La Méditerranée comme horizons (au pluriel) de pensée – Par Abdejlil Lahjomri

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Abdejlil Lahjomri, Secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume et Bruno Péquignot, Professeur émérite des universités en Sociologie, mercredi 24 novembre 2021, à la conférence au siège de l’Académie

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L'Académie du Royaume du Maroc a organisé, mercredi, une conférence sous le thème "La culture méditerranéenne existe-t-elle ?", animée par Bruno Péquignot, Professeur émérite des Universités en Sociologie. Cette rencontre s'inscrit dans le cycle de conférences préparatoires de la 47ème session de l’Académie du Royaume, consacrée à "La Méditerranée comme horizon de pensée". L’intitulé de la conférence de Bruno Péquignot qui assortit l’existence d’une culture méditerranéenne d’un très visible point d’interrogation, a amené le Secrétaire perpétuel Abdejlil Lahjomri à redéfinir les perspectives de la 47ème session de l’Académie du Royaume prévue pour le mois de mai, se demandant s’il ne faudrait pas désormais porter au pluriel la méditerranée comme horizonS de pensée.   

« La culture méditerranéenne existe-t-elle ? » Interrogation qui sous-tend que notre thématique présuppose l’existence d’une unité méditerranéenne alors, comme l’affirme un analyste « L’unité du monde méditerranéen ne peut être postulée ». Qu’il y a peut-être des « méditerranées comme il y a des cultures ». Une autre analyse intitule son étude « Entre unité et diversité : la Méditerranée plurielle ». Le titre que nous devrions retenir dès lors pour notre session serait plutôt « La Méditerranée comme horizons, mais cette fois-ci horizons au pluriel de pensée ».  La diversité méditerranéenne semble évidente mais où serait donc l’Unité ? Géographique ? Historique ?  Abis Sébastien affirme que quand « l’Empire romain était à son apogée, ce fut la seule époque dans l’histoire, la longue histoire, où toutes les régions du bassin méditerranéen furent soumises au même pouvoir politique et à la même aire de civilisation ».

Culturelle ?  Nous attendons avec impatience la conférence de M Bruno Péquignot pour nous en convaincre et pour nous convaincre comme l’a fait Elisée Reclus qui se distingue de ses pairs par « l’affirmation d’une amplitude d’une synthèse méditerranéenne ou tous les éléments s’articulent les uns aux autres pour fonder une logique globale ». Imaginaire, certes, représentation sans doute que cette unité culturelle de la Méditerranée, plus virtuelle que réelle. Un exemple en conclusion de cette brève introduction, exemple probablement discutable et surement à discuter. Il concerne en particulier l’expression arabe avec laquelle on représente la Méditerranée البحر الأبيض المتوسط.

D’où vient cette couleur blanche dans l’expression concernant cette mer dans l’arabe contemporain alors que par le passé on disait comme le rappellent Jean-Yves Moisseron et Manar Bayoumi. « Bahr El Sham, la mer du Levant ou Bahr El Roum, la mer des chrétiens, des Byzantins, en l’occurrence. Alors ajoutent-ils que l’expression « la mer blanche du milieu » parait énigmatique. Ils affirment qu’il y a là un emprunt à la langue turque « akdeniz » qui signifie « blanc » par opposition au terme « Karadeniz » qui signifie « noir » et oppose notre Mer blanche à la Mer Noire. Ils en concluent qu’il n’y a pas de représentation spécifiquement arabe de la mer Méditerranée.

Cette mer « machine à faire de la civilisation selon Valery ne serait-elle qu’une invention ? selon le titre de Anne Ruel. 

Je préfère privilégier l’optimisme de Joseph Maila « La Méditerranée » est,  dit-il, cette « étonnante civilisation qui au fur et à mesure de son déploiement, balisa les trajectoires de notre culture, fixant l’un après l’autre les repères majeurs de notre histoire et faisant de nous les dépositaires d’un héritage ou l’alphabet fut phénicien, le concept grec, le droit romain, le monothéisme sémite, l’ingéniosité punique, la munificence byzantine, la science arabe, la puissance ottomane, la coexistence andalouse, la sensibilité italienne, l’aventure catalane, la liberté française et l’éternité égyptienne ».

Si nous retenons cette synthèse séduisante la Méditerranée est et le restera envers et contre tout une machine à produire de la culture ou des cultures et Mare Nostrum évitera de devenir « un piège à idéologies », ce qui le guette en cette période de son histoire où les flux migratoires exacerbent les tensions des deux rives de cette mer qui devrait être un lien plus qu’une frontière.