économie
UN LIVRE DE RACHID M’RABET : HISTOIRE DE LA PENSEE MANAGERIALE - Par Mustapha SEHIMI
Dans cette histoire, peut-on parler de management public ? L'auteur estime qu'il n'a rien apporté au management moderne. D'où la nécessité impérieuse d'implémenter les pratiques du management dans l'Etat et le secteur public. Le recrutement doit, dans cette même ligne, prendre en compte la compétence managériale. Annuellement, faut-il le rappeler, la Cour des comptes signale "l'incurie managériale de l'Etat, de ses structures satellites et des collectivités territoriales". Le nouveau gouvernemen
Pas de pause donc! Rachid M'Rabat continue. Diplômé de l'ISCAE, docteur d'Etat des sciences de gestion (Paris Dauphine), c'est un parcours de premier plan. Une carrière bien remplie: professeur de finance et de management stratégique ... à l'ISCAE, directeur général de cette institution (1996 - 2011) puis du centre des études doctorales en gestion, le voilà aujourd’hui qui nous livre un essai sur ce qu'il appelle "le management au fil du temps". Un ouvrage d’historien capitalisant un séminaire d'une dizaine s'années.
Son hypothèse centrale est celle-ci: le management a une histoire, des périodes, des cycles et bien des auteurs. L'on ne peut ainsi évacuer cet acquis - ou plutôt une accumulation - tant il est vrai que cette prise en compte ne peut qu'aider les gestionnaires modernes " à se confronter aux problèmes de Management". Aujourd'hui, c'est plutôt la prévalence de l'immédiat ; or, la mémoire ne peut être évacuée ni minorée : elle pèse de tout son poids. C'est qu'en effet, depuis la nuit des temps, les hommes ont été soucieux, sous telle ou telle forme, d'organiser une action collective efficace, plus précisément ceci : produire, construire, conquérir, gouverner, administrer.
Au commencement, les pyramides d’Egypte, la grande muraille de Chine…
Les pyramides d'Egypte, la grande muraille de Chine, ... Un savoir empirique fait de sédimentation à travers les siècles et puis une pratique managériale adossée à une pensée sans cesse en construction. Pour l'auteur, c'est avec la révolution industrielle au 18e - 19e siècle que le management s'installe ; il va ensuite connaitre un grand essor au siècle dernier ; et puis, aujourd'hui, le voilà au cœur de l'économie. De la gestion. Du développement, avec ce mot d’ordre : l'efficience.
Il recense une bonne trentaine de principaux auteurs du management, la majorité d'entre eux étant d'ailleurs anglo-saxons. Les écoles sont nombreuses et témoignent d'une vitalité dans ce domaine. Des pages stimulantes sont écrites par Rachid M’Rabet notamment sur les théories postmodernes du management.
Ce n'est pas vraiment une école cohérente mais autre chose : une période avec de grands changements organisationnels avec des approches et des perspectives nouvelles. L'influence de philosophes français se fait sentir. Leur référentiel est de tourner le dos à un "discours moderne" et ses fondements, à savoir "un système de pensée, fermé et auto-justificateur". Lequel ? La raison de l'homme. La place et le rôle du langage et de sa capacité référentielle ou instructive. Et la quête d'une connaissance universelle. Ce postmodernisme se veut une critique d'une certaine vision : celle de l'existence d'un monde extérieur avec une essence, caractérisé par 1'identité, la stabilité et la structure de ses éléments constitutifs. Dans ce schéma, l'organisation est un système social, à travers des éléments qui le composent et l'articulent. D'une autre manière, cette théorie du management scientifique du travail peut être définie comme "un ensemble de tâches liées entre elles par les voies de communication et de décision". Or, pour les postmodernes, le monde n'est pas stable et segmentable. Il est plutôt en mouvement, en devenir, changeant, fragmenté, disparate, mutant pour tout dire. Plus encore : une certaine vision du langage est mise en avant. Elle aide à mieux appréhender le sujet et plus globalement l'organisation dans laquelle il s'insère,
Pouvoir et domination
Il faut aussi évoquer un courant dans le périmètre du management de langue anglaise, le Critical Management Studies (CMS). Il se distingue par une analyse des organisations mais dans la problématique des rapports de domination : il dénonce le caractère idéologique des logiques managériales. La conception structuro- fonctionnaliste de l'organisation est ainsi rejetée (Derrida, Lyotard, Foucault, Deleuze, Baudrillard, ...). L'accent est surtout mis sur des dimensions comme la division du travail. Et 1e pouvoir. L'idéologie aussi.
Dans cette histoire, peut-on parler de management public ? L'auteur estime qu'il n'a rien apporté au management moderne. D'où la nécessité impérieuse d'implémenter les pratiques du management dans l'Etat et le secteur public. Le recrutement doit, dans cette même ligne, prendre en compte la compétence managériale. Annuellement, faut-il le rappeler, la Cour des comptes signale "l'incurie managériale de l'Etat, de ses structures satellites et des collectivités territoriales". Le nouveau gouvernement Akhannouch va-t-il imprimer rapidement sa marque pour une autre politique de ressources humaines dans les années à venir ? Souhaitable, bien entendu. Reste la faisabilité