Que peut faire le Maroc pour arrêter l’agression israélienne ?

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Un manifestant palestinien lance des fusées éclairantes pendant des heurts avec des soldats israéliens à Hébron, en Cisjordanie, le 14 mai 2021

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Ce serait un leurre et sans doute trompeur de croire que l’on est dans une position confortable avec ce qui se passe aujourd’hui à Al Qods, à Gaza et en Cisjordanie. Les développements en cours indiquent que l’on est plutôt dans une position difficile et plus malaisé encore serait d’être dans l’incapacité réfléchir à une sortie, ou de se retrouver sans alternative.

Ceux qui jusqu’à récemment sous estimaient les implications de la normalisation observent le silence et aucun d’entre eux ne s’aventure à faire des recommandations aux décideurs. Voire que certains d’entre eux ont dangereusement dévié en préférant condamner la résistance palestinienne plutôt que de dénoncer l’occupation.

Ceux qui la veille encore critiquaient la démarche calculée du Maroc sur la voie de la normalisation, se lâchent contre leur pays, le rangeant du côté de ceux qui ont laissé tomber la Palestine. Aujourd’hui, ils surenchérissent sur l’Etat et lui demandent d’honorer ses engagements envers Al Qods, lui réclamant de traduire dans les faits l’engagement du Chef du gouvernement qui a assuré que le Maroc ferait valoir davantage la cause d’Al Qods avec la normalisation.

La situation est extrêmement difficile, non pas uniquement parce que le Maroc s’est engagé à défendre les droits légitimes des Palestiniens, mais aussi en raison de la position sensible du Maroc vis-à-vis de la Ville Sainte. Le Maroc qui préside le Comité Al Qods est contesté par des adversaires qui tentent par tous les moyens déloyaux de démontrer qu’il n’est pas «qualifié pour défendre la cause du troisième lieu saint de l’Islam».

S’attendre à ce que le Maroc se désengage de l’accord tripartite serait une considération utopique qui cherche seulement à instrumentaliser l’émotion.  Elle ne sied pas à un Etat capable d’en apprécier les conséquences. A l’inverse, ne pas tenir compte des développements en cours en persévérant sur la voie de la normalisation équivaudrait à un suicide politique dont nul ne peut prévoir les dangers à long terme.

La rationalité exige un gel des actes de normalisation à tous les niveaux en attendant que la situation s’éclaircisse. Et il serait peut-être utile, au-delà des développements en cours, de revoir le compte pertes et profits dans cette affaire, au lieu de céder au chantage d’un éventuel réexamen de la reconnaissance par Washington de la souveraineté du Maroc sur son Sahara, ou aux recommandations de certaines parties marocaines de se livrer corps et âme aux bras du lobby sioniste pour amener l’administration américaine à mettre en œuvre ses engagements envers le Maroc.

Rien ne justifie la précipitation du Maroc dans la consolidation de la normalisation alors même que ses acquis font du surplace. La situation est telle que le moment est propice pour temporiser et procéder à la redéfinition de l’intérêt national.

Jusqu’ici, la position marocaine a connu une évolution importante. De la présence hâtive du ministre des Affaires étrangères à l’AIPAC, en passant par le communiqué du ministère des AE, de l’allocution du délégué du Maroc à la Ligue arabe au discours du ministre des AE à la réunion des ministres arabes des Affaires étrangères, on a assisté une progression notable sur la voie d’une révision des erreurs commises. Mais la position du Maroc de par son rapport à la question d’Al Qods rend cette dynamique limitée, et encourage certaines parties à surenchérir sur le Maroc, au point que son action peut paraître en-deçà de sa stature et de la nature de sa relation à la Palestine et à la Ville Sainte.

La lecture de la situation sur le terrain et du discours des belligérants palestiniens et israéliens révèle que les règles d’engagement ont changé et que les deux parties cherchent un cessez-le-feu. La partie israélienne en a probablement le plus besoin au vu des performances de la résistance palestinienne, en dépit de ses divisions internes, et de la menace sécuritaire qui pèse sur Israël. 

Il est vrai qu’il existe déjà des initiatives diplomatiques intenses et que l’Egypte, qui n’a pas cessé de jouer un rôle dans cette affaire, dispose d’une expertise de médiation entre les deux parties bien plus avancée peut-être que l’expertise marocaine. Mais rien n’empêche le Maroc de prendre l’initiative, dans les jours et les semaines qui viennent, pour convaincre les deux parties de la nécessité d’une longue trêve. Pour mener une médiation fructueuse, Rabat pourrait capitaliser, d’une part, sur les bonnes relations des dirigeants du PJD qui dirige le gouvernement avec le Hamas, sachant que les dirigeants de ce derniers ont toujours eu accès au Maroc, et d’autre part, sur les rapports entre l’Etat et Israël, particulièrement avec les juifs marocains qui occupent des postes clés dans la hiérarchie de l’Etat hébreu.

Le Maroc ne devrait pas se limiter à la retenue et à la neutralité diplomatique en se contentant de contribuer à la dynamique diplomatique arabe commune, quand bien même cet effort est nécessaire. Ce qui est davantage requis c’est que le Maroc joue un rôle majeur dans l’arrêt du conflit et la réalisation d’une trêve à long terme entre les deux parties, sur la base de la sécurité contre le respect des droits palestiniens et de la préservation du caractère historique d’Al Qods.

Il serait ainsi plus approprié probablement de convoquer une réunion du Comité Al Qods qui viendrait couronner le rôle attendu de la diplomatie marocaine. Pareille action ferait sortir le Maroc de  l’embarras et rendrait sa position plus cohérente, tout en faisant valoir son rôle auprès de Washington, de sorte à fructifier son actif pour le mettre au profit de la défense de ses intérêts vitaux au Sahara.

 

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