Contre Poutine, Macron, va-t-en-guerre, ne veut ''aucune limite'' au soutien à Kiev, ''irresponsable'' pour ses oppositions

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Le président russe Vladimir Poutine (C) pose pour une photo avec des diplômées de l'école militaire supérieure d'aviation de Krasnodar, à Krasnodar, le 7 mars 2024. (Photo de Vladimir GERDO / POOL / AFP)

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Emmanuel Macron, toujours joyeux dans le tragique, cherchant à s’ériger en leader de l’Europe face à la Russie et à Poutine, a affirmé jeudi que la France ne devait se mettre "aucune limite" dans son soutien à l'Ukraine, devant les responsables des oppositions qui ont dénoncé une posture "irresponsable" avant un débat parlementaire qui s'annonce tumultueux.

Cherche-t-il à profiter de la campagne présidentielle aux Etats Unis d’Amérique et des hésitations, réelles ou feintes, du congrès américain qui tarde à voter une nouvelle aide massif à l’Ukraine, pour substituer Paris à Washington dans l’intransigeance face à Moscou ? "Face à un ennemi qui ne se met aucune limite, nous ne pouvons-nous permettre d'en formuler", a dit le président français aux chefs des partis représentés au Parlement, réunis pendant 2H30 à huis clos à l'Elysée.

Il a ainsi totalement assumé ses propos du 26 février, lorsqu'il avait affirmé que l'envoi en Ukraine, à l'avenir, de troupes au sol ne devait pas "être exclu", au nom d'une "ambiguïté stratégique", jetant plusieurs capitales européennes dans le rejet et la classe politique française et une bonne partie de l’opinion publique de son pays dans la stupeur.

La plupart des autres alliés de Kiev s'étaient en effet démarqués de cette position, tout comme les opposants en France.

Quant au Kremlin, il a accusé jeudi le président français "d'augmenter le niveau d'implication directe de la France" dans le conflit.

"Je suis arrivé inquiet et je suis ressorti plus inquiet", a résumé devant la presse le coordinateur de La France insoumise Manuel Bompard à l'issue de la réunion élyséenne. Selon lui, le chef de l'Etat a expliqué qu'il "fallait soutenir l'Ukraine « quoi qu'il en coûte »".

"Il n'y a aucune limite et aucune ligne rouge", a aussi déploré le dirigeant du Rassemblement national Jordan Bardella.

A l'unisson de ses homologues de gauche et d'extrême droite, le président du parti Les Républicains Eric Ciotti a dénoncé une posture présidentielle "inopportune, inappropriée, voire irresponsable", qui a "isolé notre pays".

"Soutien indéfectible" 

Selon le patron des communistes Fabien Roussel, Emmanuel Macron a notamment esquissé, carte à l'appui, le scénario d'une avancée du front "vers Odessa ou vers Kiev", "ce qui pourrait engager une intervention" pour arrêter la Russie.

"C'est vraiment un problème d'amateurisme à ce stade-là", a renchéri la cheffe des Ecologistes Marine Tondelier, évoquant une "déclaration viriliste".

L'entourage du président a lui réaffirmé qu'il ne voulait pas d'"escalade", et évoqué des "contradictions" chez les opposants.

Déduisant de ces rencontres des conclusions selon le bon vouloir de l’Elysée, un conseiller de M. Macron a rapporté que l'ensemble des forces politiques ont toutes plaidé jeudi pour un "soutien indéfectible à l'Ukraine" et en déduit arbitrairement que "cela veut bien dire qu'il ne faut pas faire défaut à l'Ukraine et faire tout notre possible pour que la Russie ne gagne pas. Et donc ne rien exclure".

Le clivage sur l'Ukraine, déjà au cœur de la présidentielle de 2022 avant de s'estomper, est assumé par le chef de l'Etat à trois mois des élections européennes de juin.

Alors que la liste d'extrême droite menée par Jordan Bardella fait la course largement en tête dans les sondages, la Macronie semble vouloir en faire son adversaire quasi-exclusif lors de sa campagne qu'elle lance samedi à Lille.

La semaine dernière, le Premier ministre Gabriel Attal avait donné le ton en se demandant "si les troupes de Vladimir Poutine ne sont pas déjà dans notre pays", visant nommément Marine Le Pen.

Jordan Bardella a répondu devant Emmanuel Macron qu'il était "irresponsable" de comparer le RN à "une armée d'occupation étrangère".

"On a un président qui malheureusement comme toujours joue", pour "instrumentaliser la guerre" en vue des élections, a déploré le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure. "C'est pas une Game Boy, en fait, la France", s'est-il indigné.

Emmanuel Macron, qui a promis de se rendre en Ukraine avant mi-mars, tente d'imposer son leadership face à la Russie. La France organise jeudi après-midi une visioconférence ministérielle avec près de 30 pays occidentaux pour détailler de nouvelles options d'aide à Kiev.

Côté politique, un débat est prévu la semaine prochaine au Parlement, suivi d'un vote non contraignant - mardi à l'Assemblée nationale, mercredi au Sénat.

Ce débat s'annonce agité. Non pas tant au sujet de l'accord bilatéral de sécurité signé mi-février avec l'Ukraine, sur lequel porte formellement le vote, mais en raison des récentes déclarations du président, qui a aussi appelé, définitivement doué pour susciter le doute sur ses capacités d’analyse, les alliés occidentaux à ne pas "être lâches", renforçant l'ire de l'Allemagne.

Si LR a ouvert la voie à un vote positif, et si les Ecologistes et le Parti socialiste hésitent, le reste de la gauche penche pour une opposition franche.

Fabien Roussel et Manuel Bompard ont invoqué "la perspective de l'adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne ou à l'Otan" qui figure dans le texte soumis au vote. Une "ligne rouge" aussi pour Jordan Bardella, qui a toutefois laissé

 planer le suspense sur la décision du RN, favorable au "principe d'un accord bilatéral". (Quid avec AFP)