Le débat autour de la prestation d’un artiste tourne au lynchage. La doxa bien-pensante et les courants régressifs sonnent l’hallali, et c’est leur rôle, ils s’attaquent à l’ensemble des expressions de la jeunesse, le Rap en tête.

En face, ni les partis dit modernistes, ni les intellectuels ne s’engagent. Or, le débat est important, parce qu’il y a risque d’uniformisation des expressions artistiques de la société, avec toutes les implications politiques que cela sous-tend.

La créativité de la jeunesse ne peut être normalisée. L’artiste est de son temps, il subit les influences des tendances dans son public cible et à l’international. Sa liberté doit être totale tant qu’il respecte la loi. Le juge c’est le public qu’il peut rencontrer ou pas.

Depuis que l’humanité avance, l’expression artistique de la jeunesse est toujours transgressive. Elle a souvent précédé, voir initié des changements sociaux. Le Rap exprime les revendications des déshérités, la movida espagnole a accompagné l’installation de la démocratie.

Les musiques urbaines au Maroc, avec leur festival phare « l’Boulevard », le Street-art, ces peintures murales qui enjolivent certaines de nos villes reflètent la créativité d’une jeunesse, qui n’est pas tournée vers elle-même, mais qui bien au contraire s’inscrit dans la cité, une vision collective. Refréner cette créativité, c’est pousser cette jeunesse vers les solutions individuelles, elle consommera la même musique mais venue de l’étranger.

Ce n’est pas un phénomène nouveau. Les premiers peintres qui sont sortis du cheval et du cavalier pour s’intéresser au corps des femmes ont été attaqués, Mohamed Choukri et Zefzaf ont fait l’objet de l’hallali avant de devenir les icônes, Nass El Ghiouane ont été bannis de la télévision pendant une décennie. Mais à chaque fois, les intellectuels, l’union des écrivains, les démocrates ont défendu la liberté de création et d’expression. C’est ce qui nous fait défaut aujourd’hui.

Corseter la créativité artistique de la jeunesse, c’est lui donner le signal que les codes imposés par les générations passées sont immuables.

Cela vaudra aussi pour l’économie, alors que nous appelons à l’innovation et la politique où on recherche désespérément la participation des jeunes.

Gibran Khalil Gibran écrivait : « Vos enfants ne sont pas vos enfants. Ils sont les filles et les fils de l’appel de la vie à elle-même. Ils viennent à travers vous, mais non de vous. Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas. Vous pouvez leur donner votre amour, votre soin, votre temps, Mais non pas vos pensées, car ils ont leurs pensées propres. Vous pouvez accueillir leur corps mais pas leurs âmes car leurs âmes habitent la maison de demain ».
Ne pas prendre en considération ce fait historique universel est irrationnel.

La défense de la liberté de création est au centre de la lutte pour la démocratie, les droits, l’émancipation. On voit en Iran la révolte de la jeunesse pour vivre avec ses propres codes. Nos intellectuels doivent arrêter de céder du terrain par simple lâcheté.