Culture
Les fleurs des murs d’un confiné – Par Rédouane Taouil
“Vivre est un mal. C’est un secret de tous connu”. Il y a dans cet hémistiche baudelairien des accents de tristesse qui rythment l’humeur du confiné
« Courons vers l’horizon, courons vite
Pour attraper au moins un oblique rayon ».
Charles Baudelaire.
« Aller jusqu’au soleil par l’échelle lumineuse d’un rayon ».
Rubén Darío.
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Un confiné s’est épris d’une passante au visage masqué et à la majesté mise à nu. Éternelle tristesse de la fugitive beauté.
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Confiné, vacciné, tu aimeras ton prochain et tu continueras à en avoir peur comme de toi-même.
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“Vivre est un mal. C’est un secret de tous connu”. Il y a dans cet hémistiche baudelairien des accents de tristesse qui rythment l’humeur du confiné.
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Usée, l’âme d’un confiné est incapable, telle une cloche fêlée, de recréer le chant des souvenirs lointains.
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Immobile dans son lit, un confiné suit d’un regard rêveur les fleurs bourgeonnant sur ses murs, faute de s’évader au-dessus des vallées et par-delà le soleil avec une provision de rimes embrassées.
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“Il n’y a nulle part où aller sinon partout dans les méandres de la mémoire”, reconnaît un confiné en refermant un livre du frère de l’océan et des voyages errants, Jack Kerouac.
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Un confiné a succombé au charme insidieux de son masque. Il lui chante “Ne me quitte pas”. L’accessoire est en désarroi, il ne sait pas s’il s’agit d’une prière ou d’une injonction.
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Le masque d’un confiné dissimule les cicatrices des joues et du nez, mais dénude, avec la complicité des yeux, toutes les blessures de l’âme.
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Devenu prudent et réticent, récalcitrant et distant, un confiné s’engouffre dans les dédales de ses vertiges.
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“Le drame du confiné est de ne plus coïncider avec lui-même”. Ainsi un confiné esquisse le portrait de ses stigmates en écho à la voix d’Albert Memmi.
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Choisir une rose ou un livre. Un confiné préfère les calices du verbe.
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Être, c’est être vacciné. Symptôme et antidote d’une époque agonisante.
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Tout au long du tunnel du virus, il y a des stations de répit pour le confiné qui sont autant de beaux mensonges.
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“ Sois toujours très imprudent, mon petit, c'est la seule façon d'avoir un peu de plaisir à vivre… ”. Ne pouvant faire sienne cette sentence de la mère du hussard, un confiné avoue ses regrets à Jean Giono à l’insu des calomniateurs.
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Au commencement était la pénombre, au commencement était un animal dont le poète Abdelwahab Al Bayati dit : “La chauve-souris appelle toujours la nuit fût-ce à la pointe de l’aurore”.
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Dans les fenêtres ouvertes, le confiné regarde ses reflets pour considérer son état d’âme et passer la main sur ses soucis.
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Que présagent les fenêtres fermées où des silhouettes interpellaient les élans d’un confiné.
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La lune, attentive au message de Lorca, ne se rend plus au balcon du confiné de peur d’être convertie en anneaux et colliers.
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Oublieux de lui-même, un confiné aspire à retrouver ses souvenirs même ceux des jours inquiets.
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Muré, un confiné aspire à se perdre sur une interminable route d’asphalte noire parsemé de rêves syncopés.
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Que conspirent les masques dans les armoires? S’inquiète un confiné en écoutant les nouvelles.
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Les yeux fixés sur ses courbes descendantes, le virus est jaloux des pollens, qui se promenant aveugles, agrippent les yeux des confinés.
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Au milieu de la rue, un confiné ne sait plus où aller : au café, à la recherche d’une oreille intime ou à l’encontre de lui-même.
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Les lucarnes de la mélancolie du confiné s’allument à la tombée de la nuit.
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Là où le virus emmure le confiné, le songe ouvre une fenêtre et y pose un pot de basilic.
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Les murs ont des entrailles.
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Un confiné s’obstine à s’écarter de lui-même pour se retrouver semblable à ce qu’il fût dans les miroirs de naguère.