Afrique du Sud : Elections locales, véritable test pour un ANC en perte de vitesse - Par Hamid AQERROUT

5437685854_d630fceaff_b-

Julius Malema, leader des Combattants de la liberté économique (EFF), un parti radical dont le programme inclut d’importantes vagues de nationalisations et la saisie des terres des Blancs

1
Partager :

Par Hamid AQERROUT (MAP)

Johannesburg- Près d’un mois avant que les Sud-Africains ne se rendent aux urnes pour voter aux élections locales du 1er novembre, les partis politiques sont entrés dans une période critique de leurs campagnes.

Ce rendez-vous électoral durant lequel plus de 26,2 millions d'électeurs doivent renouveler les mandats des maires et des 278 Conseils municipaux du pays a, en effet, une valeur de test pour l’ANC, un parti-État engouffré dans des scandales de corruption qui défrayent la chronique.

L’opposition table sur les scandales de corruption

Il montrera le poids réel du parti de Nelson Mandela, malheureusement englué dans une crise interne consécutive à l’implication de plusieurs de ses responsables dans des affaires de corruption, ternissant ainsi sérieusement son image de parti anti-apartheid.

Conscient de ce défi électoral et dans l’optique de mettre toutes les chances de son côté, le Congrès National Africain (ANC au pouvoir) a, ainsi, suspendu toutes les réunions, afin de permettre à ses membres et à ses hauts dirigeants de se concentrer sur des campagnes de porte-à-porte à travers tout le pays.

Dans son manifeste électoral, lancé à la ville de Tshwane par Cyril Ramaphosa qui est à la fois président de l’ANC et chef de l’Etat, le parti se dit déterminé à améliorer la qualité du leadership au sein du gouvernement local.

Comme l’avait concédé plusieurs analystes, le parti n’a pas toujours placé les meilleures personnes aux postes de responsabilité au sein du gouvernement local. «Nous n'avons pas toujours fait ce que nous devions ou ce que nous étions capables de faire", a admis Ramaphosa.

Reconnaissant que l'un des problèmes majeurs auxquels le pays était confronté ces dernières années est le chômage, particulièrement des jeunes, le parti au pouvoir a, cette fois-ci, misé sur la jeunesse pour recueillir le maximum de voix. Au moins un quart des 10.000 candidats enregistrés sur les listes électorales du parti sont des jeunes, le plus jeune étant âgé de 20 ans.

Plus tôt cette année, le parti a mis en place de nouvelles règles pour l'élection des maires, exigeant que les candidats à la mairie soient interviewés par les six premiers hauts responsables de l’ANC dans le but d'avoir un gouvernement local professionnel.

Quant à l’opposition, elle est incarnée principalement par l’Alliance Démocratique (DA) et les Combattants de la liberté économique (EFF), un parti radical dont le programme inclut d’importantes vagues de nationalisations et la saisie des terres des Blancs pour leur redistribution. Elle a ces dernières années capitalisé sur les nombreux scandales de corruption et d’abus de pouvoir aussi bien au sein du gouvernement qu’au sein du parti au pouvoir. «On en est arrivé au point où le pays est en pilote automatique», ironisent ces partis.

Ils ont centré leur campagne électorale sur le leitmotiv du «changement», un mot qui présidait à l’immense transition politique du pays en portant Nelson Mandela au pouvoir lors des premières élections démocratiques multiraciales de l’histoire du pays, organisées en 1994.

La peur de la résurgence des violences

Ces deux grandes formations politiques s’étaient également opposées à la proposition de la Commission électorale indépendante de reporter les élections municipales à février prochain, arguant qu'une crise constitutionnelle serait créée si la Cour constitutionnelle accédait à la demande de la CEI.

Pour de nombreux observateurs, l’un des grands paris pour l’Afrique du Sud actuellement est que ces élections se déroulent de façon pacifique et dans le calme, surtout après les assassinats de certains militants du parti au pouvoir et les violences de juillet dernier qui ont ravagé plusieurs provinces du pays.

Ils ont qualifié ces violences politiques de «grave sujet de préoccupation», car elles menacent le processus électoral, la cohésion sociale et la stabilité du pays. Les partis politiques ne peuvent pas et ne doivent pas se permettre d’être engouffrés dans la violence politique, alors que le pays se prépare à des échéances électorales décisives, soutiennent-ils.

D’aucuns imputent les récents meurtres et assassinats de membres de l’ANC aux querelles internes entre des responsables du parti qui se battent pour le pouvoir.

Dans ce contexte, le président la Commission électorale indépendante, Glen Mashinini, a affirmé qu’il appartient à tous les participants à ces élections importantes de veiller à ce qu’elles se tiennent dans des conditions «passionnantes mais pacifiques». Il appartient aussi aux partis politiques de faire respecter et de défendre le Code de conduite électorale», a-t-il soutenu.

En effet, les partis politiques sud-africains représentés au sein du Comité national de liaison viennent de signer le Code de conduite électorale en prévision du scrutin municipal du 1er novembre prochain. Le Code de conduite fournit ainsi des paramètres de conduite conformes à la vision des ancêtres démocrates qui ont conceptualisé une société démocratique en paix avec elle-même et sans violences.

De l’avis même de l’opposition, ce code de conduite s’avère extrêmement important dans l'engagement des formations politiques en faveur d'élections libres et équitables, même s’elle admet que la responsabilité n'incombait pas seulement aux partis politiques, mais aussi à la Commission électorale.

Appelés à choisir leurs représentants au niveau des municipalités, des agglomérations urbaines et des plus petites unités administratives, les Wards, les Sud-africains, lassés par les déboires et la mauvaise gouvernance de l’ANC qui contrôle toutes les structures et institutions de l’Etat, pourraient bien sanctionner le parti en choisissant des candidats de l’opposition.

Celle-ci pourrait, en effet, exploiter l’érosion prévisible de l’électorat traditionnel d’un parti historique en perte de vitesse pour réaliser une percée en «arrachant» certaines municipalités.

Mais au-delà de toutes ces considérations et supputations politiques, le mauvais scénario que tout un chacun redoute le plus est la résurgence des violences lors du jour J du scrutin.

 

lire aussi