Tribune : Main royale – Par Fouad SOUIBA

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Khawa khawa (nous sommes frères) un vœu pieu des enfants d’aujourd’hui comme le fut le grand maghreb uni pour leurs grands et arrières grands-parents ?

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Encore une fois, le roi du Maroc tend une main fraternelle très généreuse à l’Algérie. Et encore une fois le régime en place à Alger faillit. Au fond, qui s’attendait vraiment à ce qu’un régime aussi récalcitrant et hésitant fasse mieux que de se défaire de ses responsabilités envers le futur Maghréb. Personne ou presque, si on exclut les plus optimistes, tellement ce régime nous a habitués depuis l’indépendance de l’Algérie à des voltefaces spectaculaires.

Le discours du Trône et la main royale tendue remettent à la surface l’appel de feu Hassan II : « La patrie est clémente et miséricordieuse », adressé, en 1989, aux sahraouis égarés et dont 8000 personnes et non des moindres rejoignent dans la foulée la mère-patrie, avant que d’autres ne suivent plus tard.  Nul ne pouvait imaginer naguère un tel afflux des Sahraouis désireux de retourner embrasser la terre de leurs ancêtres et de s’y installer. Seule la clairvoyance d’un roi pouvait entrevoir un aussi massif engouement des ex égarés. 

En cette troisième décennie du nouveau millénaire peut-on imaginer un scénario aussi optimiste, ou disons-le, un scénario-surprise, de la part des dirigeants algériens malgré la légèreté avec laquelle ils se saisissent de l’opportunité qui leur est offerte sur un plateau en argent par le roi du Maroc ?

Ce terrain largement déblayé par les dirigeants marocains nous donne accès à des éléments de réflexion sur ce qui pourrait advenir de l’appel du roi Mohammed VI aux Algériens, et à leur tête, le président en personne, en vue de la réouverture des frontières et l’examen sans conditions des questions qui concernent les deux pays. 

Rappelons-nous que l’appel du regretté Hassan II : « La patrie est clémente est miséricordieuse » a écarté de la voie la confusion qu’installait le spectre de la défiance, et a redonné confiance aux notabilités sahraouies, actives à Tindouf naguère, afin de tourner la page et de rentrer à la maison pour écrire une nouvelle page de l’Histoire. 

Est-ce à dire que la nomenklatura algérienne, cernée et acculée au pied du mur à cause de sa défaillance criarde, serait à même de changer de fusil d’épaule et d’opter pour un scénario moins morbide et insipide que celui dont il révèle  chaque jour les épisodes les plus cruels ? Si tel est son credo, il serait bon de s’inspirer de la proposition d’ouverture proposée par le Maroc, seule option susceptible de la préserver de sa descente en enfer.

A l’évidence, le code de la boîte noire de la sphère gouvernante à Alger serait un puzzle, que nul ne pourrait déchiffrer. Le déchiffrer reviendrait à s’emparer de son ADN, ce qui serait outrageusement présomptueux et relèverait de la voyance de Mme Soleil beaucoup plus que des sciences exactes. 

En revanche, il faudrait ramener les facteurs d’analyse et autres éléments d’actualité si contradictoires par rapport à la situation qui prévaut en Algérie pour laisser la place à la réflexion sur l’éventualité de la reprise du dialogue bilatéral ou la possibilité d’envisager quelque forme que ce soit de réchauffement des relations. Or, après tout ce qui a fusé au lendemain du discours du Trône, y compris par la voie d’Abdelmadjid Tebboune, le président algérien, on serait tenté de croire à un cas de psychiatrie, à la lourde charge de prise en charge ! Car, le discours émis par le voisin de l’Est est tout sauf amical, au contraire il alerte sur une incompétence inédite dans les annales.

Et pourtant, politiquement, socialement et économiquement, l’Algérie souffre, sa population crie son ras-le-bol, le Hirak bat son plein, et la gestion de la pandémie est si catastrophique qu’elle fait des ravages dévastateurs, et amplifie la crise. Est-ce que les dirigeants en place n’écoutent pas, ne voient pas, ne raisonnent pas ? Est-ce qu’ils ne pensent pas qu’une ouverture sur un voisin de taille ne peut être le début d’un processus qui donnerait matière à croire ? Imaginons que les frontières étaient ouvertes, qu’aurait fait le Maroc en cette période anxiogène où ce pays s’expose à un fléau interminable de catastrophes : pénurie de l’eau et de l’oxygène, incendies criminels, montée de la grogne populaire…

A moins qu’ils soient suicidaires et s’accrochent encore à de vieilles rengaines, comme la lutte des idéologies qui prévalait à l’époque de la guerre froide, le monde a changé et le discours de victimisation d’hier ne tient plus aujourd’hui. Les peuples ont grandi, digéré les contradictions et avancent beaucoup plus vite !

Donc, tout cela a changé et le monde entier voit que l’Algérie a touché le fond et qu’il n’a plus le droit d’incriminer l’ennemi juré pour justifier ses éternels déboires internes. 

La faillite des militaires aux affaires depuis l’avènement de l’indépendance est un fait. Ils en sont à leur fin de vie politique, puisqu’ils ne sont plus productifs ni d’idées innovatrices ni de projets structurants pour un pays à la dérive. Ils en sont à gratter les ultimes hectolitres de carburants gisant encore dans les fonds des puits avant de sécher définitivement, et on donne comme date butoir l’année 2028, avant que l’Algérie ne cesse toute production de gaz et 2035 pour arrêt de toute exploitation d’hydrocarbures. 

Que prévoient donc ces dirigeants, en instance de survie, en prévision de cette cessation de production de l’or noir ? En tout cas, beaucoup y voient une catastrophe. Pourquoi ! L’Algérie est en pénurie continuelle en tout produit de première nécessité alors même que la manne pétrolière continue de sauver ce qui peut l’être. Si maintenant l’Algérie est obligée d’abandonner cette option d’exploitation des hydrocarbures, que ferait-t-elle de mieux, quels scenarios s’imaginerait-elle, en vue de gérer les aléas de l’après pétrole ? Ne serait-il peut-être pas venu le temps d’apaiser, de relativiser, de revoir ses ambitions et de réajuster ses objectifs ? Et puis jusqu’à quand ce pays se limiterait-il à consommer les produits importés sans une once d’investissement dans une production variée, génératrice d’emplois et de revenus en dehors du pétrole ? 

Ne verrait-on pas d’un bon œil ce que pourrait apporter d’avantageux un repositionnement de l’Algérie, si toutefois elle abandonne son entêtement et son obstination à vouloir s’accrocher coûte que coûte à des mirages qui n’ont plus lieu d’être ?

Le rêve est permis, mais y a-t-il autre horizon que celui maghrébin ?

La main tendue du roi du Maroc est pour ainsi dire beaucoup plus qu’une bouée de sauvetage, c’est un cadeau du ciel, un matelas de confiance, un sacerdoce en faveur de l’Algérie !

Pas moins de quinze minutes du Discours du Trône sont consacrées par le roi à la question de la réconciliation.

L'appel royal du 31 juillet 2021 survient après une série d’autres appels, rappelons-nous, de 2019, 2018, 2008 et 2005, et il y en a d’autres à commencer par la création de l’UMA en 1989 à Marrakech. C’est d'abord un appel à l'apaisement et à l’abandon de la crise de ces dernières années et surtout ces mois récents marqués par un climat politique irrespirable et un discours médiatique indigeste à la suite de la confrontation qui a eu lieu dans les instances internationales ou alors sur la toile entre les particuliers.

Le discours du roi recèle aussi le besoin impérieux des peuples à se retrouver, ainsi que l'importance stratégique des relations marocco-algériennes. L'Algérie ne doit craindre aucune animosité marocaine, puisque la sécurité et la stabilité du Maroc sont proportionnelles à celle de l'Algérie et ce qui la touche affecte singulièrement le Maroc, lit-on, en substance, dans le discours du Souverain.

Il y a sûrement des sages dans la nomenklatura pour arrêter l’hémorragie. Nul n’entend assister à une hécatombe dans le Grand Maghreb !

J’ai en fin aussi humé dans le discours royal du 31 juillet un parfum de : « Le Maghreb est clément et miséricordieux ».  Surtout que cette invite émise par le Maroc survient alors que le Maroc n’a jamais été aussi confiant dans sa démarche pour le progrès. 

N’est-il pas venu le temps de la réconciliation et des retrouvailles de tous les Maghrébins ?

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