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Trump et la souveraineté marocaine sur le Sahara : d'un engagement américain à un modus operandi international – Par Abdelhamid Jmahri

Le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita,,mardi 8 avril à Washington, lors de l’entretien avec Mike Waltz Conseiller à la sécurité nationale du président des Etats-Unis d’Amérique, Donald Trump.
La récente visite du ministre marocain des Affaires étrangères à Washington marque un tournant : les États-Unis ne se contentent plus de réaffirmer leur soutien au plan d’autonomie, ils en font désormais une feuille de route internationale. Une évolution majeure qui confirme un alignement stratégique croissant autour du Maroc. L’analyse de Abdelhamid Jmahri
L'administration américaine actuelle ne s'est pas limitée à renouveler sa position historique reconnaissant la souveraineté du Maroc sur son Sahara, elle est allée plus loin en franchissant une étape nouvelle et délibérée, à l'occasion de la visite du ministre marocain des Affaires étrangères à Washington. Elle a ainsi transformé cette position d'un engagement unilatéral des États-Unis – en tant que puissance mondiale et "porte-plume" sur le dossier de l'intégrité territoriale du Maroc – en un engagement opérationnel, matérialisé par une feuille de route internationale visant à amener la communauté internationale à l’adopter.
Les composantes de ce plan d’action reposent sur trois axes fondamentaux, mentionnés dans le communiqué du Département d'État américain :
1. La reconnaissance de l’autonomie comme seul cadre de négociation pour une solution acceptable par les parties, et l’appel à leur engagement dans des discussions sur cette base.
On peut considérer que cette démarche américaine ne s’est pas arrêtée à l’engagement initial, fruit de la conviction de l’administration Trump. En réalité, le renouvellement de cette reconnaissance – bien qu’important en soi et clarifiant toute ambiguïté née sous la présidence de Joe Biden – n’est plus l’événement principal. Le véritable événement réside dans la conviction de l’État "porte-plume" que l’autonomie est le seul cadre de négociation valable entre les parties concernées par le dossier.
Cela signifie que les États-Unis écartent désormais toute autre base de règlement, notamment la référence au référendum, idée longtemps ancrée dans l'esprit des séparatistes et de leurs soutiens depuis 1991. Le nouveau positionnement remet même en question tout ce qui a précédé le plan marocain de 2007, y compris les résolutions de référence antérieures à 1991 invoquées par les parties hostiles.
Ce tournant pose également la question du maintien ou de la dissolution de la MINURSO, dont la mission appartient à une époque antérieure à 2007. Il est certain que cette nouvelle conviction américaine se reflètera dans chaque ligne rédigée par les États-Unis dans les résolutions à venir du Conseil de sécurité et d'autres organes onusiens.
Sans doute, les capitales internationales capteront le message de Washington, et de nombreux scénarios de solution s’en dégageront. Cette volonté américaine de traduire sa position sur le plan international pourrait rebattre les cartes géopolitiques régionales, avec des signaux qui émergeront à l’avenir.
Quant aux positions des parties adverses, elles peuvent bien continuer à s’opposer autant qu’elles le souhaitent, cela ne freinera pas la dynamique d’une volonté internationale, qui se réclame du droit et de la légitimité, mais finira par s’aligner sur les choix définitifs de la communauté internationale.
2. L’introduction d’un échéancier précis, résumé dans la formule "sans délai".
Cette expression reflète la conviction que ce dossier a suffisamment duré, et qu’il n’est plus possible pour les parties d’en retarder indéfiniment le règlement. Ce sentiment américain s’appuie aussi sur un climat international clair, comme en témoigne la récente déclaration du ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, sur la radio Radio Cable, où il a affirmé : "Certains veulent figer le dossier du Sahara pendant cent ans. Madrid n’attendra pas un siècle de plus pour satisfaire ceux qui se cachent derrière des slogans vides."
L’appel à une résolution rapide avec un délai raisonnable, de la part de puissances comme Washington, Madrid ou Paris, concerne également le mandat de la MINURSO, dont l’action reste en grande partie conditionnée par la position américaine et le financement nécessaire à son fonctionnement. Si les convictions et les contextes changent, ce serait une raison supplémentaire pour mettre fin à la MINURSO dans son ensemble.
3. Le troisième axe du changement dans l'engagement américain est sa volonté de "faciliter les progrès vers cet objectif".
Il s'agit aujourd’hui de l’un des points les plus marquants de la diplomatie américaine visible dans plusieurs dossiers internationaux, comme en Ukraine. Les États-Unis éviteront toute contradiction, notamment en rédigeant des résolutions incompatibles avec leur propre position, et veilleront à ce que leur nouvelle orientation soit **relayée auprès des parties influentes dans les prises de décisions internationales :
- D’abord au Conseil de sécurité et à l’ONU,
- Ensuite auprès du groupe des « amis du Sahara »,
- Enfin auprès des acteurs régionaux directs.
Cela rejoint d’ailleurs la position officielle de la France, exprimée sans ambiguïté dans sa reconnaissance de la souveraineté marocaine. Rappelons que dans la lettre envoyée par Emmanuel Macron au Roi Mohammed VI, il est écrit que la ‘’France entend agir en cohérence avec cette position, aux niveaux national et international".
Tout cela nourrira la conviction au sein du Conseil de sécurité qu’il est temps de clore le dossier, dans un contexte où un consensus international se construit progressivement, au bénéfice du Maroc, conformément à la stratégie qu’il défend depuis le début.
Peut-être cela nous épargnera-t-il les débats internes qui traversent l’opinion publique marocaine sur la gestion de ce dossier, comme ceux réclamant son retrait de la 4e commission et la fin de la MINURSO, alors que la priorité reste de maintenir la question exclusivement dans le giron des Nations unies.
En conclusion, c’est ce nouvel horizon, dont les contours se dessinent de plus en plus clairement, qui donne sens à la déclaration du Roi du Maroc affirmant que "la vérité a triomphé du mensonge et que la vérité est au-dessus de tout" (الحق قد طرد الباطل وأن الحق لا يعلي عليه.), maintenant que le monde a rejoint le Maroc dans sa cause.