Environnement
Forêts en détresse : la Maâmora, miroir d’une urgence climatique

Entre Rabat et Kénitra, sur un plateau s'étendant de l'océan jusqu'à 80 km à l'intérieur des terres, s'étendent les 133 000 hectares de la forêt de Maamora : la première forêt de chênes-lièges au monde. C'est le poumon vert d'une capitale verte qui appelle au secours.
Sous les frondaisons du chêne-liège et le parfum des eucalyptus, la forêt de la Maâmora semble renaître grâce aux récentes pluies. Pourtant, derrière ce tableau apaisant se cachent des signes alarmants de dégradation. Sécheresse persistante, perte de biodiversité, épuisement des nappes phréatiques : la plus grande subéraie du monde incarne les défis cruciaux que pose aujourd’hui la gestion durable des forêts. Alors que le Maroc célèbre la Journée internationale des forêts, experts et institutions tirent la sonnette d’alarme.
Par Fatine El Fatini – MAP avec Quid
Sur la vaste étendue verdoyante de la forêt de la Maâmora, les chênes-lièges dressent majestueusement leurs cimes vers le ciel azur redevenu plus clément, à la faveur des dernières précipitations enregistrées dans plusieurs régions du Royaume.
Un parfum boisé envahit cette subéraie, bercée par le chant mélodieux des oiseaux et les senteurs d’eucalyptus qui se mêlent à l’odeur de la terre humide exhalée par le sol tapissé de feuilles mortes gorgées d’eau de pluie.
L’envers de la forêt
Pourtant, ce paysage apaisant cache mal les stigmates des épisodes répétés de sécheresse avec leur lot désolant de troncs fissurés et d’écorces desséchées jonchant les allées durcies de cet écrin de verdure.
“Plusieurs forêts sont aujourd’hui dans un mauvais état. La rareté des précipitations a entraîné un affaiblissement des arbres, une diminution de leur densité et une grave dégradation de leurs ressources floristique et faunistique,” explique, Mohammed Benabbou, expert en climat et développement Durable.
Le constat est le même un peu partout dans le monde. Des données de l’ONU datant de 2024 révèlent que pas moins de 10 millions d’hectares de forêts disparaissent chaque année à travers le monde, en raison des facteurs naturels et des activités anthropiques.
De même, environ 70 millions d’hectares sont ravagés par les incendies et 40 % des terres de la planète sont désormais dégradées avec une baisse de leur productivité biologique ou économique.
D’aucuns soutiennent que cette situation est de plus en plus intenable, d’autant plus que les forêts jouent un rôle crucial dans la stabilisation des sols, la lutte contre l’érosion et la gestion du cycle hydrologique.
Ces écosystèmes assurent une meilleure rétention d’eau dans le sol, garantissant ainsi la recharge des nappes phréatiques et la constitution de réserves d’eau souterraines vitales.
Des écosystèmes forestiers indispensables soumis à des pressions grandissantes
Couvrant 31% de la surface de la planète, soit près de 4 milliards d’hectares, les forêts constituent également des réservoirs de biodiversité qui, selon la FAO, procurent un habitat à environ 80% d’amphibiens, 75% d’espèces d’oiseaux et 68% de mammifères, permettant ainsi le maintien des équilibres écologiques et des chaînes alimentaires.
C’est précisément dans cette logique que s’inscrit le choix de “forêts et alimentation” comme thématique centrale de la célébration cette année de la Journée internationale des forêts, qui coïncide avec le 21 mars.
Et pour cause, explique M. Benabbou: “les ressources forestières constituent les piliers de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde”.
Selon la FAO, plus de 5 milliards de personnes dans le monde s’alimentent, se soignent et assurent leur subsistance grâce aux produits forestiers non ligneux qui procurent également des substances médicinales.
Ces écosystèmes forestiers, indispensables au bien-être des populations, sont toutefois soumis à des pressions grandissantes dues principalement au changement climatique et à la sécheresse qui fragilisent l’équilibre du système forestier et accroissent la vulnérabilité de la flore.
Mêmes le cèdre de l’Atlas et l’arganier, pourtant résilients, en souffrent
Au Maroc, les ressources forestières, qui couvrent une superficie estimée à 9.279.000 hectares, peinent à se régénérer naturellement, dans le sillage de six longues années consécutives de sécheresse.
“En raison des épisodes de sécheresse couplées aux activités anthropiques, de nombreuses espèces telles que le cèdre de l’Atlas et l’arganier, pourtant réputées pour leur résilience, voient désormais leur capacité de régénération fortement affectée,” déplore Ayoub Krir, président de l’Association Oxygène pour l’Environnement et la Santé.
D’après lui, la Maâmora, plus vaste subéraie au monde et Poumon vert du Maroc, “est un réservoir pour la nappe phréatique la plus riche du Maroc, dont l’étendue s’est considérablement réduite à cause des facteurs naturels et de l’exploitation excessive”.
Ces défis ont aggravé le phénomène de dépérissement des ressources forestières qui, selon l’Agence nationale des eaux et forêts (ANEF), affecte aujourd’hui environ 10.000 hectares, toutes essences confondues, dont 50 % de pins. Une détérioration qui impacte aussi bien la biodiversité que le climat.
“Les forêts sont des réservoirs de carbone qui emmagasinent 20 à 50 fois plus de CO2 que n’importe quel autre écosystème, atténuant ainsi les effets du réchauffement climatique”, souligne M. Benabbou.
La déforestation libère le carbone stocké, augmente les températures locales et entraîne une perturbation des régimes pluviométriques, accentuant ainsi les changements climatiques.
Face à ces risques et en vue de protéger les forêts tout en assurant la durabilité de leurs ressources, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) met l’accent sur la nécessité d’adopter une vision concertée et partagée entre les différents acteurs et parties prenantes concernés, et préconise l’instauration d’un cadre forestier qui assure la sécurisation des ressources forestières et facilite la mise à jour des textes en vigueur.
Objectif : assurer la réhabilitation du domaine forestier en le transformant en un espace résilient aux risques, capable de mobiliser des investissements à caractère durable et de promouvoir des filières porteuses.
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