Culture
SIEL 2025 : Un festival pluriel entre excellence littéraire, innovation culturelle et défis d’infrastructure – Par Naïm Kamal

Malgré ces bémols et ces difficultés logistiques, le SIEL 2025 a confirmé l’utilité du Salon et en même temps mis en évidence la nécessité d’accompagner son développement par des infrastructures adaptées
Le Salon international de l’édition et du livre 2025 à Rabat a été marqué par une programmation riche et diversifiée, confirmant la place centrale de cet événement dans la vie culturelle marocaine. Pour Naïm Kamal, malgré le succès de la fréquentation et la densité des échanges, des failles d’organisation révèlent la nécessité d’une montée en gamme des infrastructures.
Par Naïm Kamal
Le SIEL 2025 a tombé le rideau après dix jours de foisonnement culturel. Les chiffres de ce succès ne manquent pas : 756 exposants, dont 292 directs et 464 indirects (?) représentant 51 pays. Plus de 100.000 titres couvrant un large champ ont été offerts au regard des visiteurs, estimés cette année à 400 003. Comme il se doit, le Salon a célébré les Marocains du Monde, porteurs de l’identité marocaine plurielle au-delà des frontières. Les plus en vue des auteurs locaux n’ont pas été en reste. Mais le chiffres ne sauraient suffire pour parler de succès.
Un succès et quelques bémols
Fruit d’un partenariat entre le ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication et Bank Al-Maghrib, le Pass Jeunes a fait l’objet d’une convention et d’une exposition médiatique en bonne et due forme entre les deux institutions. C’est une initiative qui vise, assure-t-on, la démocratisation de l’accès des jeunes aux ressources culturelles et muséales, tout en les sensibilisant aux enjeux de l'éducation financière.
De multiples prix, dosés, ont jalonné l’événement : le concours « Couleurs d’Al-Qods » a récompensé la créativité de jeunes élèves, le Prix du Maroc du Livre et le Prix national de la lecture ont honoré écrivains et chercheurs, tandis que le Prix de l’Arganier a célébré la littérature francophone à travers le choix des lycéens du réseau français.
Le Choix Goncourt du Maroc 2025, a été attribué à Gaël Faye pour Jacaranda, histoire de célébrer couleur café la francophonie. Des résidences artistiques, comme celle dédiée à l'illustration de l'histoire de Rabat, ont aussi mis en avant l’importance du dialogue entre mémoire et création contemporaine.
Le choix Maroc 2025, tacite, s’est décliné en hommages à Leila Abouzeid et au dramaturge Ahmed Ghazali, histoire de rappeler l’importance de préserver et valoriser les figures majeures du patrimoine littéraire et artistique marocain.
Le Salon a également réfléchi aux défis de la lecture à l’ère du numérique, notamment lors de débats sur les stratégies pour contrer l’emprise des écrans et raviver le goût du livre chez les jeunes. D’autres conférences ont exploré des thématiques variées, de la gestion durable de l’eau à la place du graffiti dans l’esthétique urbaine, ouvrant le SIEL à de nouveaux horizons culturels et sociétaux.
Mais si la densité de la programmation est à saluer, l'organisation matérielle du Salon a montré quelques limites.
Deux Maroc parallèles
Le pavillon des institutionnels, et de quelques éditeurs et… libraires de ‘’première division’’, principal espace des débats, en dehors des trois salles dédiées, a souffert d’un voisinage entre les stands, générant un brouhaha perturbant et des interférences sonores notables entre les conférences.
Et autant ce pavillon respirait une certaine aisance, autant celui C, D etc., réservé exclusivement aux éditeurs, concentrant une forte densité d’exposants au mètre carré, a porté la promiscuité à son comble. Un fait qui a grandement handicapé la visibilité, la fluidité de circulation et la découverte des œuvres.
Globalement, au Salon, on a eu à vérifier ce que l’économiste Youssef Saadani avait appelé la bipolarité marocaine, deux mondes parallèles, qui se croisent mais ne se côtoient pas.
Reste l'affluence record qui a mis en évidence un problème récurrent : le stationnement. Même pour les invités privilégiés ou les heureux détenteurs de macarons officiels, l’accès au parking est devenu un véritable casse-tête.
Malgré ces bémols et ces difficultés logistiques, le SIEL 2025 a confirmé l’utilité du Salon tout en mettant en évidence deux nécessités : revoir l’approche quantitative et accompagner son développement par des infrastructures adaptées à ses ambitions. Le constat est désormais incontestable : l’espace OLM Souissi n’est pas ou plus adapté à un tel événement, ni à d’autres manifestations de même envergure.
Dès lors, une question s’impose : alors que Rabat est en plein chantier pour accueillir sa part des matchs de la Coupe du Monde 2030, n’est-il pas temps de doter la ville d’un véritable palais des expositions, digne de son statut de capitale du Royaume ?