Culture
Chronique ''Cinéma, mon amour !'' de Driss Chouika - CES MALEDICTIONS QUI CONTINUENT A SAINGNER A BLANC LE CINEMA NATIONAL !
Pour avoir une idée sur l’état des lieux de la production cinématographique, il suffit de citer et rappeler les faits négatifs les plus marquants de ces derniers mois
J’avais conclu le N° 5 de cette chronique du 20.05.2022 ainsi : « Aujourd’hui, les choses sont de plus en plus claires, et la situation du cinéma national se dégrade à vue d’oeil. La profession a besoin de renouveau et le secteur exige une refonte réglementaire et humaine de l’ensemble de ses structures. Il en va de l’avenir de notre cinématographie nationale ».
Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et la situation du cinéma national empire à une allure vertigineuse. A un certain moment, les professionnels ont apercu une lueur d’espoir, une éclaircie qui a semblé illuminer le ciel du secteur avec l’arrivée d’un jeune ministre dynamique ayant alimenté cet espoir de renouveau, notamment par le retour à une gestion participative, plus saine et plus démocratique, du Centre Cinématographique Marocain en collaboration avec les organisations professionnelles du secteur, producteurs, auteurs, techniciens et autres cinéphiles. Malheureusement, cet éclaircie a vite été assombrie par toute une série de “malédictions“ qui continuent à s’abattre sur le cinéma national, le saignant à blanc.
Pour en avoir une idée, il suffit de citer et rappeler les faits négatifs les plus marquants de ces derniers mois :
1 – Le 22ème Festival National du Film aura été le plus négatif dans toute l’histoire du cinéma national. Ayant commencé par la suppression de la sélection qui a beaucoup affecté la qualité de la programmation, le malaise s’est dramatiquement terminé par le palmarès le plus contesté dans l’histoire de ce festival qui a été marqué par le retrait de deux membres du jury Longs Métrages qui ont refusé de cautionner ce palmarès et notamment l’attribution du Grand Prix au “film par qui le scandale est arrivé“, “Zanka contact“, qui a d’ailleurs fini par être renié par le CCM qui a retiré la carte professionnelle à son réalisateur et l’agrément à la société de production. Finalement, l’incident a contribué à l’accentuation du malaise que vit le secteur depuis presque neuf années suite à la marginalisation des professionnels et l’exclusion de leurs organisations de toute participation à la gestion des affaires du secteur comme cela a été toujours le cas selon l’usage et la réglementation en vigueur...
2 – La 6ème édition du Festival du Film Documentaire sur l’Histoire, la Culture et l’Espace Sahraoui Hassani qui a été suspendu avant terme suite au grave incident socio-politique créé par la projection d’un film qui a remis en question l’honneur filial de la descendance du Grand Cheikh des R’guibat, l’une des plus grandes tribus du Sahara Marocain, My Ahmed R’guibi ! Une fois encore, le CCM a renié ledit film et son équipe encourt également des sanctions administratives, et même pénales, suite à une enquête ouverte par le Ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication ainsi qu’une action en justice annoncée par une partie civile.
3 – La composition des Commissions de l’Avance sur Recettes depuis 2015/2016 pose le problème de la compétence, l’intégrité et la rationalité de ses membres. En effet, des soupçons de multiples irrégularités et pratiques illicites ont entaché les décisions de ces commissions.
4 – La gestion chaotique du Centre Cinématographique Marocain durant l’exercice de son ex-directeue SFF, pour ne pas le nommer, qui a opté pour une politique de “deux poids deux mesures“, ouvertement basée sur le copinage, le clientélisme et la corruption. Il a été notamment juge et partie, privilégiant ses propres sociétés de production, de prestation de services et de location de matériel, se faisant nommer illégalement, et en un conflit d’intérêt flagrant, comme président de la Commission de Soutien aux Productions Etrangères !
5 – Puis dernièrement a éclaté un problème sans précédent : le CCM a suspendu le tournage d’un film de la Réalisatrice Narjiss Nejjar, directrice de la Cinémathèque Nationale, “Les enfants de la nouvelle terre“, dont la production devait être assurée par la société Evil Doghouse Casablanca, qui a bénéficié en 2020 d’une Avance sur Recettes de 3.700.000 dirhams, en coproduction avec une société norvégienne. La direction du CCM a signifié au producteur que la suspension de l’autorisation de tournage fait suite au désistement de la réalisatrice daté le 19 décembre 2022, quelques jours avant le début du tournage, initialement prévu du 26 décembre 2022 au 28 février 2023. Le producteur assure pour sa part qu’il n’a reçu aucne notification écrite de ladite décision de suspension, ni aucune copie du désistement de la réalisatrice. Il affirme disposer de preuves qu’il a respecté tous les engagements stipulés par le contrat qui le lie à la scénariste et réalisatrice du film. Un dossier contenant lesdites preuves aurait été envoyé à la direction du CCM. Ces preuves concernent, entre autres, le versement à la scénariste/réalisatrice, en plusieurs tranches depuis le lancement du projet jusqu’à ce jour, de la somme de 2.500.000 dhs, dont l’équivalent de 1.700.000 dhs en euros versés dans un compte en France par le coproducteur norvégien et 800.000 dhs versés dans un compte marocain par la société de production marocaine Evil Doghouse Casablanca.
Logiquement, et selon la pratique courante, ce genre de différend doit trouver une solution concertée entre le réalisateur et le producteur, avec notamment un arbitrage du Centre Cinématographique Marocain. Malheureusement ce dénouement dramatique vient assombrir un peu plus le ciel du cinéma national. Des sources affirment que le co-producteur norvégien aurait intenté une action en justice contre la société de production marocaine, qui s’apprete à son tour d’intenter une action en justice contre la scénariste/réalisatrice et le CCM pour réparation des préjudices moral et matériel subis. On avance même que la société de production Evil Doghouse Casablanca serait en cours de liquider ses avoirs et son matériel, d’une valeur de plus de 30 millions de dhs, et de licencier ses employés, suite aux lourdes pertes subies !
6 – Enfin, la décision de la direction du CCM de décharger Mr Tariq Khalami, Chef de la Division de la Promotion et de la Coopération, de sa fonction, lui qui est reconnu par les professionnels depuis des années pour sa compétence et son intégrité exemplaires, vient s’ajouter à cette série de malédictions qui s’abat sur le cinéma national, alimentant cette interminable polémique qui complique encore plus sa situation déjà désastreuse sur tous les plans.
Espérons que la nouvelle de l’imminente annonce de l’appel à candidature pour la nomination d’un nouveau directeur, réellement responsable, du Centre Cinématographique Marocain sera le point de départ d’une réelle politique d’assainissement du secteur qui doit occuper une place de choix dans le développement de notre culture nationale dans toute sa diversité. Que ferons-nous sans l’espoir ? Allah ihad l’bas !