Culture
Cinéma, mon amour de Driss Chouika: LA VIOLENCE DANS LE CINÉMA ENTRE CRITIQUE, CATHARSIS ET APOLOGIE
Maïwenn, réalisatrice de Jeanne du Barry et actrice dans le rôle de la favorite parvenue de Louis XVI tenu par Johnny Depp : un collectif de comédiennes et comédiens a dénoncé un "[…] cinéma français [qui] a intégré un système dysfonctionnel qui broie et anéantit".
« Le cinéma est bien moins violent que le monde qui nous entoure ». Albert Dupontel.
Si Albert Dupontel avait peut-être raison de dire que « Le cinéma est bien moins violent que le monde qui nous entoure », il n’en reste pas moins vrai que la violence à outrance dans les films influence certainement le comportement des spectateurs et nourrit la violence chez eux, surtout chez les adolescents et les jeunes. Et s’il n’est pas bien établi qu’il y a une corrélation directe entre la violence dans le cinéma et la violence dans la vie réelle, beaucoup de critiques et de sociologues ont dénoncé l’abus de la violence dans les films et avancé qu’elle est susceptible d’influencer négativement le comportement des spectateurs. Ce sont d’ailleurs les arguments de ceux-là qui ont fini par imposer la limitation d’âge de visionnage pour les films.
Les films où le sang coule à flots et les êtres meurent comme des mouches, sauf les héros bien entendu, d’actions juste pour l’action, sans thèmes, ni queue ni tête, basés sur une esthétique “à l’état sauvage“, qui n’a rien à voir avec “l’esthétique de la violence“ prônée par Glauber Rocha et le courant du “cinema novo“, finissent par jouer un rôle humainement et socialement néfaste en alimentant le risque de créer et développer des tendances violentes chez les spectateurs. Réaction normale, car la force de l’image réside dans sa capacité à nourrir, stimuler et encourager le besoin d’identification et de reproduction des comportements humains, affirment les psychologues. D’où la réalité tangible qui fait que le spectacle cinématographique n’est jamais ni simple, ni innocent, ni inoffensif. Ce qui nécessite une attention particulière pour éviter tout abus préjudiciable à la normalité de la vie sociale commune.
D’une manière générale, la violence dans le cinéma revêt plusieurs formes. Et qu’elle soit brutale et cruelle, vulgaire et obscène, sexuelle et pornographique..., elle dépend toujours des cultures, pratiques et mœurs sociales de chaque communauté humaine à une époque déterminée. L’exemple de la polémique suscitée par la sélection du film "Jeanne du Barry" de Maïwenn au 76ème Festival de Cannes, accusée par tout un collectif de comédiennes et comédiens de “complaisance“ vis-à-vis des agresseurs sexuels, est bien éloquent à cet égard. Ce collectif, ayant publié un communiqué de dénonciation du film, va jusqu’à affirmer que "le cinéma français a intégré un système dysfonctionnel qui broie et anéantit".
Globalement, on peut relever trois aspects dans cette question de la violence dans le cinéma, selon qu’on la critique et la dénonce, qu’on la considère sous l’angle de l’identification et la catharsis ou celui de l’apologie.
CRITIQUE ET DÉNONCIATION
Je suis personnellement de ceux qui croient que la seule raison d’utilisation de la violence dans le cinéma est celle de la critiquer, donc de la dénoncer d’une manière claire et lucide. Et même quand la violence dans les films revêt un caractère plus psychologique que visuel, elle demeure l’expression d’une culture et de pratiques sociales d’une communauté donnée. Elle permet ainsi aux cinéastes de prendre position sur une problématique précise et de construire un discours social clair autour, permettant au spectateur de porter un regard critique sur la réalité qu’on lui propose de voir. Tout le problème réside dans la conception qu’on se fait du spectacle cinématographique et de son impact socio-culturel réel. Ceux qui réduisent le cinéma à un simple divertissement ne reconnaissent pas les possibilités des impacts négatifs funestes sur le spectateur comme individu social, élément d’une communauté.
Cela pose l’éternel problème de l’influence de l’image dans l’éducation de l’individu, surtout pendant l’enfance, l’adolescence et la jeunesse, entre les milieux familial et social, sur le développement et l’épanouissement de sa personnalité, ainsi que son impact direct sur le développement harmonieux de la communauté. Le cinéma est forcément néfaste quand il est irréfléchi et réduit à sa dimension purement commerciale.
POUVOIR CATHARTIQUE
L’aspect cathartique que peut jouer la violence dans le cinéma, évoqué par plusieurs sociologues et critiques n’est plus à démontrer. Il découle du phénomène psychologique de l’identification du spectateur aux personnages des films. Plus le personnage auquel s’identifie le spectateur est violent, plus il intériorise sa façon d’agir et finit par en faire la norme de son comportement réel. Quand un personnage violent devient l’idole d’un spectateur, il est tout à fait normal qu’il devienne lui-même aussi violent dans sa vie sociale quotidienne.
Oui, malheureusement, à force d’apprécier voir la violence exagérée, sans aucune nuance critique, le spectateur finit par la considérer comme un accomplissement et une satisfaction personnels normaux, louables même.
APOLOGIE DE LA VIOLENCE
Par contre, des sociologues et critiques voient que le pire est que la violence dans les films devienne une fascination. Cela devient bien grave alors. Si la violence gratuite dans un film arrive à fasciner un spectateur et la vit d’une manière intense, surtout aux bas âges, il va nécessairement développer une sorte de jouissance réelle de la violence. Ainsi, pour les adeptes de cette conception, les cinéastes responsables de la création de tels films font tout simplement l’apologie de la violence. La recherche de sensations fortes qui captent l'intérêt des spectateurs les fait oublier toute considération d’ordre culturelle ou sociale. Tout le danger est là.