Le Café maure reprend vie… (Version corrigée)

5437685854_d630fceaff_b-

Le café maure des Oudayas, tout y est flambant qui sent le neuf

1
Partager :

Le café des Oudayas a rouvert ses portes après l'achèvement des travaux de rénovation à l'identique. A L’identique, il faut le souligner, c’est important et c’est magique. C’est censé emporter l’adhésion des récalcitrants, ceux qui ont vu dans cette rénovation sans concertation, une menace pour l’esprit des lieux, qui, comme tous les esprits, aime l’ancien, l’habité par les âmes d’antan.

La réinauguration - il faut bien néologiser pour l’occasion, rénover des mots à l’inidentique pour qu’ils disent ce qu’ils veulent taire, - s’est faite dans les règles de l’art.  Délégation sapée pour la circonstance, gratin rbati et gotha exogène, photographes empressés pour postertiser l’instant ; j’imagine enfin, car je n’y étais pas et je ne sais même pas si l’honorable beau monde a eu un cordon à couper pour ce rare moment. A ce niveau je dois une correction, l’information que j’avais entre les mains m’ayant induit en erreur. Si par inadvertance, j’ai appris aussi que la réinauguration s’est déroulée en présence de l’ambassadeur de Russie, il ne s’appelle pas, au temps pour moi, Alexander Schischlik, mais Valerian Shuvaev, sans que l’on explique le pourquoi du comment de cette présence, du coup je me dis pourquoi le Russe et pas un autre homologue, l’Ukrainien par exemple ? En revanche, Alexander Schischlik est le Représentant de l'UNESCO au Maroc, et, contrairement à ce que j’ai avancé dans la première version, c’est lui qui a félicité « tous les corps de métier qui ont contribué à cet ouvrage » et expliqué « qu'un travail extrêmement complexe a été accompli pour la rénovation de ce café », dans la mesure où il fallait mener les travaux « tout en respectant le patrimoine et en récupérant les choses comme elles étaient dans l'esprit de tout le monde » ? Le reste, avec mes excuses, est inchangé.

Dans l’esprit de tout le monde donc, a dit A Schischlik ! Pour la tranquillité du mien, j’ai été voir et je dois reconnaitre que c’est beau. Les Oudayas sont toujours là, à gauche, immsuables, majestueusement juchées sur leur falaise ancestrale, depuis des siècles narguant de la fragilité de leurs demeures, jour après jour, saison après saison, la révolution solaire de la terre. La vue sur l’embouchure n’a pas bougé non plus, tout aussi prenante qu’auparavant. Sur l’autres rive, Salé et quelques-uns de ses minarets flamboient encore à demi-teinte, et, au milieu, le Bouregreg, éternel témoin en perpétuelle régénérescence du temps qui passe, rutile sur son bonhomme de cours, indifférent aux battements des horloges et au monde qui l’entoure, le nage ou le navigue, se souciant peu des marées depuis que le réaménagement de la vallée a transformé cette partie de l’Oued en plan d’eau. L’essentiel donc, diront ceux pour qui le lieu ne vaut que par son panorama. Mais le Café maure ? 

Le Café maure, lui aussi est là où il a été, au terme d’une descente en toboggan, inamovible, beau, confortablement encastré dans les remparts qui l’ont toujours couvé, adossé à la Kasbah et reposant sa quiétude émouvante, à deux encablures, sur le musée des parures. 

Peut-être un peu plus spacieux que dans mes souvenirs. Tout y est flambant qui sent le neuf. Ses pergolas enceintes d’ombres, à l’exception d’une, sacrifiée pour ne pas briser la perspective. Ses poutres taillées dans du bon bois je présume. Son carrelage sobre et ses murs nattés de hssayers pas encore surannées pour donner le change. Ses tables basses et ses tabourets proches du parterre comme les affectionnent les maures. Tout est remarquablement à l’identique. Mais alors pourquoi la sensation d’absence de ce petit rien qui fait sens, qui ferait authenticus ou authentikos ? Je n’irai pas jusqu’à dire que la Café maure m’a fait l’effet d’une femme qui vient de se faire botoxer, mais dans mes yeux de brocanteur amateur de vestiges, nostalgique de comme c’était avant, il est trop beau pour être vrai.

Je ferme les yeux. Bon cœur, je me dis que dans un demi-siècle, quand le Café maure revivra dans ses rides retrouvées, d’autres esprits des lieux viendront le hanter pour lui conférer le charme discret des choses désuètes, et l’odeur du moisi qui au contact de l’air marin prend l’arôme iodée des belles flagrances. Seulement alors, pour votre serviteur, qui ne sera certainement plus là, le Café maure re-sera ce qu’en dit le président de l'Association Ribat Al fath, Abdelkrim Bennani, « un lieu de rencontre des générations, de Marocains et d’étrangers, ainsi qu'un lieu de mémoire et d'avenir pour régénérer l'histoire ». Et moi, dans toute cette histoire, qui me suis attaché à l’esprit des lieux, je passerai, peut-être, pour un esprit chagrin qui a raté, ou pas, une occasion de se taire.

lire aussi