ChatGPT, YAHIA SINWAR ET MOI (suite) – Par Mohamed Chraibi

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On remarquera que l'IA générative, en fait ne génère rien, ce sont les utilisateurs (nous) qui générons (généreusement si vous me passez l'expression).

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Je reviens sur ma dernière chronique « ChatGpt, Sinwar et moi » avec du nouveau. 

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Dans The Guardian de ce matin (14/9), un titre a accroché mon regard : « La principale cible d’Israël, la traque du chef du Hamas Yahya Sinwar ». J'ai été d’autant plus intrigué que Sinwar avait cessé de faire les grands titres des journaux depuis, au moins, le lancement de la campagne présidentielle américaine avec ses rebondissements cocasses et le soutien de Taylor Swift à Kamala Harris (si vous ne connaissez pas cette dame (Swift), informez-vous, comme moi, auprès de Google).  Mais, sans plus tarder, je vous livre ci-après quelques extraits du dit article :

« 41 000 Palestiniens, en majorité des civils, ont été tués, une grande partie du territoire rasée, 90 % de la population déplacée, 2,3 millions au bord de la famine, et pendant ce temps, la principale cible des bombardements israéliens est apparemment indemne… La traque de Sinwar, qui dure depuis près d’un an, a impliqué un mélange de technologie de pointe et de force brute, car ses poursuivants se sont montrés prêts à tout, y compris à causer des pertes civiles extrêmement élevées, pour tuer le chef du Hamas...Cette traque est menée par une équipe d’officiers du renseignement, de commandos, d’ingénieurs militaires et d’experts en surveillance sous l’égide de l’Agence de sécurité israélienne, le  Shabak… animée par la volonté de racheter les failles de sécurité qui ont permis l’attaque du 7 octobre… Selon les propos de Ram Ben-Barak, ancien directeur adjoint du Mossad,  : « À cause des otages, nous sommes très prudents dans ce que nous faisons. Sans de telles restrictions, nous l’aurions déjà retrouvé ». Que Sinwar soit ou non entouré d’un cercle de boucliers humains (les otages), la présence possible de ceux-ci n’a pas empêché l’armée israélienne de larguer des bombes de 900 kg sur des cachettes présumées du Hamas. Parmi ses deux principaux objectifs de guerre, le gouvernement Netanyahou place la destruction du Hamas au-dessus du sauvetage des otages.

Les traqueurs de Sinwar ne manquent pas d’expertise. Les assassinats ciblés sont une tactique essentielle de l’armée israélienne depuis la fondation de l’État. Depuis la Seconde Guerre mondiale, Israël a assassiné plus de personnes que tout autre pays du monde occidental.

« Sinwar comprend vraiment les instincts fondamentaux et les sentiments les plus profonds de la société israélienne », a déclaré Milshtein, chercheur au Centre Moshe Dayan de l’Université de Tel Aviv. Et c'est grâce à ça qu'il doit sa survie. Il est possible qu’un accord soit conclu en vertu duquel Sinwar s’exile, et certains suggèrent qu’il se trouve déjà de l’autre côté de la frontière, caché dans un tunnel du côté égyptien de la frontière. Mon évaluation personnelle est que la probabilité de cette option est très faible … C’est dans son ADN de rester à Gaza et de se battre jusqu’à la mort. Il préférera mourir dans son bunker.

Je ne m'attarderai pas sur l’exégèse de ce texte, faute d'espace alloué. Faites la vous-même, elle vous révèlera des contradictions flagrantes dans les déclarations officielles israéliennes telles que le souci des vies palestiniennes comme obstacle à l'usage de frappes indiscriminées au moyen de bombes puissantes et même la présence d'otages autour de Sinwar comme prétexte à sa survie. 

Ce qui m’intéresse ici est qu’enfin, un grand journal évoque la possibilité (assortie d'une faible probabilité) que Sinwar se trouve en Égypte. Et ce, moins d'une semaine après la parution de mon article dans Quid.ma. Pure coïncidence ? Pas sûr, si on fait un détour par ChatGPT. Je m'explique : 

En fouillant le web pour écrire mon premier papier, j'avais interrogé ChatGPT en ces termes : Comment Israël, avec ses moyens de renseignement colossaux n’arrive pas à trouver Sinwar dans un espace aussi réduit que la bande de Gaza ?

Dans sa réponse, ChatGPT invoqua la complexité du réseau de tunnels du Hamas, la densité de population dans les zones où opère l’armée d’Israël jointe à l’obligation de limiter les pertes civiles etc…Avant d'admettre que : Envisager la possibilité que Yahya Sinwar ne soit pas à Gaza et se cache ailleurs, par exemple en Égyptesous la garde des services de renseignement de ce pays, est en effet un scénario plausible.

Après avoir lu l'article sus cité du Guardian, je suis reparti à la charge de ChatGpt avec la même interrogation ainsi formulée : Avez-vous une idée ou des suggestions à faire sur l'endroit où se trouve actuellement Sinwar ? Et voici un extrait de sa réponse : «Bien que peu de médias évoquent directement sa présence en Egypte, cette hypothèse reste plausible étant donné la proximité de la frontière entre Gaza et l'Egypte. Il est possible que Sinwar ait pu s'échapper par Rafah, profitant du chaos ou d'un arrangement secret avec les autorités égyptiennes ». 

Ce qui montre que l'hypothèse de Sinwar exfiltré hors de Gaza qui n'existait pas dans le corpus sur lequel ChatGpt avait été entrainé́ y a immédiatement été intégrée. C'est impressionnant pour un robot qui, il y a quelques mois encore, se déclarait incompétent pour commenter tout événement intervenu après septembre 2021.

Cette histoire nous renseigne sur le processus d’élaboration des informations (vraies ou fausses) que nous livre les logiciels d'intelligence artificielle générative (catégorie dont relève ChatGpt). 

Processus qu'on peut schématiser au moyen du cas qui fait l'objet du présent papier et celui qui le précède : Etape 1 : Un quidam oisif (votre serviteur) publie un papier dans un journal en ligne marocain dans lequel il avance l’hypothèse que l’homme le plus recherché au monde se trouve ailleurs que là où on le cherche. Auparavant, il a fait valider sa géniale trouvaille par une autorité reconnue (chatgpt) qui n'en avait pas connaissance jusque là.  Étape 2 : Cette boîte à merveilles, toujours avide de nouveautés, s'approprie ladite trouvaille qui devient une « méta-information » de nature à satisfaire toute requête ultérieure relative à la question de savoir où se trouve le fugitif. Étape 3 : Le chroniqueur d’un grand quotidien britannique désireux de faire un papier sur « the most wanted man on earth" (depuis l'héroïque élimination de Ben Laden par un commando héliporté américain) interroge ChatGPT à ce sujet. Ce dernier lui fournit une série d'hypothèses où celle du fugitif exfiltré en Égypte figure en seconde position (sur 7). Le journaliste consciencieux la soumet, pour avis, à un ancien haut responsable du renseignement israélien, réputé le meilleur au monde. Ce dernier la valide avec un degré de probabilité faible mais ne l’écarte pas. 

Ainsi, l’hypothèse d'un chroniqueur amateur marocain continue son évolution vers le stade d'information qui sera atteint très vite, au train où vont les choses. Car on peut faire le pari que d'autres grands journaux reprendront, dans les jours qui viennent, une pas-tout-à-fait-information pour la faire gravir d'un échelon à chaque reprise.

Incidemment, on remarquera que l'IA générative, en fait ne génère rien, ce sont les utilisateurs (nous) qui générons (généreusement si vous me passez l'expression).