PJD-PAM : Des noces contre nature – Par Bilal TALIDI

5437685854_d630fceaff_b-

Abdellatif Ouahbi (PAM) et Saad Dine El Otmani (PJD) le samedi 24 juillet à Rabat

1
Partager :

Le PJD a tenu le 24 juillet au son siège du parti au quartier Les Orangers à Rabat une rencontre de concertation avec le PAM au terme de laquelle les deux formations ont publié, suivant un protocole cérémonieux, un communiqué conjoint portant des significations qui dépassent de loin le cadre général de rencontres similaires avec les différentes composantes du spectre politique.

Les Secrétaires généraux des deux partis ont posé devant les objectifs des caméras et photographes en exhibant la copie du communiqué qu’ils ont signé à deux. S’ensuivirent des déclarations du Secrétaire général-adjoint du PJD Souleymane El Amrani évoquant une mutation opérée dans la direction du PAM et de sa ligne politique qui augure désormais d’une possible alliance entre les deux partis à l’avenir.

Pourtant, le contexte ayant servi de substrat pour cette rencontre de concertation ne porte pas de signification politique majeure, du fait qu’elle s’inscrit dans le droit fil de rencontres similaires organisées par le PJD avec d’autres formations politiques, à commencer par le Parti de l’Istiqlal et le Mouvement populaire. Il est vrai que l’idée d’une rencontre avec le PAM a été discutée sans grand enthousiasme au sein du Secrétariat général du PJD, le peu de membres qui se sont exprimés étaient partagés à égalité entre ceux qui ont été favorables à cette initiative et ceux qui ont exprimé des réserves à son sujet, alors que la majorité du secrétariat général s’est emmurée dans le silence, laissant au Secrétaire général la prérogative de décider sans recourir au mécanisme du vote.

Ces détails ne revêtent pas une grande importance, puisque le contexte général indique que le PAM n’a pas de privilège particulier à faire valoir par rapport aux autres partis. Ce qui intéresse le plus ici est le timing, car la rencontre avec le Secrétaire général du PAM Abdellatif Ouahbi a été largement espacée de celles tenues avec d’autres partis. En plus, cette rencontre intervient sur fond d’une vague de colère des militants du PJD en raison d’attaques ciblant nombre de leurs dirigeants, la dernière en date étant la radiation de figures influentes des listes électorales.

Selon le raisonnement politique de la direction actuelle du PJD, la rencontre avec M. Ouahbi diffère diamétralement de celles tenues avec les autres partis. Saad Dine El Otmani estime que l’isolement politique de son parti lui impose de chercher de nouvelles options pour desserrer l’étau. Après avoir sacrifié son alliance stratégique avec le PPS, le vote du quotient électoral a fait apparaitre que le PJD était seul dans son bord tandis que tous les autres partis sont de l’autre. Il en a déduit que son maintien aux commandes du gouvernement est devenue une affaire difficile, si ce n’est impossible. En se réunissant avec le PAM, M. El Otmani voulait probablement envoyer un message aux décideurs selon lequel le scénario d’une alliance avec le PAM, rejetée par l’ancienne direction du PJD, est désormais plus que vraisemblable avec la nouvelle direction. 

En face, M. Ouahbi est animé par des considérations autres, lui qui a fourni tant d’efforts pour blanchir le PAM de son passé et l’absoudre de ses erreurs, y compris son péché originel, celui de sa genèse. Le parti a continué néanmoins de pâtir de l’ostracisme, non seulement de ses pairs, mais également des décideurs, malgré les efforts déployés pour les convaincre que le PAM était toujours opérationnel pour peu que l’on corrige les dysfonctionnements de sa direction et que l’on réajuste sa ligne politiques.

Dans sa teneur, le communiqué conjoint a manifestement tenté de clouer au pilori le phénomène de la prépondérance de l’argent électoral, en ciblant la collusion supposée entre l’administration territoriale et le RNI. Mais dans le fond, il n’a fait qu’apporter de l’eau au moulin du PAM, sans que le PJD n’en réalise le moindre avantage. Et pour cause, le texte a signé la fin de la rupture avec le PAM et les raisons qui la sous-tendent, le PJD n’ayant désormais plus aucun problème avec le péché originel de son rival d’antan. Mieux, le communiqué a donné au PAM plus que ce dont il a rêvé, en le disculpant de l’usage de l’argent électoral, sachant que la composition sociologique de ce parti, revendiquée par son secrétaire général, s’appuie essentiellement sur les notables qui ne reculent pourtant pas devant l’usage de l’argent, et non pas sur une base sociale acquise à sa cause ou à son programme. En revanche, le PJD est sorti de cette rencontre avec davantage de déchirements internes, du fait qu’il n’a pas pu élaborer une orientation majoritaire dans ce sens, privilégiant en lieu et place les amitiés mutuelles plutôt que la logique politique et ses exigences, suscitant du même coup une vaste campagne de critiques en interne de la teneur et du timing de cette initiative contestée.

De larges pans au sein du PJD considèrent que la ligne politique du PAM n’a pas changé d’un iota, qu’il a été à l’avant-garde des partis ayant voté pour le quotient électoral, et qu’il ne compte à son actif aucune position fiable de nature à faire avancer la démocratie et la réforme du pays. Selon les tenants de cette thèse, Saad Dine El Otmani serait en train de prendre des vessies pour des lanternes s’il espère faire profiter le PJD d’un acquis éventuel par le truchement d’un rapprochement avec le PAM ou d’une alliance pré-électorale potentielle en vue de la formation du prochain gouvernement.

On veut pour preuve éloquente de cette déchirure interne la position franchement duale de certains dirigeants du PJD qui, au sein des instances décisionnelles gardent le silence, mais redeviennent prolifiques en s’adressant aux médias pour vilipender «le parti de la déprime» dans une tentative de surfer sur l’humeur général au sein du parti, de crainte de perdre leur crédit auprès des bases.

En définitive, l’on pourrait dire que le PAM est le plus grand gagnant de cette rencontre de concertation pour avoir obtenu un quitus dont il avait grandement besoin en vue de solder son passé et conforter son innocence de toute collusion avec l’autorité, alors que le PJD n’en a gagné que davantage de congestion interne.