Culture
Cinéma, mon amour ! de Driss Chouika : MARLON BRANDO, LE COMEDIEN REBELLE QUI CREA UNE MANIERE D’INTERPRETATION BIEN ORIGINALE
Marlon Brando n’a pas été uniquement un grand comédien, mais aussi un fervent défenseur des droits civiques des Amérindiens. Il a fini même par en faire une affaire personnelle, allant jusqu’à refuser de venir recevoir son second Oscar du meilleur acteur, qui a récompensé sa fameuse interprétation du rôle de Corleone dans “Le Parrain“
« Le simple fait d’être une star de cinéma fait que les gens vous accordent des droits particuliers et des privilèges ». Marlon Brando.
Sa façon particulière de parler, ses silences et sa gestuelle très recherchée ont toujours fini par rendre les personnages qu’il joue plus attachants car naturels et bien ancrés dans la vie quotidienne. Oui, Marlon Brando a développé et observé une pratique originale consistant à vivre dans des conditions similaires et bien proches de celles du personnage qu’il doit interpréter, s’imprégnant ainsi de son vécu, ses souvenirs et sa mémoire sensorielle. Il a suivi, dans le cadre de la fameuse école de l’Actors Studio, les cours de formation de Stella Adler et suivi la méthode de Constantin Stanislavski basée sur la nécessité pour l’acteur de se mettre à fond dans la peau de son personnage, avant de développer sa propre façon d’interprétation basée sur l’improvisation et l’approfondissement psychologique du personnage qu’il incarne physiquement et mentalement. C’est ainsi, bien plus que par ses études à l’Actors Studio, qu’il a pu développer sa manière bien particulière de composer un rôle, jouant notamment de son physique athlétique avantageux.
Considéré comme l’un des comédiens les plus atypiques dans l’histoire du cinéma, il a toujours défrayé la chronique par ses comportements imprévisibles et toujours rebelles par rapport à l’ordre établi par Hollywood. Après une solide expérience au théâtre, il avait remporté 02 Theatre World Awards dans les pièces “Truckline“ et “Candida“ (1946), Elia Kazan lui offre justement l’occasion de se faire une place de choix dans le monde du cinéma dans l’adaptation de la pièce “Un tramway nommé Désir“ (1951) de Tennessee Williams. Puis le personnage de Johnny dans “L’équipée sauvage“ (1953) de Laszlo Benedek allait le hisser au rang d’icône de toute “la génération aux jeans et blouson de cuir“, avant que l’autre film d’Elia Kazan, “Sur les quais“, ne le consacre comme l’un des grands en remportant son premier Oscar du meilleur acteur.
Marlon Brando n’a pas été uniquement un grand comédien, mais aussi un fervent défenseur des droits civiques des Amérindiens. Il a fini même par en faire une affaire personnelle, allant jusqu’à refuser de venir recevoir son second Oscar du meilleur acteur, qui a récompensé sa fameuse interprétation du rôle de Corleone dans “Le Parrain“ (1973) de Francis Ford Coppola, envoyant à sa place l’actrice et militante Amérindienne Sacheen Littlefeather qui avait déclaré que Brando renonce à son Oscar à cause du traitement réservé aux Amérindiens dans les films de Hollywood. Cette prise de position avait alors poussé les gardiens du temple de Hollywood à classer définitivement Marlon Brando comme persona non grata à Hollywood. Qu’à cela ne tienne, cette réaction n’a fait que consolider les convictions de Brando, bien convaincu et conscient de l’impact de son jeu et son charisme qui impressionnent tant les professionnels, les cinéphiles et les critiques.
TALENT ET JEU SAISISSANTS
Dans tous ses rôles, Brando ne semble pas “jouer“ des scènes, on a la nette impression qu’il les vit naturellement. Ainsi, ses personnages paraissent plus vrais que nature. Il demeure aussi l’un des grands comédiens qui ont pu et su marquer les esprits par leur physique et une manière intelligente d’utiliser tous ses atouts. Cette méthode scientifique bien étudiée lui a permis de camper des rôles restés légendaires dans des genres bien différents, allant du drame social au western, en passant par la comédie musicale et le film politique (“Queimada“ de Gillo Pontecorvo).
Reconnu déjà comme un grand acteur au théâtre, la reconnaissance de son talent a été encore plus grande dans le domaine du cinéma. Il a reçu le Prix de la Meilleure Interprétation Masculine au Festival de Cannes de 1952 pour son rôle dans “Zapata“ de Elia Kazan et le BAFTA du meilleur acteur, un BAFTA pour “Jules César“ de Joseph L. Mankievicz en 1953, un premier Oscar, un BAFTA et un Golden Globe pour “Sur les quais“ (1954) du même Elia Kazan, puis le fameux “Oscar refusé“ en 1972.
En bref, Marlon Brando aura été l’un des comédiens qui a parfaitement assuré son statut de star unique, voire d'icône populaire, avec des performances d’une qualité majeure. Il suffit de se remémorer ses sublimes interprétations de rôles aussi mythiques que celui de Johnny dans “L’équipée sauvage“, de Stanley Kowalski dans “Un tramway nommé Désir“, de Don Corleone, le patron de la Mafia, dans “Le Parrain“, de Paul dans “Le dernier Tango à Paris“, du colonel Kurtz dans “Apocalypse Now“. Cela est suffisant pour se convaincre que le charisme de ce grand comédien a bien marqué les esprits des cinéphiles à travers le monde.
UNE VIE PROFESSIONNELLE ET FAMILIALE TUMULTUEUSE
Malgré son immense talent, sa forte personnalité, son caractère difficile et ses exigences financières, même pour les petits rôles à présence symbolique comme le cas du rôle du colonel Kurtz dans “Apocalypse Now“, lui ont toujours créé des problèmes, des frictions et des conflits avec les producteurs, les réalisateurs et d’autres comédiens.
Sa vie familiale n’a pas été moins tumultueuse. Il a passé sa vie à se marier, divorcer puis se remarier à nouveau. Il a connu une véritable traversée du désert durant les années 80 pendant lesquelles il n’a tourné aucun film, vivant reclus sur une île. Comble du malheur, sa vie personnelle est totalement chamboulée en 1991 : son fils aîné Christian tue l’amant de sa demi-sœur Cheyenne. Brando a dû alors dépenser sa fortune dans un long procès et a été obligé de recommencer à tourner dans des films pour payer ses dettes. Et ce drame ne va pas s’arrêter là : sa fille Cheyenne a fini par se suicider en 1995, n’ayant pas pu supporter la mort de son bien-aimé.
FILMOGRAPHIE SÉLECTIVE DE MARLON BRANDO (LM)
« C’étaient des hommes » (1950) de Fred Zinnemann ; « Un tramway nommé Désir » (1951) de Elia Kazan ; « Viva Zapata » (1952) ; « L’équipée sauvage » (1953) de Laszlo Benedek ; « Jules César » (1953) de Joseph Mankiewicz ; « Sur les quais » (1954) de Elia Kazan ; « Désirée » (1954) de Henry Koster; « Blanches colombes et vilains messieurs » (1955) de Joseph Mankiewicz ; « Le bal des maudits » (1957) de Edward Dmytryk ; « L’homme à la peau de serpent » (1960) ; « La vengeance aux deux visages » (1961) de Marlon Brando ; « Les révoltés du Bounty » (1962) de Lewis Milestone ; « Le vilain américain » (1963) de George Englund ; « La poursuite impitoyable » (1966) de Arthur Penn ; « La Comtesse de Hong Kong » (1967) de Charlie Chaplin ; « Reflets dans un œil d’or » (1967) de John Huston ; « Queimada » (1969) de Gillo Pntecorvo ; « Le Parrain » (1972) de Francis Ford Coppola ; « Le dernier tango à Paris » (1972) de Bernardo Bertolucci ; « Missouri Breaks » (1976) de Arthur Penn ; « Superman » (1978) de Richard Donner ; « Apocalypse Now » (1979) de Francis Ford Coppola ; « Une saison blanche et sèche » (1989) de Euzhan Palcy ; « Christophe Colomb : la découverte » (1992) de John Glen ; « The Brave » (1998) de Johnny Depp.
DRISS CHOUIKA