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Le XIème congrès national du PPS : quel parti voulons-nous ? Par Abdeslam Seddiki
Le camarade Nabil Benabdellah, secrétaire général du PPS, achève en novembre son troisième mandat. « Même au niveau de l’instance supérieure, qui est le « politburo », la fonction du SG est envahissante. […] il faut faire de la limitation des mandats […] un principe sacré et une règle inviolable. Un mandat de quatre ans, renouvelable une fois, à la limite deux fois, c’est largement suffisant !! » (AS)
Le prochain congrès national du PPS aura bien lieu à la mi-novembre prochain. Les préparatifs vont bon train et les militants sont mobilisés pour la réussite de ces assises nationales qui se déroulent dans un contexte national et international particulier.
Le travail se fait comme à l’accoutumée : la préparation d’un projet de document politique qui évalue la situation depuis le dernier congrès (2018) et fixe le cap pour les quatre années à venir voire au-delà ; l’examen des statuts du parti dans un sens opérationnel pour proposer, le cas échéant, les amendements nécessaires susceptibles d’améliorer le rendement et l’efficacité de l’action partisane ; la mise en place de la logistique nécessaire pour la tenue de ce congrès dans de meilleures conditions ; et enfin la définition d’un plan de communication autour de l’événement …
Nous pensons que le moment est venu pour passer à une étape supérieure notamment au niveau du cadre organisationnel du parti et réaliser, enfin, ce dessein collectif qui nous a animé, nous militants de tous bords, d’avoir un parti fort, démocratique, profondément ancré dans la société, influent pour peser sur le cours des événements, défendre les intérêts du peuple travailleur et servir les intérêts suprêmes de notre pays.
Bien sûr, on peut produire de bonnes, voire d’excellences, analyses théoriques, élaborer des plans d’action sectoriels et territoriaux magnifiques comme on en a fait d’ailleurs auparavant. Mais tout cela n’aurait qu’un impact limité si l’organisation du parti n’est pas mise à niveau, si les canaux de transmission du changement sont défaillants, si les organisations intermédiaires entre le sommet et la base sont absentes ou déficientes.
S’adapter sans se renier
D’ailleurs, ces questionnements ne sont pas nouveaux. Ils sont régulièrement posés et se posent encore plus aujourd’hui avec les transformations que notre société est entrain de connaitre en termes de valeurs et d’aspirations. Il faut aussi rappeler que le parti n’est pas resté tout au long de son existence, un parti figé et sclérosé. Au contraire, il a su s’adapter sans se renier, sans s’écarter d’un iota de ses fondamentaux. Car le parti est comme un arbre : si on lui coupe les racines, il meurt. Par contre, si on lui coupe les branches et les feuilles mortes, il régénère et prend un coup de jeune. C’est exactement ce qui s’est passé dans la vie du parti. Il a vécu des années terribles d’interdiction aussi bien sous le protectorat que durant l’indépendance. Mais cette interdiction ne l’a pas empêché de poursuivre son combat en recourant à de nouvelles méthodes et en « s’adaptant » au contexte. Il a vécu également des années où il était à peine toléré : situation pour le moins rocambolesque ! Même en arrachant sa légalité, l’épée de Damoclès était toujours là et des pressions se faisaient exercer sur les militants… C’est l’occasion pour rendre hommage à nos camarades vétérans qui ont lutté dans des conditions extrêmement difficiles et résister avec ténacité pour sauvegarder ce cadre politique dans lequel nous travaillons aujourd’hui avec sérénité et assurance.
L’abandon du « centralisme démocratique ».
Avec l’effondrement du mur de Berlin et l’échec du « socialisme réel », le Parti fut amené à procéder à une véritable mue en abandonnant, dans ses grands traits, le « centralisme démocratique » comme forme dominante de l’organisation propre aux partis communistes. Ce changement n’était pas facile à introduire. Il a nécessité plusieurs réunions du Comité Central au début des années 90 où il y a eu une discussion de fond non seulement sur les aspects organisationnels mais aussi et surtout sur la signification du socialisme et la pertinence du marxisme-léninisme. Le Vème congrès (1995) a tranché le débat dans le sens de l’ouverture et de l’abandon du Centralisme Démocratique. Ce faisant, le parti est rentré dans une nouvelle phase historique dont on connait la suite : une participation ininterrompue durant deux décennies aux différents gouvernements qui se sont succédé depuis le gouvernement Youssoufi (1998) jusqu’au gouvernement Othmani. Au cours de cette période, le parti a acquis une nouvelle culture de gouvernement qui lui a été d’une grande utilité sur le plan de la formation de ses cadres dans le domaine de la gestion des affaires publiques. Tout comme d’ailleurs les militants qui ont eu à gérer des communes locales ou des assemblées provinciales et des comités régionaux. Au niveau gouvernemental, le parti a géré, par le biais de ses ministres (12 au total), plus d’une dizaine de départements : agriculture, éducation nationale, recherche scientifique, femme et solidarité, communication, habitat et urbanisme, politique de la ville, santé, culture, emploi, eau. Idem pour nos militantes et militants qui ont eu la charge de diriger des collectivités territoriales, de présider les groupes parlementaires et d’assumer des responsabilités au Bureau du parlement.
Autant d’accumulations qui nous permettent de passer à une nouvelle étape pour procéder à une « perestroïka » organisationnelle à même d’assurer la convergence entre les objectifs politiques affichés et le niveau organisationnel.
Pas de démocratie sans de vrais démocrates
Il s’agira d’aller plus loin, et sans hésitation aucune, sur la voie de la démocratisation du fonctionnement du parti et de rompre définitivement avec les réflexes du passé et la « nostalgie » de l’ère du centralisme démocratique. En effet, malgré l’abandon du centralisme démocratique sur le papier, on constate la prééminence de la forme verticale de l’organisation qui entraine la domination de l’instance supérieure sur l’instance inférieure. Même au niveau de l’instance supérieure, qui est le « politburo », la fonction du SG est envahissante. Le fonctionnement du parti nous parait plus proche du « régime présidentiel » que du « régime parlementaire » pour dire les choses autrement. Il faut introduire la collégialité et réhabiliter l’esprit d’équipe qui ont fait la force du parti même du temps du centralisme démocratique. Par conséquent, les structures intermédiaires du parti doivent disposer de plus d’autonomie dans la prise de décision tout en mettant en place des instances de gouvernance et de contrôle a posteriori. On écrit souvent dans nos documents, à juste titre d’ailleurs, « pas de démocratie sans de vrais démocrates ». Un démocrate, un vrai, ne doit pas s’accrocher au poste « vaille que vaille » et ce quel que soit le niveau de responsabilité. Par conséquent, il faut faire de la limitation des mandats, à tous les niveaux, un principe sacré et une règle inviolable. Un mandat de quatre ans, renouvelable une fois, ou à la limite deux fois, c’est largement suffisant !!
Stimuler l’émergence des élites locales.
Une autre piste de démocratisation est relative à l’organisation régionale du parti. Il est temps de placer notre organisation à la hauteur de notre conception sur la régionalisation et des avancées concrètes réalisées par le pays. Pour ce faire, on devrait se doter de structures régionales solides et bien structurées avec un bureau, un secrétaire de région et des prérogatives clairement définies. C’est un moyen de valoriser les territoires et de stimuler l’émergence des compétence régionales appelées à assumer des responsabilités nationales. Le SG de la Région deviendrait, de droit, membre du Bureau Politique.
Un parti de masse a ses exigences et ses règles de fonctionnement. Il doit être présent dans toutes les catégories socio-professionnelles qui constituent les forces vives du pays et la base de sa production matérielle et immatérielle. D’ailleurs, dès sa création, le parti a décliné son identité comme « parti de la classe ouvrière, de la paysannerie pauvre et des intellectuels révolutionnaires ». Tout en restant fidèles à ce positionnement social, on doit s’interroger aujourd’hui : où en sommes-nous par rapport à ce vaste projet ? Force est de reconnaitre que nous avons encore du pain sur la planche. Le prochain congrès doit constituer un tremplin vers la réalisation au cours des années à venir, disons à l’horizon 2030, de ce dessein collectif. Notre pays et notre peuple en ont besoin plus que jamais, pour mettre en œuvre une alternative progressiste et démocratique.