chroniques
L'écriture des hommes politiques - Par Samir Belahsen
Winston Churchill, personage multidimensionnel
« La moitié des hommes politiques sont des bons à rien, les autres sont prêts à tout »
Coluche
« En politique, mon cher, vous le savez comme moi, il n'y a pas d'hommes, mais des idées ; pas de sentiments, mais des intérêts ; en politique, on ne tue pas un homme : on supprime un obstacle, voilà tout. »
Alexandre Dumas /Le Comte de Monte Cristo 1844
Dans un précèdent article sur ces colonnes « L’enfer, ils y étaient déjà », réservé au roman de Yahya Sinwar « Chardon et clous de girofle », j’avais espéré que l’auteur n’a pas arrêté d’écrire en quittant la prison.
Maintenant, vingt ans après son roman, l’enterrement du processus d’Oslo est définitif. Un témoignage de celui qui en fut acteur majeur sur la période postérieure à 2004 aurait pu nous éclairer sur ces deux dernières décennies.
L'écriture des hommes politiques, à travers leurs mémoires, romans et essais, représente un apport précieux à l'histoire et à la compréhension des dynamiques politiques, combien l’écrit autobiographique se prête souvent à certaines amnésies et à une pour l’embellissement de soi qui flirte avec le narcissisme.
Les mémoires fournissent un point de vue unique sur des événements historiques, permettant de comprendre les motivations, les intentions, les dilemmes et les décisions des dirigeants.
Ces écrits peuvent a posteriori préciser, compléter ou contredire des narrations historiques établies, offrant une source primaire qui enrichit l'analyse historique.
Ces œuvres enrichissent donc la littérature, mais il peuvent contribuer à façonner les débats politiques .
Quant aux essais et romans, ils peuvent explorer des concepts politiques plus profonds et proposer des visions du monde, un regard sur l’imaginaire des hommes politiques influençant la pensée politique et la compréhension des idéologies.
Ces œuvres en donnant une voix aux figures politiques, aident à les humaniser en montrant leur dimension personnelle, leurs préoccupations et leurs aspirations.
Parmi les hommes politiques ayant écrit des livres reconnus, on peut citer :
Winston Churchill
Personnage multidimensionnel, ses mémoires, notamment "La Seconde Guerre mondiale", sont largement reconnues pour leur profondeur et leur méticuleuse documentation.
Alexis de Tocqueville :
Son œuvre "De la démocratie en Amérique" offre une analyse personnelle et perspicace des systèmes démocratiques et de leurs implications.
François Mitterrand :
Dans "Le coup d'État permanent" il présente ses réflexions profondes sur la politique française et son parcours personnel.
Nelson Mandela :
Dans une longue autobiographie "Un long chemin vers la liberté" , il parle de sa vie, de sa longue lutte contre l'apartheid, de sa prison et de sa vision d'un avenir meilleur pour l'Afrique du Sud.
Thomas Sankara :
Dans « Les discours de Thomas Sankara » , une compilation de ses discours, il expose ses idées révolutionnaires.
Plusieurs essais politiques marquants ont été écrits par des leaders arabo-musulman, reflétant des perspectives variées sur la politique, la religion et la société.
On peut remarquer que peu de responsables politiques arabes se donnent la peine d’écrire, de s’expliquer et de convaincre.
L'absence de démocratie dans les pays arabes contribue à la rareté des écrits politiques de leurs responsables. Les régimes qui privilégient le contrôle et la répression, limitent l'espace pour un discours critique. L'élite politique étant majoritairement et souvent déconnectée des préoccupations populaires, ne ressent pas la nécessité d'expliquer, de s’expliquer ou de convaincre par l'écrit.
Ainsi, l’écrit reste le plus souvent l’arme des opposants.
Sayyid Qutb:
Son œuvre « Sous les ombres du Coran » où il explorait la relation entre l'islam et la société moderne est considérée comme fondatrice de l'islamisme contemporain et du mouvement des frères musulmans.
Michel Aflaq :
Dans « La pensée baathiste », il nous offre un essai sur les idées qui ont donné naissance au mouvement Baath, prônant l'unité arabe comme fondement et le socialisme comme voie.
Ali Shariati :
Son livre « Histoire et conscience » mêle sociologie, politique et religion, il plaidait pour une révolution islamique en Iran.
Au Maroc, Plusieurs hommes politiques ont écrit des livres ou des mémoires, contribuant ainsi à la réflexion politique et historique. Voici quelques exemples :
Hassan II :
« Les mémoires de Hassan II » était un récit autobiographique où le souverain partageait sa vision du Maroc et des événements marquants de son règne.
Abdallah Ibrahim :
Dans « L'histoire des rendez-vous manqués », il retrace sa vie politique et son engagement dans le mouvement national. Dans « Révolution de l’esprit » par contre, il nous explique son regard philosophique, il explique le pourquoi de son engagement.
Mehdi Ben Barka:
Bien que ses écrits soient souvent compilés par d'autres, son héritage intellectuel reste influent, notamment à travers des ouvrages sur son combat pour le tiers-mondisme et socialisme.
Allal el fassi :
Emblématique du nationalisme marocain, il a écrit des dizaines d’ouvrages qui restent influents.
Dans « L'Autocritique » (1952), il analyse les raisons de la perte de souveraineté du Maroc et propose une vision pour l'indépendance et une certaine modernisation.
Dans « Le Maroc et la question palestinienne » il aborde le soutien du Maroc à la cause palestinienne.
Dans un ouvrage moins célébré et moins célèbre « La Nation africaine » il traite de l'identité et des aspirations africaines
Abdelhadi Boutaleb
« Les Mémoires d'un homme libre » est un récit autobiographique où il partage son parcours politique atypique et son engagement pour la démocratie au Maroc.
Mohamed Bensaid Aït Idder :
Dans ses mémoires « Bensaid Ait Idder par lui-même » (2023), cette grande figure politique marocaine aborde son parcours militant et ses réflexions sur la politique marocaine.
Ces écrits offrent des perspectives variées et toutes précieuses sur l'histoire et la politique du Maroc.
Dans une période où l’on parle de l’agonie sinon de la mort de la politique, la revitalisation ne peut se faire que si elle est guidée par des idées solides et des réflexions partagées à travers la littérature. C’est ce qui pourrait redonner un sens et une direction à la politique.