Culture
Cinéma, mon amour ! de Driss Chouika : '' LA DÉCHIRURE '' (THE KILLING FIELDS), UN FILM DÉCHIRANT, POIGNANT ET ÉMOUVANT
Un des documents les plus rationnels et sincères sur les événements sanglants qui ont secoué le Cambodge suite à la prise du pouvoir par les Khmers Rouges en 1975. Quoique l’histoire du film, bouleversante, est construite sur fond de la guerre américano-vietnamienne et son extension au Cambodge, il n’est pas un film de guerre comme assure son réalisateur, mais plutôt un film sur l’amitié et les sentiments humains qu’elle fait naître.
« J'étais plus intéressé par la certitude et par ce qui l'emportait sur tous les autres aspects, à savoir l'amitié. Je me suis dit : J'emmerde toutes les idéologies des deux côtés, parce qu'à leur manière, ils vont tous les deux avoir leurs limites. Ce qui est vraiment important, et ce qui n'a pas de limites, ce sont les sentiments d'un homme pour un autre. Il y a là une vérité que les idéologies enterrent ». Roland Joffé.
Premier long métrage du réalisateur anglais Roland Joffé, sorti en 1984 et devenu rapidement l’un des plus grands succès de l’année, inspiré de la vraie histoire du journaliste américain Sidney Schanberg et son assistant-interprète cambodgien Dith Pran lors de la prise de Phnom Penh par les Khmers Rouges, tiré du livre de Schanberg “The Death and Life of Dith Pran“ (prix Pulitzer du meilleur reportage international en 1976), “La déchirure“ (The Killing Fields) est un film déchirant, comme son titre l’indique, poignant et émouvant, qui tient le spectateur en haleine et finit par laisser au fond de lui des traces indélébiles.
Outre des scores plus qu’honorables aux box-offices aux Etats-Unis, en France et partout dans le monde, il a récolté en 1985 une bonne quantité de prix et récompenses, dont 3 Oscars (meilleur acteur dans un second rôle pour Haing S. Ngor, meilleure photographie pour Chris Menges et meilleur montage pour Jim Clark), le Golden Globe du meilleur acteur dans un second rôle et le BAFTA (British Academy Film & Television Awards) du meilleur film. Il a aussi été classé par le British Film Institute dans la liste des 100 meilleurs films britanniques, comme il a été bien accueilli et apprécié à la fois par la critique, les cinéphiles et le grand public à travers le monde.
Il constitue depuis, l’un des documents les plus rationnels et sincères sur les événements sanglants qui ont secoué le Cambodge suite à la prise du pouvoir par les Khmers Rouges en 1975. Quoique l’histoire du film, bouleversante, est construite sur fond de la guerre américano-vietnamienne et son extension au Cambodge, il n’est pas un film de guerre comme assure son réalisateur, mais plutôt un film sur l’amitié et les sentiments humains qu’elle fait naître. Sidney Schanberg précise également qu’il s’agit bien de « l'histoire d'une guerre et le récit d'une amitié ; la tragédie d'un pays dévasté et l'aventure d'un homme qui lutte pour survivre ». Cette histoire peut-être résumée schématiquement comme suit :
Journaliste au New-York Times, Sidney Schanberg est un des rares reporters à rester au Cambodge après la prise de Phnom Penh par les Khmers Rouges sous la direction de Pol Pot. Lorsque l’ambassade américaine est prise d’assaut, Schanberg réussit à repartir aux Etats-Unis tandis que son interprète cambodgien, Dith Pran, est arrêté et forcé à aller travailler dans les camps de rééducation des Khmers Rouges. Il va alors tout faire pour sortir son ami de l’enfer dans lequel il vit. Mais des terribles images de la destruction du pays et l’épuration ethnique de son peuple, naît l’espoir d’un avenir meilleur.
Joffé précise justement qu’“Il y a quelque chose de beau dans la destruction totale. Ce qui suit est beau et émouvant en raison d’une telle destruction totale. C'est presque comme si tout était nettoyé après cela“. C’est ainsi qu’il a conçu la sublime fin du film, où on voit le journaliste (Sam Waterston) et son interprète (Haing S. Ngor) s'embrassant en larmes, sur fond de la chanson “Imagine“ de John Lennon (Imagine que tous les gens / vivent pour le présent / Sans pays... Plus aucune guerre qui tue... Imagine tous les gens / vivent leur vie en paix...).
UN HUMANISME ÉMOUVANT ET BOULEVERSANT
D’une grande qualité thématique et esthétique, ce premier film de Roland Joffé, classé rapidement comme un chef-d’oeuvre par les critiques et cinéphiles, est effectivement un film qui prend à la gorge par son traitement profondément humaniste, intelligemment construit autour des valeurs d’amitié et d’amour, comme seul rempart contre la barbarie et son aveuglement destructeur. Dans un contexte historique hautement dramatique, celui du Cambodge des Khmers Rouges et leur théorie extrémiste et génocidaire de création d’“hommes nouveaux“, radicalement débarrassés des séquelles nocives du passé par une nouvelle rééducation populaire, le réalisateur a réussi une construction attachante sans trop forcer sur les terribles images du génocide.
Dans la deuxième partie du film, ou l’interprète Pran est en plein milieu du terrible camp de rééducation, avant de réussir à s’en échapper et vivre les affres d’une effroyable odyssée à travers un pays dévasté, jonché par les cadavres d’innocents (la scène ou il tombe dans un trou d’eau et découvre qu’il est entouré de squelettes est particulièrement terrifiante), on est profondément choqué par l'inhumanité du comportement des Khmers Rouges, censés être des révolutionnaires venus libérer le pays, et les atrocités commises par ces soi-disant révolutionnaires. C’est un véritable “voyage au bout de l’enfer“ qu’a accompli Pran, parcourant le pays en ruines pour sauver sa vie.
C’est un film choc qui secoue bien le spectateur, rondement mené sur le plan de la construction dramatique, soutenue par une bande musicale époustouflante, qui exprime à merveille l’inquiétante situation vécue, et une saisissante et convaincante interprétation de Sam Waterston dans le rôle du journaliste Sidney Schanberg et Haing S. Ngor dans celui de l’interprète cambodgien Dith Pran.
Peut-être bien dur pour le jeune public, c’est un film qu’on ne se lasse pas de voir et revoir, bouleversant et d’un réalisme impressionnant.
FILMOGRAPHIE DE ROLAND JOFFÉ (LM)
« La déchirure » (1984) ; « Mission » (1986) ; « Les Maîtres de l’ombre » (1989) ; « La cité de la joie » (1992) ; « Les amants du nouveau monde » (1995) ; « Goodbye lover (1998) ; « Vatel » (2000) ; « Captivity » (2007) ; « Au prix du sang » (2011) ; « You and I » (2011) ; « La prophétie de l'anneau » (2013) ; « Forgiven » (2018).