Banquise: la plus grande expédition en Arctique pousse un cri d'alarme

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Le brise-glace allemand Polarstern arrive après 389 jours en mer dans son port d'attache de Bremerhaven, en Allemagne, le 12 octobre 2020

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La plus grande expédition jamais menée au pôle Nord a regagné l'Allemagne lundi après avoir constaté l'ampleur du réchauffement climatique en Arctique et la menace qui plane sur une banquise menacée de "disparaître" l'été.

A l'issue de 389 jours en mer, le brise-glace Polarstern de l'institut allemand Alfred-Wegener a retrouvé son port d'attache de Bremerhaven, dans le nord-ouest de l'Allemagne.

 "Étape historique"  

"Nous avons repoussé les limites de ce que nous pouvons faire en matière de recherche dans l'Arctique (...) L'expédition marque une étape historique dans la recherche au pôle Nord", s'est félicité le chef de l'expédition Markus Rex, lors d'une conférence de presse.

Mais le responsable de cette expédition internationale baptisée MOSAIC a aussi lancé un appel urgent pour tenter de sauver la banquise d'été "en train de disparaître".

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Evolution de l'étendue de glace mesurée en septembre en Arctique, depuis 1979

"Ce monde est menacé", a assuré ce climatologue et physicien. "Si le changement climatique se poursuit comme cela, alors dans quelques décennies, nous aurons un Arctique libéré des glaces durant l'été", a-t-il ajouté.

"Nous devons tout faire pour préserver (...) la banquise dans l'Arctique pour les générations futures et nous devons tenter de saisir la petite chance que nous avons encore de le faire", a-t-il lancé, décrivant une région "fascinante et d'une exceptionnelle beauté".   

Lors des sorties sur la banquise pour y effectuer des mesures ou des prélèvements, toute l'expédition a pu constater cette évolution.

'Glace fondue' 

"Directement au pôle Nord, nous avons trouvé (en été) de la glace fondue, mince, friable", a témoigné M. Rex, évoquant aussi "des surfaces d'eau liquide à perte de vue, jusqu'à la ligne d'horizon".

Un diagnostic confirmé par des observations satellites aux Etats-Unis qui ont révélé que la banquise d'été avait fondu jusqu'à la deuxième superficie la plus petite jamais enregistrée, après 2012.

En hiver, où ils ont affronté la nuit absolue pendant plusieurs mois et la visite d'une soixantaine d'ours polaires, les scientifiques ont également mesuré des températures beaucoup plus chaudes qu'il y a quelques décennies. 

Au total, plusieurs centaines d'experts et scientifiques de 20 pays différents ont séjourné en se relayant sur le navire qui s'est laissé glisser avec les glaces selon la dérive polaire, ce courant océanique qui s'écoule d'est en ouest dans l'océan Arctique. 

Chamboulée par la pandémie, la mission a été sauvée in extremis au printemps: une nouvelle équipe a pu prendre le relai avec deux mois de retard après s'être soumise à une quarantaine très stricte. 

Le Polarstern a parcouru au total 3.400 km en zigzag, soit une distance à vol d'oiseaux de 1.923 km, se retrouvant à un moment donné à 1.500 km de distance de la zone de peuplement la plus proche.

Pour mener à bien les recherches, un camp a été établi, amarré à un morceau de banquise et composé de quatre stations scientifiques dans un rayon allant jusqu'à 40 km autour du bateau. 

Les experts ont récolté plus de 150 térabites de données ainsi que de nombreux échantillons de glace et d'eau.

Ils promettent de livrer des informations précieuses pour comprendre "les processus complexes" en jeu au pôle Nord qui conduisent à un réchauffement climatique plus accéléré encore dans cette région que dans le reste du monde.

Percée 

Pendant un an, ils ont ainsi pu observer plus d'une centaine de paramètres. Cela a permis "une percée dans la compréhension du système climatique de l'Arctique", selon Markus Rex. 

La mission, partie de Tromsø, en Norvège, le 20 septembre 2019 et dotée d'un budget de 140 millions d'euros, a étudié à la fois l'atmosphère, l'océan, la banquise et l'écosystème pour recueillir des données évaluant l'impact du changement climatique. 

L'analyse complète jusqu'à leur diffusion dans des publications scientifiques devrait prendre un ou deux ans.

L'objectif est de mettre au point des modèles de prédiction du climat pour déterminer à quoi ressembleront les vagues de canicule, les pluies diluviennes ou les tempêtes dans 20, 50 ou 100 ans.