Le Nouveau Modèle de Développement : débattons sans parti-pris !

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Chakib Benmoussa lors l’une des « balades » de la commission dans les régions du Maroc : « L’analyse concrète d’une situation concrète » diraient les marxistes

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 Depuis la publication du rapport sur le nouveau modèle de développement (NMD), juste après sa remise mardi dernier à SM Le Roi,  les commentaires fusent de toutes parts, les lectures abondent et les réunions et les rencontres autour de cette problématique se multiplient et vont se multiplier davantage à l’avenir. Ce qui est à première vue utile pour nourrir le débat dans notre pays surtout en cette période pré-électorale.  

Il faut dire que le rapport, malgré le retard pris pour son élaboration, tombe à point nommé.  

Tous les Marocains sont conviés à le discuter, le commenter, voire le critiquer. A condition de prendre son temps et de le lire sans préjugés et sans arrière-pensées.  Cependant,  deux écueils sont, à notre  avis, à éviter : faire l’apologie du rapport en se contentant d’applaudir sans prendre la peine  de l’étudier ; adopter à son égard une attitude de rejet automatique et de critique négative. Les deux attitudes, apologétique et nihiliste,  sont non seulement improductives, mais carrément nuisibles et vont à contre-courant des pratiques démocratiques. Outre le fait qu’elles contribuent à la paresse intellectuelle et à la culture du moindre effort. 

La rengaine

Une lecture saine et constructive consisterait, de notre point de vue, à chercher d’abord à comprendre, à analyser les faits et les données, le texte et le contexte, à distinguer le souhaitable du possible… En adoptant une telle grille de lecture, on aboutira nécessairement à dégager des points de convergence et des points de divergence.  Aussi, faut-il lire le rapport en ayant présent à l’esprit le mandat donné à la commission par le Souverain tel qu’il a été rappelé en préambule du rapport.  

Partant de ces considérations préliminaires, il y a lieu de s’étonner  de voir dès le  lendemain de la présentation du rapport certains  commentateurs écrire des absurdités  et des grossièretés du genre : « le rapport du cinquantenaire est plus audacieux et meilleur que le rapport sur le NMD » ! Franchement, comparer l’incomparable relève de la stupidité. Et combien même, une telle comparaison  serait  faisable, on se demande comment notre  universitaire est parvenu à procéder à cet exercice  au cours de la nuit, pour lire sa messe le lendemain matin à la première heure ? Sauf à se faire aider par les « jnoun » (diables) comme on dit dans le langage populaire ! Ne parlons pas des nihilistes qui ressassent la même rengaine avec ou sans rapport. Ils se sont prononcés sur le travail de la commission dès sa nomination en faisant de la   réforme constitutionnelle un préalable, voire une obsession tout en fermant les yeux sur toutes les avancées apportées par la Constitution de 2011. 

Une méthodologie classique

Une fois les termes du débat clarifiés, nous souhaiterions modestement y contribuer, en restant dans un premier temps à un niveau général dans l’espoir de revenir sur des questions sectorielles et pointues. 

Tout d’abord, il convient de saluer la démarche adoptée par la commission : une démarche participative basée sur l’écoute  et l’action de terrain. Les témoignages et les auditions, restitués dans une annexe, constituent avec le recueil des notes thématiques, une référence indispensable pour l’appréciation du travail de la commission. Ces documents sont disponibles sur le site pour ceux qui veulent prendre la peine de les étudier. Le rapport de synthèse, comme son nom l’indique, ne comporte pas suffisamment d’éléments qui permettraient d’apprécier objectivement le NMD proposé.

Par ailleurs,  la méthodologie suivie ne déroge pas à la règle. C’est une méthodologie classique adoptée dans les différents rapports : faire le diagnostic avant de proposer les solutions. Le diagnostic, aggravé par la crise covid-19 qui s’est invitée à la commission, ne fait pas l’objet du moindre doute. Il est connu par tout le monde. Le rapport aurait pu se contenter de cette expression prononcée par une étudiante auditionnée par la commission : «  il y a ceux qui ont tout et ceux qui n’ont rien » ! C’est certainement à bon escient que la commission a reproduit cette phrase au début de la partie qui traite du bilan. C’est une expression exagérée, certes, mais elle traduit ce que pensent   des millions de  Marocains qui vivent dans la détresse, la marginalisation,  la privation des droits basiques  garantissant  la dignité humaine.  Cependant, il ne faut pas  « jeter le bébé avec l’eau de bain ». Le bilan comporte nécessairement  des aspects positifs et des aspects négatifs. Mais comme on est à la recherche du « nouveau », c’est à ces derniers qu’il convient le plus de s’intéresser.

Les nœuds du développement

A cet effet,  le rapport décèle quatre freins, sous forme de  nœuds, qui entravent le  développement : le manque de cohérence verticale entre la vision de développement et les politiques publiques annoncées et la faible convergence horizontale entre ces politiques ;  la lenteur de la transformation structurelle de l’économie freinée par la faible ouverture sur de nouveaux acteurs innovants et compétitifs ;  les capacités limitées du secteur public en matière de conception et de mise en œuvre des politiques publiques et de services publics accessibles et de qualité dans les domaines essentiels à la vie quotidienne et au bien-être des citoyens ; un sentiment d’insécurité et d’imprévisibilité qui limite les initiatives, en raison d’un décalage entre certaines lois comportant des « zones grises » et les réalités sociales.

C’est pourquoi le changement devient urgent. L’urgence est à la mesure de l’ampleur des problèmes  et des mutations profondes que  le monde connait et qu’il est appelé à connaitre davantage au cours des décennies à venir. Ce monde d’après est en train de s’installer devant nos yeux.  Notre pays n’a pas le droit de se comporter en simple spectateur. Il doit prendre sa part à ce changement pour demeurer un partenaire écouté et respecté.  Pour ce faire, Il doit se donner une « ambition » et se fixer un cap avec des objectifs précis.  L’ambition  est résumée  dans le rapport par cette  formule  laconique : « un Etat fort et une société forte ». Cette ambition est celle d’un Maroc prospère, d’un Maroc des compétences, d’un Maroc inclusif et solidaire, d’un Maroc durable et d’un Maroc de l’audace.  L’horizon est 2035 et les objectifs sont annoncés clairement allant jusqu’à se hasarder à les chiffrer. Y compris en estimant le coût du NMD.  Nous y reviendrons prochainement. Le rapport aurait gagné cependant  en clarté en adoptant un style simple et moins « pédant » et en évitant le recours à  certaines formules alambiquées  qui relèvent plus du marketing politique.