Le Moussem d’Assilah débat des dégâts du découpage des frontières africaines à la conférence de Berlin en 1885

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« Le découpage arbitraire décidé à Berlin en 1885 a profondément affecté les entités politiques africaines, perturbant les systèmes de loyauté et d’appartenance au sein des populations. Ces lignes tracées par le colonialisme continuent de susciter incompréhensions et contradictions » (Intervenant)

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Des experts et personnalités politiques ont débattu, lundi à Assilah, des impacts des frontières africaines héritées de la colonisation, ainsi que des défis que le continent doit encore relever pour dépasser cette vision du passé, à travers une intégration régionale plus poussée.

« La colonisation a laissé des cicatrices profondes, notamment par la création de frontières artificielles et d’États fragmentés qui ne respectaient pas les réalités culturelles et géographiques » (Intervenat)

Réunis dans le cadre du colloque d’ouverture de la 45è Moussem culturel international d’Assilah, sous le thème "La crise des frontières en Afrique: les parcours épineux", les intervenants ont traité de l’histoire coloniale du continent africain, notamment les conséquences de la conférence de Berlin de 1885, qui a acté un découpage arbitraire des frontières des Etats africains, en essayant également de réfléchir sur les solutions permettant de dépasser cette conception en vue d’un développement du continent.

S’exprimant à cette occasion, l’ancien ministre des affaires étrangères du Cap-Vert, Victor Manuel Barbosa Borges, a indiqué que la conférence de Berlin de 1885 et le partage de l’Afrique ont marqué un tournant décisif dans l’histoire du continent, imposant des frontières coloniales sans la participation des Africains, ajoutant que ce découpage arbitraire a profondément affecté les entités politiques africaines, perturbant les systèmes de loyauté et d’appartenance au sein des populations.

« Ces lignes tracées par le colonialisme continuent de susciter incompréhensions et contradictions », a-t-il enchaîné, avec des Etats africains qui défendent ces frontières, malgré leur origine coloniale, tout en dénonçant les effets destructeurs qu’elles ont eus sur le tissu social et politique.

De son côté, l’ex-médiateur du Burkina Faso, Alima Déborah Traoré Diallo, a évoqué le cas des frontières en Afrique de l’Ouest, qui existaient dans diverses formes avant la colonisation, basées sur des systèmes de pouvoir, de religion et de géographie, ajoutant que les frontières modernes sont le résultat des rivalités coloniales entre puissances européennes, notamment entre les Allemands, Anglais et Français, qui ont tracé des lignes arbitraires sans tenir compte des réalités culturelles, religieuses ou ethniques locales.

« Ces frontières, souvent tracées de manière artificielle, étaient conçues pour servir les intérêts des colons, limitant le développement des populations locales », causant ainsi divers conflits transfrontaliers après l’indépendance de ces pays, a-t-elle relevé, notant que l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), de par le principe consacré de l’intangibilité des frontières, a fortement contribué à réduire les conflits transfrontaliers, mais n’a pas su résoudre les tensions sous-jacentes, qui nécessitent aujourd’hui une plus grande collaboration et intégration régionale, permettant de dépasser les divisions coloniales.

El Hadj Amadou Diallo, ancien ministre de la justice du Sénégal, a pour sa part, souligné que l’histoire de l’humanité a toujours été marquée par des migrations et des conflits, une réalité particulièrement forte en Afrique, où la colonisation a laissé des cicatrices profondes, notamment par la création de frontières artificielles et d’États fragmentés qui ne respectaient pas les réalités culturelles et géographiques, ajoutant qu’aujourd’hui, la géopolitique des frontières représente un défi majeur non seulement pour l’Afrique, mais aussi pour le monde entier.

Ces frontières coloniales avaient pour objectif de diviser et affaiblir les États africains afin de mieux les exploiter, une stratégie qui continue d’affecter le développement du continent, a-t-il poursuivi, notant que le continent africain est confronté aujourd’hui au choix de son nouveau modèle de développement, un choix crucial pour dépasser les divisions coloniales et favoriser un développement endogène et durable.

En ce sens, l’histoire de l’unité africaine, incarnée par des figures historiques et des mouvements, est plus pertinente que jamais, précise M. Diallo, soulignant qu’il est question d’unir les pays africains autour d’une voix commune, tant sur le plan économique que culturel, et de bâtir un avenir fondé sur l’intégration, qui, bien que complexe à cause de la diversité des États africains, impose l’idée de dépasser l’héritage colonial et de créer un modèle qui reflète les réalités actuelles de l’Afrique et qui devra lui permettre de s’engager pleinement dans les enjeux globaux contemporains, tout en préservant ses identités propres.

Le 45è Moussem culturel international d’Assilah, qui se poursuit jusqu’au 31 octobre, est organisé sous le Haut Patronage du Roi Mohammed VI, à l’initiative de la Fondation du Forum d’Assilah, en partenariat avec le ministère de la Jeunesse, de la culture et de la communication (département de la Culture) et la commune d’Assilah. Il sera marqué par l’organisation de plusieurs colloques, dans le cadre de la 38è édition de l’Université ouverte Al-Mu’tamid Ibn Abbad.

Au programme de cette édition figurent des colloques traitant de plusieurs sujets d’actualité, notamment "Les élites arabes de la diaspora: le défi posé et le rôle possible", "Mouvements religieux et scène politique: quel sort?" et "Valeurs de la justice et des systèmes démocratiques".

Dans le cadre de l’espace de la "Tente de créativité", un hommage sera rendu à l’écrivain, romancier et poète marocain Mohamed Achaâri, ancien ministre de la Culture (30 octobre), avec des témoignages qui seront présentés par plus de 20 universitaires, académiciens et hommes de lettres marocains et arabes.