économie
La Dédollarisation en marche – Par Dr Samir Belahsen
L’utilisation à outrance de l’extraterritorialité du droit américain est devenue un levier juridique de coercition de moins en moins supportable et encourage la dédollarisation
La dédollarisation peut être définie comme le processus de substitution du dollar américain comme monnaie utilisée pour le commerce du pétrole et/ou d'autres matières premières, l'achat de dollars américains pour les réserves de change, les accords commerciaux bilatéraux et les actifs libellés en dollar.
L’hégémonie du dollar américain en tant que monnaie de réserve internationale est l’arme de destruction massive la plus utilisée par les États-Unis pour soumettre nombre d’économies à la politique leur Banque centrale.
La volonté de se libérer de l’hégémonie du dollar est de plus en plus partagée. Certains pays sont passés au stade de la stratégie de dédollarisation.
La dollarisation dès la fin de la guerre
En 1944, quand le système étalon-or fut adopté, les États-Unis possédaient les plus grosses réserves d’or. Ils ont bénéficié des entrées d'or en temps de guerre, ce qui leur a permis d’imposer la monnaie américaine comme monnaie de référence dans le monde puis à pouvoir s’endetter massivement. Les investisseurs étrangers rachetant la dette. Pour s’assurer contre la dépréciation du dollar, il fallait augmenter leur stock d’or.
En 1971, avec la fin des accords de Bretton Woods, la création monétaire devient sans limite et les taux de changes flottants. Depuis, la dette américaine ne cesse d’augmenter et le règne du dollar perdure avec quelques mesures et accords politiques d’accompagnement : Henry Kissinger avait conclu avec l’Arabie Saoudite un accord pour que chaque baril de pétrole soit échangé en dollars.
La dédollarisation
L’utilisation à outrance de l’extraterritorialité du droit américain est devenu un levier juridique de coercition créant une sorte de souveraineté sur l’ensemble des agents économiques utilisant le dollar. La stratégie agressive dans le recours à l’arme des sanctions, les embargos décrétés unilatéralement et la menace d’exclusion de certains pays du système SWIFT, l’hégémonie Américaine abusait du recours à l’arme Dollar.
Rappelons les amendes records en 2014 de la BNP Paribas de 8,9 milliards de dollars pour violation d’embargos et l’amende de 772 millions de dollars d’amende pour la société Alstom, pour corruption d’agents publics étrangers avec paiements associés en dollars.
La Russie a dû créer une structure de messagerie bancaire russe SPFS. La Chine établit le CIPS pour ses échanges internationaux en yuan. L’Europe a fondé le réseau INSTEX suite au retrait unilatéral des États-Unis de l’Accord sur le nucléaire iranien. Sous la menace Américaine, l’Europe l’a quasiment oublié.
Elle avait fait son choix.
Les systèmes russes et chinois se développent, ils attirent de nouveaux partenaires comme l’Iran, l’Inde et la Turquie.
On peut parler d’un début de dédollarisation du moment que le dollar qui représentait 66% des réserves mondiales en 2014, n’en représente plus que 59%.
Plusieurs pays et pas seulement les BRICS se méfient de plus en plus du dollar et se rapprochent du yuan.
L’entité sioniste a annoncé diminuer ses réserves en dollar ( 5%) pour y inclure pour la première fois du yuan.
Après la crise de 2008, la Russie avait commencé une longue marche vers la dédollarisation de ses échanges.
Les réserves en dollars de la Russie ne dépasseraient plus aujourd’hui les 15 % alors que l’Euro dépasserait les 30%. Le gel des avoirs de la banque centrale Russe par les États-Unis, suite à la guerre d’Ukraine, a montré la pertinence de ce choix.
Sergueï Lavrov vient d’annoncer en Janvier 2023 que la Russie et des pays africains se tournent vers l’utilisation de leurs devises nationales pour les règlements de leurs échanges commerciaux. «Nous prévoyons un deuxième sommet Russie-Afrique cette année et nous préparons une série d’événements à cette occasion». Il avait ajouté : « Ce processus n’est pas rapide, mais il est en cours et il prend de l’ampleur».
Lors de sa dernière visite en Irak, en février 2023, il a affirmé : « Dans les conditions actuelles de restrictions de la devise américaine sur nos deux pays, il est important de protéger les relations économiques légitimes de la pression de l’Ouest en passant à des devises fiables pour le paiement de l’approvisionnement en pétrole ».
La dédollarisation est conçue par Moscou comme un processus qu’il convient d’accélérer. Le meilleur accélérateur pourrait être L’OPEC.
Le Brésil et l'Argentine ont commencé, la semaine dernière, à discuter de la création d'une zone monétaire unique, avec une seule devise à terme entre les deux pays. L'Argentine avait le soutien de la Chine et de l'Inde pour rejoindre les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) .
Fernando Haddad, nommé dernièrement ministre des finances, avait même proposé un nom pour cette future monnaie le « sur » en espagnol, signifiant le sud.
En trois lettres tout est dit.