclaves, ils doivent être d’un âge avancé, et l’argent ne changera en rien leur statut social et le souvenir de ce qu’ont subis leurs parents. Et que dire à ceux qui descendent à la fois d’esclaves et d’esclavagistes ?
Le principe des compensations, voir des excuses, veut que cela doit aller directement aux personnes lésées. C’est ce qu’a fait le Canada à titre d’excuse auprès des Japonais internés durant la seconde guerre mondiale.
Le bon sens voudrait que le gouvernement veille plutôt à ce que l’on ne rende pas la vie impossible aux minorités ethniques.
Si l’administration Biden cherche vraiment à indemniser les Noirs, elle devrait plutôt se consacrer à créer un environnement favorable à leur autonomie et plus généralement à toutes les minorités ethniques.
Pour nombre d’historiens, le projet d’indemnisation des descendants d’esclaves est stupide et dangereux. Les demandes de réparation au titre d’injustices historiques ne peuvent pas être pensées exclusivement sous le paradigme de la justice corrective.
Les demandes de réparations au titre d’injustices historiques sont de nature politique et non pas judiciaire : l’injustice historique doit s’entendre comme une injustice « continuée », soit qui a ses racines dans le passé mais dont les effets sont encore perceptibles dans le présent ; elle affecte l’ensemble du corps politique sans opposer des victimes et des bourreaux ; enfin, la responsabilité de la réparation est portée par l’ensemble du corps politique : nous sommes collectivement responsables de mettre en place les conditions politiques d’une république apaisée. Les réparations relèvent ainsi d’un modéle de justice transformatrice mais pas compensatoire.
Le Woke est en train d’envahir l’Europe et l’indemnité accompagnée d’excuses va se poser pour les descendants des colonisés comme pour les descendants d’esclaves de l’ancien Empire français. Cette boite de pandore qui a été ouverte aux États-Unis, n’a pas fini d’interpeller les responsables politiques.