Une femme a accouché dans la rue, et après ?

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Inversement des rôles : Au lieu que ce soit le positivement-agir qui place la pensée négativiste au ban de la société, ce sont les porteurs de celle-ci qui installent toute idée constructive au banc des accusés. 

Une femme a accouché dans la rue après que l’agent de sécurité lui a refusé l’accès à la maternité de Fès. La vidéo qui témoigne de cette non-assistance à personne en train de donner la vie au risque probable mais non inéluctable qu’elle-même la paye de la sienne, devient virale et enflamme la toile toujours prompte à s’emballer. 

Les spécialistes et autres experts qui agissent sous différents acronymes s’emparent de l’affaire, ils auraient tort de ne pas le faire et feraient preuve d’un manque de professionnalisme disqualifiant s’ils ne l’avaient pas fait. Une femme qui accouche devant une maternité publique à laquelle on lui a refusé l’accès, ce n’est pas tous les jours qu’on voit ça. Heureusement. Et pourtant. J’y reviendrai.

Les spécialistes et autres experts etc. s’emparent donc de l’affaire et en font comme à leur habitude un cheval de bataille. Contre la santé au Maroc. Contre le gouvernement incompétent de Saâdeddine El Othmani. Contre le Makhzen qui les englobe. Contre le caïd du coin, l’agent de sécurité et le tout fraichement ministre de la santé parce que, hasard heureux du calendrier, il se trouve que précisément et jusqu’à récente date, il a été le patron du CHU de la capitale spirituelle de la ville. Pareille conjonction astrale de malchance, même dans les mauvais films ne se retrouve pas. N’échappe à la sollicitude des réseaux sociaux et des radios privées, qui ont débattu avec le public en largeur et en profondeur du sujet, que le mari de la femme qui a accouché dans la rue devant l’hopital etc. Nulle part je n’ai trouvé sa trace.

J’apprends, au détour d’une information, que la femme qui a accouché est originaire de Séfrou et il se trouve que je suis natif de la ville de Miss Cerises et autant que je me souvienne je ne crois pas être venu au monde dans une maternité, ou même dans la rue devant un hopital d’obstétrique. Ma mère, pour expliquer mon agitation, disait que j’ai failli lui glisser dans son saroual alors qu’elle était pliée sur un baquet en bois à faire la lessive de ceux des miens qui m’ont précédé dans ce monde. C’était la seule fois où je n’ai pas fait souffrir ma mère. 

De l’accouchement à la stérile dialectique

Fixez bien cette image : A cette époque les femmes accouchaient chez elles avec l’aide d’une accoucheuse qui a appris son métier sur le tas et quand elles n’accouchaient pas chez-elles, c’est sur la route au cours d’un transport à dos d’âne d’un hameau à un autre. Vous avez bien fixé cette image, retenez qu’elle n’est pas énormément différente de celle d’aujourd’hui, notamment en milieu péri-urbain et rural. 

Apparemment, au quotidien, quand ça ne se passe pas devant un hopital, quand il n’y a pas un portable pour fixer pour la postérité l’heureux évènement, ça n’émeut pas grand monde et ça ne dérange personne.

La mobilisation de tous les jours que nécessite cette situation se dilue à peu de frais dans l’irresponsabilité collective par le biais de l’émotion de l’instant, de l’image qui choque avant de passer à autre chose, du buzz qui fait jaser dans une stérile dialectique web-café du commerce. 

Le problème de la santé au Maroc qui se pose urgemment aux cotés de celui de l’éducation, le Roi Mohammed VI en a fait le diagnostic pour insuffler une prise en charge en commun des problèmes en attendant que les solutions pérennes se mettent ne place et produisent leurs effets. Ce qui demande du temps.

Et tout se passe comme si les citoyens à l’échelle individuelle et collective (corps enseignants et corps médical, tissu associatif et société civile, entreprises et bienfaiteurs, sans parler du gouvernement et de son administration) se sont inscrits aux abonnés absents faisant de l’imputation de la responsabilité uniquement à l’autre un sport national. Et de l’indifférence quand il s’agit d’action, une vertu. 

On assiste alors curieusement à un inversement des rôles : Au lieu que ce soit le positivement agir qui place la pensée négativiste au ban de la société, ce sont les porteurs de celle-ci qui installent toute idée constructive au banc des accusés.