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Maroc-Allemagne : Peut mieux faire – Par Naïm Kamal
Le Roi Mohammed VI et l’ex-chancelière allemande Angela Merkel. Une page de tournée ? Les bonnes dispositions du Maroc ne pourraient se contenter de profession de foi et appellent des actes qui les corroborent. Surtout qu’à ce jour, les déclarations allemandes au sujet du Sahara sont à minima.
Rabat ''apprécie les annonces positives et les positions constructives faites récemment par le nouveau gouvernement fédéral d'Allemagne. Elles permettent, d'envisager une relance de la coopération bilatérale et le retour à la normale du travail des représentations diplomatiques des deux pays à Rabat et à Berlin’’, a annoncé dans un communiqué publié mercredi 22 décembre, le ministère des Affaires étrangères marocain
La suspension des relations entre les deux pays, qui avait commencé en mars par le gel marocain des contacts avec tout ce qui relève de la représentation germanique dans la capitale du Royaume, s’est aggravée deux mois plus tard par le rappel de l’amabassadeure du Maroc à Berlin.
Des gestes d’autant plus inamicaux qu’à contrecourant
Cette forte crispation des relations entre les deux pays avait culminé lorsque l’hostilité de l'Allemagne à la décision américaine en décembre 2020 de reconnaître la pleine souveraineté du Maroc sur son Sahara a été outrageusement manifeste en appelant à une réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies. Position qui a été précédée onze mois auparavant par un acte tout aussi inamical : la mise à l'écart de Rabat de la conférence de Berlin sur la Libye, un dossier sur lequel Rabat s’est montré pourtant tout aussi actif que désintéressé en agissant en facilitateur dynamique et efficace du dialogue inter libyen.
Le nouveau positionnement de Rabat trouve ses motivations dans les déclarations allemandes en date du 13 décembre. Elles émanent du ministère allemand des Affaires étrangères et apportent trois éclaircissements qui étaient nécessaires :
- Le Maroc constitue un "lien important entre le Nord et le Sud à la fois politiquement, culturellement et économiquement" et un "partenaire clé" de l'Union européenne et de l'Allemagne en Afrique du Nord.
- Le Maroc "joue un rôle important dans la stabilité et le développement durable de la région […] notamment dans son engagement diplomatique envers le processus de paix libyen".
- L’Allemagne, dont ‘’la position reste [toutefois NDLR] inchangée depuis des décennies, appuie les efforts déployés par [l’ONU] pour parvenir à un résultat politique équitable, durable et acceptable pour tous sur la base de la résolution 2602 (2021) du Conseil de sécurité des Nations Unies [et estime que par] son plan d’autonomie soumis en 2007, le Maroc a apporté une importante contribution à un tel accord’’.
L’incontournable marocanité du Sahara
Nul doute que sur ce dernier point, Berlin qui se repose sur la résolution 2602 peut mieux faire, surtout que le Roi Mohammed VI s’estime ‘’tout à fait fondé à attendre de [ses] partenaires qu’ils formulent des positions autrement plus audacieuses et plus nettes au sujet de l’intégrité territoriale’’ du Royaume.
Dans son discours du 6 novembre dernier à l’occasion de l’anniversaire de la Marche Verte, le Souverain marocain a été on ne peut plus clair : Le Maroc, a-t-il rappelé, a ‘’dans la région des partenaires internationaux de bonne foi, [considérant les provinces du Sud partie intégrante du territoire national], qui, en toute clarté et en toute transparence investissent aux côtés du secteur privé national et contribuent ainsi au bien-être de la population.’’
Fort de ce constat, le Roi du Maroc a déclaré ‘’à ceux qui affichent des positions floues ou ambivalentes,[…] que le Maroc n’engagera avec eux aucune démarche d’ordre économique ou commercial qui exclurait le Sahara marocain.’’
De cette clarification, l'Allemagne a tout à gagner. Partenaire économique et commercial important du Maroc, elle se place au 7ème rang de la balance commerciale marocaine avec, en 2016, 1,4 milliard d’euros d’importations du Maroc auquel elle exporte presque le double pour 2,2 milliards d’euros. Quelque 300 sociétés allemandes s’activent également dans le pays, principalement dans les pôles économiques de Casablanca et Tanger.
Cette coopération, intéressante pour le Maroc, l’est tout aussi bien pour l’Allemagne d’autant plus que le Royaume offre des perspectives de développement qui ont amené un organisme allemand d’études et de prospectives à inviter curieusement les pays européens, dans un esprit colonial archaïque et inadmissible, à freiner l’évolution économique du Maroc pour l’empêcher de trop dépasser ses voisins.
A partir de là on comprend que les bonnes dispositions du Maroc ne pourraient se contenter de profession de foi et appellent des actes qui les corroborent. Surtout qu’à ce jour, les déclarations allemandes au sujet du Sahara sont à minima.