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Les mots du trouble : psychologie d’un discours officiel algérien – Par Mohamed Yesslem Bessat

Le général Chengriha méconnaissable en civile aux Emirats pour séduire les Emiratis, échec et chou blanc. Depuis, le régime algérien s’est vêtu de diatribes
Dans un article incisif, le diplomate mauritanien Mohamed Yesslem Bessat propose une lecture psychologique du discours virulent et fébrile contre les Émirats Arabes Unis récemment diffusé par la télévision publique algérienne. Derrière formules agressives et diatribes, se dévoilent des mécanismes de défense révélateurs d’un profond malaise identitaire et d’une fragilité institutionnelle face aux mutations régionales
Par Mohamed Yesslem Bessat
Projection : accuser pour mieux taire ses propres peurs
Le discours médiatique algérien évoque, en invoquant les Emirats avec insistance l’idée de "petits États artificiels" et de "structures sans racines ni souveraineté". Mais ces invectives sont révélatrices d’un mécanisme de projection psychologique, où le régime algérien projette sur autrui sa propre fragilité. La rhétorique utilisée, d’une rare violence, reflète en réalité une angoisse profonde liée à la propre légitimité (inexistante) du pouvoir (algérien), à l’instabilité sociale et à l’échec d’un projet national unificateur.
Nostalgie obsessionnelle et exaltation du passé
Le recours systématique au récit de la "résistance historique" et des "fondements inébranlables" révèle un complexe d’infériorité historique. Plus le présent semble pauvre en réalisations concrètes, plus le passé supposément glorieux est convoqué pour masquer l’incapacité à produire un avenir prometteur. C’est également un mécanisme de compensation, amplifié par un agrandissement défensif : l’histoire, les symboles et le peuple sont exaltés au point de paraître mythifiés, pour combler un déficit de rayonnement actuel face à des pays plus dynamiques, notamment les Émirats arabes unis.
Une anxiété identitaire qui a évolué en paranoïa
Le discours alarmiste sur les "menaces contre l’identité et l’unité nationale" trahit une anxiété existentielle. En invoquant un "complot extérieur", le pouvoir tente de canaliser les peurs internes — divisions régionales, revendications culturelles amazighes, tensions sociales — vers un ennemi désigné. Ce discours de paranoïa politique, bien connu dans les régimes autoritaires, cherche à justifier un contrôle accru sur la population en invoquant une cible étrangère fictive. Il transforme ainsi la crise de confiance interne en narration de siège, pour rallier l’opinion autour d’un pouvoir affaibli.
Ce discours outrancier est l’expression d’un trouble profond dans l’appareil étatique algérien. Le recours à une agression verbale excessive cache une perte de confiance en soi sur la scène régionale, et un sentiment d’impuissance croissant face à un monde arabe en recomposition. Une fuite en avant verbale qui remplace l’action par l'outrage, et révèle une identité officielle en crise.