ANTHOLOGIE ERRATIQUE DE KHALIL HACHIMI IDRISSI* - Par Noureddine Bousfiha

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Khalil Hachimi lors de la signature de son recueil au Salon international de l'édition et du livre (SIEL 2022)

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Khalil Hachimi Idrissi nous a donné en 2012, Subterfuges ou les détours des rimes rebelles aux Éditions Zanzibar, suivi d’un autre en 2017 publié par les soins des Éditions La Croisée des chemins : La foi n’est convoquée que les jours de fête. Des recueils de poèmes harmonieux où les brillantes qualités de l’auteur ne sauraient prêter à contestation. Il vient de faire paraître aux Éditions Virgule Anthologie erratique dont l’importance nous paraît digne d’intérêt. Le recueil se compose de trois volets: le premier a pour titre « Anthologie erratique », le second, « l’intuition et la preuve », le troisième, « La foi n’est convoquée que les jours de fête ». Le tout est organisé en un ensemble ordonné qui n’exclut ni l’émotion ni la sensibilité.

Voilà un recueil honnêtement élaboré où l’espérance et la foi se mêlent. L’histoire littéraire marocaine seule ne saurait expliquer une prédilection si affirmée de ce poète qui nous mène dans ce récent ouvrage au cœur de l’homme, par des voies connues et d’autres moins connues pour ne pas dire scabreuses. On s’égarera presque si l’on croyait nous tenir qu’à cela. C’est dans les arcanes mêmes de sa poésie que Khalil Hachimi Idrissi s’est donné pour tâche de découvrir les affinités des choses dans une poésie qui a sa source dans la subjectivité. Là est la gageure, il faut en convenir. On dira que chez lui certains thèmes sont clairs. D’autres sont traversés par des vibrations infiniment subtiles quand elles échappent au vertige du doute.
Peu à peu, le poète s’avance au centre de ses propres préoccupations avec l’ambition de réduire le mystère qui les entoure. Il finira à la fin par résoudre sa propre énigme. Or le charme de cette « anthologie erratique » ne tient pas seulement à ses sujets. Elle possède un style, une écriture chargée de signes dont les uns sont baroques, les autres précieux. Rien ne nous est indifférent dans ces stances données tantôt avec des rimes serrées et riches, tantôt libres avec des armes que roulerait un ressac sûr de sa coulée. Chez Khalil Hachimi Idrissi, même les ombres respirent aussi bien dans la misère que dans la grandeur. Il nous ouvre les portes de sa crypte intérieure. Et c’est dans une absence de vanité qu’il s’adresse à nous avec une certaine force pour avoir envie de s’y reconnaître. Le poète s’avance jusqu’à proximité de son âme, il raconte ce qu’il a de plus secret que la pensée, de plus intime que la passion. Le lecteur n’a qu’à goûter pleinement cette œuvre profonde, vivante, et tant mieux pour celui qui sait tirer de cela une sagesse. S’y dégage de cette âme parfois des vers farouches qui s’attaquent à la gloire des hommes et en donnent au recueil une espèce de clarté d’orage. Le poète tire des profondeurs de cette âme les causes les plus cachées, les moins visitées de la lumière du Seigneur. Il répond au temps, au factuel, à la contingence. On sent frémir chez lui tous les instincts, tous les désirs qui mènent vers la lumière. Ce qui frappe et ce que suggère admirablement ce recueil, c’est comme une volonté d’aller au-delà de cette lumière et d’atteindre l’absolu. Ce qui retient encore, c’est ce regard fasciné cherchant à découvrir ce qui console et guérit du néant cosmique. Le poète montre en même temps ce que cette plongée dans l’âme a d’irremplaçable et d’irréductible, voire d’unique, une âme Pour qui témoigne à la fois de « l’existence absolue de l’homme et de son impossibilité absolue. » (Sartre) Les équivoques glissantes ont été levées. Voilà pourquoi, certains sujets n’ont pas été freinés par inhibition ou exacerbés par excitation. Cela n’a rien avoir avec une mise au rancart du tabou, de ce qui fâche ou choque. Tout nous ramène à l’exacte mesure de ce qu’on pourrait penser de la fausse croyance, de la foi, de l’amour, des désirs étouffés, de l’impudeur, du péché où Satan reconnaît son œuvre :
«  Balivernes! l’enfer est gros d’amours impossibles
Le paradis, aussi, ploie sous les passions indicibles
La terre, elle, se morfond d’éternels empêchements
La passion des amoureux s’éteint doucement » (p.55)
Que reste alors à l’homme, sinon le tournoiement silencieux des rêves ?Bien d’autres stations lui sont ouvertes, un peu troubles, impudiques et précaires comme l’est la vie.
Les poèmes de cet ensemble sont rythmés, et le poète réussit à éviter les vers cinglants et durs. Il nous les confie dans un frémissement élégant de pureté, le plus chargé d’espérance. Qu’il nous soit permis d’insister sur le caractère leste de la plume, erratique soit-elle. Celle-ci jaillit, reconstitue avec la ferveur la plus nettement persuasive en mettant en valeur ses innovations poétiques, donnant par ricochet de sa présence achevée. Comme le dit dans son avant-texte Kebir Mustapha Ammi, cette poésie est d’abord « un questionnement pour débusquer l’incontournable trace qui conduit à la lumière. » Le poète La lutte est longue, et le poète s’évertue à trouver cette lumière pour enfin tirer le lourd rideau sur sa nuit interminable.
Nous ne pouvons que recommander ce recueil n’ayant rien qui lui ressemble dans la poésie marocaine. 

Khalil Hachimi Idrissi, Avant-texte de Mustapha Kebir Ammi, Anthologie erratique, Tanger, Virgule Éditions, 2022, 157 p. 90 dhs.

*Publié dans La Vérité n° 908 du 8 au 14 juillet 2022

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